Pour combler un déficit en eau potable et, en même temps, lutter contre des excédents, le Sénégal dépense une fortune, avec l’appui désordonné puisque sans coordination d’une communauté internationale éternelle « partenaire » à un développement qui tarde. Tous oublient en effet, dans le secteur hydraulique, de se servir des pertes déversées en mer. Les projets pharaoniques de dessalement de l’eau de mer et d’une troisième conduite de Keur Momar Sarr tiennent peu compte de la possibilité de récupérer des eaux potables déversées dans un Océan Atlantique. Pourquoi rejeter en mer une eau douce pour la dessaler ensuite ?
Une usine de dessalement de l’eau de mer pour 135 milliards en collaboration avec la Chine, une nouvelle conduite d’eau potable de Keur Momar Sarr à Dakar (Kms3, 60 milliards de FCfa de la France). Pendant ce temps, le Sénégal sahélien perd quelque dix milliards de mètres-cubes d’eau par an payés au franc symbolique en période d’hivernage et à cinq francs à l’étiage à l’Organisation pour la Mise en valeur du Fleuve Sénégal (Omvs). Pire : Dakar jette littéralement à l’eau quelque 700 milliards dans un programme décennal de gestion des risques d’inondations ; il consiste à mettre en réseau tous les canaux de collecte et de drainage des eaux stagnantes pour les entraîner en mer et sauver Moïse des eaux, c’est-à-dire les inondés de Dakar de Thiès, Saint-Louis et Kaolack principalement : depuis 1995 au moins, avec le retour de l’eau après près de quarante ans de sécheresse, des zones fossilisées envoies par les populations revendiquant leur hydraulicité aux populations qui avaient pris d’assaut ces parties asséchées. Avec le projet de désalinisation, de Kms3 et de gestion de l’inondation, il y a alors une forte fuite de liquidités quand le pays aurait pu utiliser plus intelligemment cette manne…en épurant l’eau évacuée toute l’année vers l’Atlantique qui nous prend déjà nos enfants.
Les prévisions les plus optimistes de lutte contre les déficits viennent loin après les dix milliards de mètres-cubes que le Sénégal doit déverser annuellement en mer, pour des besoins écologiques : pour préserver et faire durer le barrage de Diama et éviter conséquemment une rupture des vannes, le Sénégal est obligé de laisser filer cette manne liquide, comme aux États-Unis avec la Tennessee River. Cette perte récupérée en partie aurait pu aider à compenser des déficits en eau potable qui, selon la problématique développée dans le cadre de Keur Momar SARR 3, varieront entre 202.017 m3/j (2025) et 390.888 m3/j en 2035. Ainsi justifie-t-on également la mise en place de l’usine de dessalement de l’eau avec des prévisions de production de 50.000 à 100.000 m3/jour. Cherchez la différence.
La pénurie redoutée se déroule à un moment paradoxal d’excès d’eau avec les inondations de Dakar, Thiès, Saint-Louis et Kaolack. Un Programme décennal de gestion des risques d’inondations de 700 milliards de francs CFA est ainsi mis en place avec l’éternel appui de la Banque mondiale qui n’y a pas réfléchi par deux fois : cette eau drainée et mise en réseau, donc partiellement ou entièrement maîtrisée mais déversée en mer, aurait pu être valablement recyclée et remise dans le circuit de la consommation humaine, animale ou végétale pour un pays sahélien durement frappé par la sécheresse.
L’originalité de toute aide dans la cadre de la lutte contre les inondations aurait dû résider là : le recyclage, à l’heure de la Cop 21 pour mériter ce titre pompeux et creux de Projet de gestion des eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique (Progep) appuyé par un Fonds Nordique de Développement pourtant très équilibré dans ses interventions. En effet, la résistance au réchauffement climatique passe aussi par une procédure simple, surtout pour un pays comme le Sénégal : la maîtrise et la mise à disposition de l’eau. Surtout pour un pays sahélien qui pousse la coquetterie jusqu’à déverser en mer des quantités d’eau importantes. Le bon sens devrait donc reposer sur une logique évidente :récupérer une eau jetée en mer et non de saler la note pour demander à la Chine de l’épurer à travers une usine de dessalement. Il suffisait de peser le pour et le contre d’une telle politique.
Simple logique de simplet en résumé : pourquoi rejeter en mer de l’eau potable pour la dessaler ensuite à grands frais ?
Pathé MBODJE
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