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Le Sénégal, Une Démocratie Qui Marche à Reculons

La vitalité de la démocratie d’un pays ne peut aucunement se mesurer au nombre de ses partis politiques. Le cas échéant, le Sénégal allait trôner sur le toit du monde. Pour seulement 14 millions d’habitants, nous sommes à presque 300 formations politiques. C’est tout simplement abracadabrant ! Même si une telle pléthore n’étonne aucun observateur, tellement la politique est devenue un moyen d’ascension sociale. Il n’y a plus d’idéologies de Gauche, de Droite, du Centre, d’Extrême, encore moins de doctrine. La seule bataille qui vaille pour nos politiques, c’est celle de «se servir». D’où l’existence des partis «cabines téléphoniques» et/ou autres «mères porteuses».

La confidence de Moussa Touré, dans l’émission «Objection» de Sud FM hier, dimanche 4 décembre, est encore plus renversante. «Un homme politique qui a servi sous Senghor, Diouf, Wade et qui occupe aujourd’hui une institution dans notre pays, ne pouvait pas accepter de ne pas être ministre», témoigne l’ancien ministre des Finances et ancien président de la Commission de l’UEMOA.

D’où la honteuse légitimation de la transhumance par tous les régimes qui se sont succédé. Telles des girouettes, les secrétaires généraux ont fini de faire des récépissés de leur formation des monnaies d’échanges. On entend parler de «fusion», «gagner ensemble et gouverner ensemble», «alliance stratégique». Aucun de tous ces slogans plus que creux n’a été monté pour sortir le Sénégal des ténèbres dans lesquels il se morfond depuis plus d’un demi-siècle.

Jeudi dernier, une bonne frange des partis dits de l’opposition, regroupés autour de la coalition «Mankoo Wattu Senegaal» est allée rencontrer le Chef de l’Etat. Ils se sont entendus, nous dit-on, sur tout sauf deux points: le scrutin majoritaire à deux tours et une personnalité neutre à la tête du ministère de l’Intérieur. A notre avis, il n’est pas nécessaire qu’un Général pilote des élections pour assister à une transparence ou à une alternance. Le plus important, c’est la neutralité de l’administration. En revanche, nous estimons que le second point est d’une importance capitale.

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REFUS D’UN SCRUTIN MAJORITAIRE A DEUX TOURS

Le président de la République, Macky Sall aurait gagné dans la consolidation de la démocratie sénégalaise s’il venait à accepter la mise en place d’un scrutin majoritaire à deux tours dans toutes les élections. Hélas ! Le président de l’Alliance pour la République a freiné des quatre fers sur cette question. Intransigeant !

Pourtant, le système du «Raw Gaddu» constitue la première incongruité de notre démocratie et crée la disparité entre les dirigeants, censés tirer leur légitimité d’un même et unique corps électoral. Présentement, seul le président de la République est assuré d’être très bien élu.

Sa légitimité ne souffre d’aucune ambigüité d’ailleurs, écrivions-nous dans les colonnes de Sud Quotidien. En effet, l’article 33 alinéas 2, 3 et 6 de la Constitution règle le problème. «Nul n’est élu au premier tour s’il n’a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés». «Si aucun candidat n’a obtenu la majorité requise, il est procédé à un second tour de scrutin le troisième dimanche qui suit la décision du Conseil constitutionnel». «Au second tour, la majorité relative suffit pour être élu». Tel est l’avantage de ce mode de scrutin.

En revanche, celui dit scrutin majoritaire à un tour est caractérisé par une très forte tendance à mal traduire en nombre d’élus, le poids réel de leur représentativité sur l’électorat. Ce, à cause de ce système dit «Raw Gaddou», qui octroie la victoire à la formation politique arrivée en tête, lui attribuant, du coup, une part des sièges bien supérieure à sa valeur représentative réelle.

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Par exemple, dans une commune où il y a 50 sièges à pourvoir, on se retrouve avec trois listes en compétition. La liste A obtient 10.000 voix avec 40%, la liste B recueille 9.999 voix avec 39,9% et la liste C bénéficie de 7.000 voix avec 21%. Le système majoritaire voudrait alors que la liste A rafle l’ensemble des sièges. Or, on n’a pas besoin d’être mathématicien pour comprendre qu’elle est loin d’être majoritaire.

Malheureusement, notre mode de scrutin, tel qu’il est conçu aujourd’hui, permet à ce candidat de gouverner pendant cinq ans, alors que la majorité de ses concitoyens n’est pas d’accord avec son programme. Dans toutes les démocraties modernes, ce mode de scrutin est en passe d’être banni. Mais, le Sénégal lui, s’y arc-boute.

Pis, une telle incongruité est même sujette à la corruption. Passive voire active. Qui ne se souvient pas de l’ouragan «Takhawu Ndakaru» de Khalifa Ababacar Sall qui avait balayé tout sur son passage. Grâce à cette coalition du secrétaire chargé de la vie politique du Parti socialiste (PS), certains maires ont été reconduits dans leur circonscription alors que leur impopularité était connue de tous.

Les Dakarois ont voulu que ce soit Khalifa Sall leur prochain maire. Mais sa victoire à Grand-Yoff ne lui garantissait pas, avec notre mode de scrutin, de devenir maire de Dakar. Nul n’ignore les manœuvres et autres alliances contre-nature auxquelles certains ont dû faire recourt pour conserver leur fauteuil.

La simple probabilité de ne pas voir Khalifa Sall reconduit, maire de Dakar, pose véritablement un sérieux problème de ce mode de scrutin et de notre démocratie.

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MODIFICATION DU REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Autre fait marquant de notre recul démocratique, c’est la récente modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, sur proposition… des députés. Désormais, pour constituer un groupe parlementaire, il faut obtenir 1/10e du nombre de députés. Autrement dit, il faut 15 députés contre 10 sous le régime wadien. Le président Abdoulaye Wade avait permis la formation des groupes parlementaires pour éviter une assemblée nationale monocolore. Ce qui ne semble guère être le souci de l’actuel régime qui, pourtant, s’est même permis d’octroyer à Modou Diagne Fada un groupe parlementaire alors qu’il n’avait même pas sept députés avec lui.

AUGMENTATION DES «SAGES» DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Last but not least, c’est l’augmentation du nombre des «Sages» du Conseil Constitutionnel de 5 à 7. Si l’idée avait été bien accueillie, ses défenseurs ont vite déchanté quand ils ont compris que tous les sept membres seront nommés par le président de la République. Qu’on ne nous rétorque surtout pas que le président de l’Assemblée en désigne deux.

N’est-on pas, dans le système dit majoritaire au Sénégal, qui voudrait que le président de la République ait la majorité à l’Assemblée nationale ? Le cas échéant, il devient le chef à l’Assemblée nationale. Si Moustapha Niasse occupe jusque-là le Perchoir, c’est parce que Macky Sall l’a voulu.

Au finish, le Sénégal peut se glorifier d’avoir réalisé deux alternances démocratiques, mais, notre pays est encore très loin un exemple de démocratie moderne. Pis, nous semblons même avancer à reculons !

Abdoulaye THIAM

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