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Série De Meurtres Au Sénégal : Les Causes Sont Dans Nos Comportements Individuels Et Collectifs

Série De  Meurtres Au Sénégal : Les Causes Sont Dans Nos Comportements Individuels Et Collectifs

Comme tous mes compatriotes, je pleure la mort atroce de la dame Fatoumata Makhtar Ndiaye lâchement assassinée par son presque-fils à un moment où le Magal se déroulait dans la vénérée Touba.

Il se dit qu’il lui arrivait de quitter furtivement les dîners même officiels, pour sortir apporter un bout de sandwich à ce même chauffeur quand elle pensait qu’il avait faim ….

Et je me suis représenté la réaction de surprise de cette mère de famille émérite quand elle a reçu de ce «fils» le premier coup de couteau … Jules César voyant son fils adoptif Brutus lui asséner un coup de couteau, parmi une foule d’assaillants « …. Et toi aussi mon fils !».

L’acte abominable prémédité et accompli de sang-froid par Samba Sow est, selon la presse nationale, le douzième, d’une série macabre qui a commencé en fin octobre et sans aucune idée de quand elle va se terminer.

Les émotions sont fortes et les populations au plus haut niveau d’angoisse et de questionnement du genre «à qui faire confiance ( ?) et à qui le tour (2) ».

La dame Fatoumata M. Ndiaye a été tuée comme l’a été de façon moins atroce une vieille femme il y’a deux mois à Keur Mbaye Fall.

Selon les articles de presse sur ces deux cas, toutes les deux vivaient seules ou presque, en tout cas pas avec leurs familles entières respectives.

C’est là une considération à prendre en compte et qui renvoie à cette nouvelle réalité selon laquelle la société sénégalaise évolue ostensiblement vers «l’européanisation» de la vie des personnes du troisième âge : beaucoup de vieilles ou vieillissantes personnes vivent seules, leurs enfants étant à l’étranger ou simplement installés ailleurs, compte tenu de facteurs divers.

Les pouvoirs publics dont c’est la mission, ne manquent pas de prendre la situation en main, en commençant par le président de la République lui-même face à son peuple, à un moment crucial de son histoire sociale.

Son adresse sur la question, au sortir du domicile mortuaire où il est allé présenter les condoléances de la République, est opportune.

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Elle était attendue des populations qui, dans leur écrasante majorité s’offusquent de ce qu’elles considèrent être une mansuétude de la justice quant aux peines faibles appliquées dans des cas aussi graves que les assassinats et les meurtres devenus courants dans un pays réputé sans problèmes.

Ce qui est constant, c’est que quelque chose doit être fait pour rappeler les principes axiologiques sans la prise en compte desquels, la société continuera de vivre des évènements aussi tragiques, chaque cas comportant quelque chose d’inédit et de «jamais vu» sous nos cieux.

L’adresse du chef de l’Etat ainsi livrée est additive aux sermons des Imams dans les mosquées et aux messes dans les églises, en relais aux alertes déjà lancées par les autorités religieuses de façon régulière et circonstanciée : au cours du Magal écoulé, le saint khalife général des Mourides par la voix de son porte-parole a émis des recommandations qui toutes sont inspirées du Coran et vont dans le sens de la vie en paix dans la communauté nationale.

A vrai dire, à chaque Magal correspond un thème de rappel à la droiture conformément aux enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, en droite ligne du Coran et de la Sunna.

Chaque Gamou aussi à partir des foyers confrériques dont les hauts dignitaires ne se sont jamais tus pour émettre les recommandations dont la prise en compte par les populations était certainement source de parfaite socialisation intra nationale.

Les voix qui ont eu à alerter n’ont jamais été écoutées et entendues autant qu’elles devraient l’être et faire l’objet le cas échéant, d’attention et d’action de la part de chacun et de tous.

On s’en souvient encore, le vénérable Cheikh Ahmet Sy Al Maktoum recommandait dans son style oratoire impérial et suave une médication de portée nationale «na niou sangue rewmi».

La parabole comportait une alerte et renvoyait à une purification morale de la société dans une optique voisine de cet exercice d’exorcisme «ndeup collectif» proposé par le professeur Serigne Mor Mbaye.

Des appels au civisme sont constamment émis avec malheureusement des résultats maigres, au constat de la réalité de nos comportements individuels et collectifs sur la voie publique : chacun fait ce qu’il veut et comme il le veut dans la circulation automobile et piétonne, sans se préoccuper de devoirs et de souci de vie harmonieuse en communauté.

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Ceux qui en ont les moyens d’impunité font de l’espace public leur propriété sous le regard impuissant des pouvoirs publics rudement mis à l’épreuve, quand les unités compétentes tentent de (re)mettre de l’ordre là où il est perturbé.

A mon avis largement partagé, il est illusoire de prétendre arriver au développement dans une telle ambiance de désordre et d’agression contre tout : un meurtre est une agression qui est produit par des facteurs multiples inversement identifiés parmi lesquels le mode de vie dans la société, les contingences économiques, les facteurs éducationnels …

La plupart des meurtres déroulés ces temps derniers ont des mobiles de type acquisitif : on tue pour une tasse de thé, mais on tue aussi pour faire main basse sur une fortune trop forte pour qu’on n’en profitât pas par tous les moyens.

Il existe une relation fonctionnelle et de cause à effet entre le développement auquel on prétend, le niveau de civisme des populations concernées et la sécurité.

En pratique si cette réalité n’est pas une donnée nouvelle dans le progrès des sociétés humaines, un travail opiniâtre doit être engagé au Sénégal pour l’intégrer dans les programmes de développement économique et social.

Le peuple en a besoin pour diluer ce sentiment fataliste d’être protégé par ce bouclier mystique qui nous protègerait des calamités et autres accidents déplorés jusque dans notre voisinage immédiat.

Au demeurant, sans jamais penser remettre en cause cette donnée qui fait partie de notre superstructure, je soutiens que le Peuple doit maintenant plus que jamais être sensibilisé à comprendre les enjeux du moment et à se comporter autrement.

Les comportements incriminés et les meurtres et assassinats sont sources et/ou conséquences de dérives et de déviances graves qui en tant que telles, détériorent progressivement et surement la chaine de solidarité intra-communautaire.

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Corrélativement, elles sont sources d’embouteillages monstres qui conduisent indubitablement à leur tour, à des conflits et à des crises sociales, politiques et économiques profondes.

Elles influent négativement sur toutes les activités humaines et perturbent, à travers l’occurrence des grèves et autres manifestations, l’éducation et la scolarité déjà très malmenées de nos enfants et de leurs aînés.

Elles produisent une mentalité à tel point «désocialisée», que les délinquants qui ont réussi à se faire une place dans la communauté par l’avoir sont par endroits adulés et présentés en héros de leurs forfaits, adulés et courtisés jusqu’à des niveaux insoupçonnés.

Elles corsent la criminalité qui ces dix dernières années, est particulièrement horrible, avec des cas fréquents d’homicides passionnels et crapuleux, de disparitions d’enfants parfois jamais retrouvés, de découvertes de cadavres en putréfaction avancée, de viols médiatisés de façon outrancière jusque dans les détails de leur déroulement érotique sulfureux, de scandales d’incestes révélés, qui mettent mal à l’aise les parents assis avec leurs enfants devant la télévision tous les soirs.

Elles développent la criminalité acquisitive et révèlent des formes organisées et protégées de corruption et de blanchiment d’argent, en dépit de tous les mécanismes mis en place pour prévenir et réprimer.

Elles produisent de nouveaux comportements auto-agressifs, tels les suicides par immolation, les grèves de la faim devenus des moyens de pression en cas de revendication de droits socio-syndicaux non satisfaits.

Elles finissent par produire surtout, un sentiment d’insécurité chez les populations enclines de plus en plus à réclamer «le retour de la Peine de Mort», en désespoir de cause des sanctions que méritent les auteurs de crimes de sang par exemple.

Si je dois faire de la politique à mon âge et je devais militer pour quelque cause, ce serait certainement celui du combat à mener contre la criminalité …

 

Cheikh Tidiane NDIAYE

Commissaire de Police Divisionnaire à la retraite

Expert Consultant

Directeur du Cabinet Optimum2 Sureté et Sécurité

toobeh@yahoo.fr

 

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