La rumeur enflait et nous avions toujours pensé que la raison finirait par prévaloir. Que nenni, le Ministre de l’Energie et du développement des Energies Renouvelables a, lors du vote du budget de son ministère, confirmé ce qui était alors jusque-là une rumeur, annonçant la décision de geler toute construction de nouvelle station dans la région de Dakar.
Pourtant, les associations patronales du sous-secteur de la distribution (GPP, ASP et ASPP) ont, dans une lettre commune datée du 24/10/2016, saisi le Ministre sur la question alors à l’état de rumeur, l’invitant si l’information est avérée, à se concerter préalablement avec les différents acteurs de la Profession.
Certainement les urgences ne lui ont donné ni le temps de répondre à notre lettre ni l’opportunité de donner suite à notre demande.
De quoi s’agit-il au fait ?
Sans entrer dans les détails, le constat de la prolifération des stations-services est réel et parfois même certaines sont implantées de manière anarchique sans respect des normes environnementales et ceci, pas seulement à Dakar mais sur l’ensemble du territoire.
Il est vrai que Dakar et sa région a la plus forte concentration de points de ventes. Toutefois et contrairement au chiffre annoncé par le Secrétaire Permanent du CNH (Comité Nationale des Hydrocarbures), le nombre des stations dans Dakar ne saurait équivaloir aux ¾ des 650 recensés sur l’ensemble du territoire. Qui peut attester qu’il y a 488 stations à Dakar !!! Manifestement, Monsieur le Secrétaire Permanent s’est trompé sur les chiffres.
Pourquoi la prolifération des stations-services ?
Les dispositions légales régissant le sous-secteur imposent à toute société détentrice de licence d’ériger au moins 5 points de vente en 5 ans sous peine de retrait de la licence. Cette disposition, conjuguée avec le nombre de détenteurs de licence (une quarantaine) induit forcément à une prolifération de stations-services. Il apparait ainsi que l’Etat veut une chose et son contraire, à savoir distribuer à tour de bras des licences de distribution avec la contrainte de l’érection d’au moins 5 points de vente en 5 ans et décrier par ailleurs une prolifération !!! Faut-il rappeler que les séminaires de Saly 2006 et 2009 avaient recommandé de ramener cette disposition à 3 (trois) stations.
Pourquoi la concentration des stations-services à Dakar ?
Dès lors que Dakar et sa région concentrent plus de 70% du volume de carburants vendus dans le pays, l’on ne saurait être étonné que les distributeurs veuillent s’y installer quoique tous n’y soient pas présents en raison principalement des contraintes liées à l’accès au foncier. Seuls ceux ayant une certaine capacité financière arrivent à y ériger des stations. C’est dire aussi que certains axes de Dakar ne souffrent pas d’une forte concentration de stations-services. Cette mesure pourrait être comprise si elle ne concernait que les artères saturées.
Outre l’aspect concentration de volume, la contrainte de la péréquation transport oblige tous les distributeurs à chercher un point de vente dans la région de Dakar. Ce dispositif de la péréquation, mis en place par l’Etat, permet de vendre le carburant dans les stations-services au même prix, aussi bien à Dakar qu’à Fongolémy ou au point le plus éloigné du pays. Les sociétés de distribution paient le transport au prix réel et doivent être remboursées par l’Etat du différentiel du transport prix réel / Transport prix structure. A Dakar et dans sa région la péréquation est positive, c’est-à-dire que le différentiel est à la faveur de l’Etat. Au-delà de la zone de Touba, le différentiel est négatif, donc en défaveur des distributeurs, particulièrement ceux installés en grande exclusivement en dehors de la région de Dakar.
Les retards de remboursement de l’Etat sur le différentiel négatif se chiffrent à des milliards et cumulent des années d’arriérés, érodant ainsi la trésorerie et la rentabilité des sociétés distributrices.
Monsieur le Secrétaire Permanent du CNH invite les distributeurs à s’implanter davantage à l’intérieur du pays. Soit ! Alors Monsieur le Secrétaire Permanent, réglez le problème du remboursement de la péréquation de manière régulière pour un bon maillage du territoire.
Quelle est la vraie réponse à la question ?
Nous avions depuis longtemps appelé à la régulation du sous-secteur aval des hydrocarbures avec la mise en place d’une structure dotée de pouvoir, avec un renforcement de la régulation aux fins de promouvoir les mécanismes de marché et de concurrence effective. Ceci suppose, subséquemment, le constat de la prise de position dominante d’un opérateur comme un facteur de dysfonctionnement du marché pétrolier au Sénégal. Réguler le marché nécessite une rationalisation en enrayant / équilibrant certains doublons sur certains axes, corriger ainsi l’abus de position dominante d’un opérateur, situation faussant la concurrence saine et loyale (la directive européenne en la matière est une jurisprudence).
De même estimons-nous que la structure de régulation doit étendre ses pouvoirs et avoir des attributs décisionnels et veiller au respect des normes. A cet effet, souhaiterions-nous que sous son autorité, certains points de vente ne répondant pas aux normes de santé, sécurité, d’hygiène, d’environnement soient fermés. Aussi, doit-elle avoir un attribut consultatif sur les autorisations de construire quant au respect des distances entre points de vente.
Voilà ce que nous estimons être la réponse aux questions de l’heure.
Une fausse réponse à une vraie question est pire que d’avoir un mauvais médecin. C’est faire un mauvais diagnostic….
Ameth GUISSE
Président Association Sénégalaise des Pétroliers (A.S.P.)