« Si un homme a beaucoup plus qu’il ne faut, c’est que d’autres manquent du nécessaire. »
Cette pensée de Tolstoï sied bien à ce qui se passe au Sénégal, où pendant que nombre de nos compatriotes peinent à manger à leur faim, à s’habiller convenablement, à se faire soigner en cas de maladie, grosso modo à vivre dignement, un groupuscule de petites gens malhonnêtes, à l’appétit financier pantagruélique et à la cupidité insatiable, animées par l’esprit de lucre, prennent un malin plaisir à détourner l’argent du contribuable à qui mieux mieux. Quand l’on entend parler de la kyrielle de chiffres composant l’estimation de leurs biens, l’on se dit soit qu’on a des problèmes d’audition soit qu’il y a une erreur sur l’unité, tant ils sont stratosphériques. C’est malheureusement une triste réalité.
Après avoir regardé un reportage passé sur la RTS le lundi soir (16 janvier 2017) montrant un village situé à une cinquante de kilomètres de Tambacounda – dont j’ai oublié le nom -, je me suis dit que ceux qui volent l’argent du pays sont vraiment sans cœur, que nos différent hommes politiques qui se sont succédé au pouvoir ignorent ou feignent d’ignorer ce qui se passe à l’intérieur du pays, qui du reste n’est pas que Dakar. Car cette contrée qui, de prime abord impressionne par son aridité, semble manquer de tout. Du soi-disant « centre ou chambre de santé » sinistre aux salles de classes bondées et en très mauvais état, en passant par l’absence d’un lieu de culte décent et aux élèves déguenillés, ce Sénégal des paillottes est à mille lieues de celui des paillettes dont on fait souvent l’étalage dans quelques-unes séries télévisées nationales et certains journaux people. Le service public y est quasi absent. Dans des situations nécessitant une intervention médicale d’urgence, il faut trouver le moyen de se rendre à Tamba pour espérer se faire soigner normalement. Ce patelin est un épitomé des inégalités régionales, qui ne sont que l’une des conséquences d’une mauvais politique de la ville.
Pourtant l’argent du contribuable mal utilisé ou détourné pourrait un tant soit peu servir à construire des établissements scolaires et sanitaires en bon état au moment où des femmes meurent en donnant la vie, où le taux d’alphabétisation est loin d’atteindre son summum…
Les fossoyeurs de la république sont vraiment sans pitié ni scrupule. Savent-ils que manquer du nécessaire peut constituer une véritable boîte de Pandore? Sont-ils conscients qu’à cause de la pauvreté, une femme vertueuse, dans le dénuement total, peut être tentée par l’appât du gain en cédant aux propositions indécentes qui peuvent lui être faites par des profiteurs de tout acabit; et qu’un honnête homme démuni peut être attiré par les nombreux moyens illégaux d’enrichissement. La pauvreté absolue déshumanise.
Les fossoyeurs de la République contribuent non seulement à l’instabilité et au sous-développement du pays, mais ils suscitent et ravivent la perversion des mœurs et la dégradation des valeurs morales par leurs mauvais exemples.
À une question sur sa vie, le controversé milliardaire Marcel Dassault avait répondu : “Je vis modestement, on ne peut pas manger sept poulets par jour.»
Ce qui est une preuve des limites physiques de l’être humain.
Limité, l’Homme ne l’est-il pas aussi dans l’espace et dans le temps? Pourquoi alors détourner tant de milliards si l’on sait qu’on ne vivra pas un nombre suffisant de jours pour pouvoir en profiter? Surtout quand on est au crépuscule ou à l’après-midi de sa courte vie. La longévité de Mathusalem et de Noé n’est-elle pas qu’un vieux souvenir? Sans doutent nos fossoyeurs s’imaginent-ils éternels dans notre monde où vivre jusqu’à 140 ans relève d’un véritable miracle malgré le développement sans précédent de la médecine. Sont-ils assez déraisonnables pour ignorer qu’on a beau posséder un immeuble ou des milliers de maisons, on ne peut passer une nuit que dans une chambre et sur un lit? Sont-ils assez sensés pour savoir qu’on a beau avoir une ribambelle de voitures, on peut en conduire qu’une à la fois. La cupidité doit certainement être un défaut aveuglant. Ceux parmi eux qui se réclament urbi et orbi musulmans n’ont-ils pas visité la magnifique biographie du Prophète (PSL) pour se rendre compte de la frugalité de la vie qu’il menait bien que beaucoup d’opportunités d’enrichissement licites se fussent souvent présentées à lui? Peut-être nos fossoyeurs de la République veulent-ils mettre leur postérité à l’abri du besoin. Mais, est-il raisonnable de thésauriser iniquement l’argent du peuple pour les générations futures alors que certains de ses contemporains, pouvant même être ses voisins proches, meurent de faim?
J’avais entendu un vieux dire à la radio un jour qu’il faut amener les voleurs de milliards à l’hôpital Fann, parce qu’il faut être fou pour voler autant d’argent dans un pays aussi pauvre que le nôtre. Gandhi avait malheureusement raison d’affirmer qu’: « il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. »
Bosse Ndoye
Montréal
momarboss@gmail.com
Auteur de : L’énigmatique clé sur l’immigration; Une amitié, deux trajectoires; La rançon de la facilité
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