Nous allons, au début de notre lettre-ouverte, Monsieur le Président de la République, solliciter votre indulgence et compréhension, parce que nous allons vous tenir des propos que vous n’avez peut être pas l’habitude d’entendre ou de lire. Mais veuillez les considérer comme émanant d’un simple concitoyen, préoccupé, comme tous les Sénégalais du règne d’un climat de paix, de tranquillité et de sérénité dans le pays, avant et après tout scrutin.
En effet, les événements très douloureux, post-électoraux de 1988, provoqués par le régime répressif de l’Ups-Ps, du Président Abdou Diouf, qui a embastillé ses opposants avant même la proclamation des résultats, ont beaucoup traumatisé nos concitoyens des capitales régionales et de Dakar en particulier. Ainsi, ici beaucoup de nos concitoyens ont été arrêtés, d’autres tabassés et blessés et leur vie quotidienne considérablement perturbée. De même, ceux d’avant la Présidentielle de 2012 seront plus dramatiques, parce qu’il y a eu mort d’hommes, à cause de la volonté du Président Wade de modifier la Constitution et de solliciter un troisième mandat de trop, parce que indu, d’après ses propres déclarations antérieures. Ainsi, M. le Président, pour le prestige de notre pays et la renommée de son système démocratique, de tels événements ne doivent plus se répéter au cours des prochaines échéances électorales de Juillet 2017 et 2019. Et même plus jamais.
Et c’est en considération de tout ce qui précède, que nous nous sommes permis, Monsieur le Président, après tant d’autres Sénégalais, de vous adresser cette lettre ouverte, car vous êtes la seule personne à pouvoir éviter leur répétition et nous éviter à tous, ces pénibles moments de tension et d’angoisse. Et alors, au soir des Législatives de 2017 et des Présidentielles de 2019, la coalition de partis politiques qui les aura gagnées et le Président de la République qui sera élu par les Sénégalais, seront fiers de leur victoire, parce qu’obtenue dans une totale transparence et que celle des partis et le candidat à la Présidentielle battus, accepteront démocratiquement leur défaite, parce que convaincus de ne pas avoir été floués.
Aussi, pour en arriver là, il nous semble nécessaire, M. Le Président, comme du reste de nombreux concitoyens vous l’ont déjà demandé, de bien vouloir accéder à la demande de l’opposition consistant à confier l’organisation des prochaines élections à une personnalité neutre. Car nous pensons qu’en la matière, vous ne devriez pas, sauf votre respect Monsieur le Président, faire moins que vos deux prédécesseurs.
En effet, quoi que l’on puisse leur reprocher, à tort ou à raison, les Présidents Diouf et Wade avaient accepté de confier cette tâche à des personnalités neutres, indépendantes, qui avaient donné entière satisfaction aux deux camps et à tous les Sénégalais. Et il appartiendra alors, M. le Président à la majorité présidentielle et à l’opposition, même si tout le monde sait que leur discussion ne peut se dérouler dans une atmosphère de dîner de gala, mais elle ne doit non plus, être celle de personnes ayant un couteau entre les dents, de trouver par un compromis patriotique, la personnalité neutre qualifiée. Nous pensons, M. le Président, que la majorité et l’opposition doivent savoir qu’en tout état de cause, nous sommes dans la même pirogue, et que même en période d’eaux calmes, si elle tanguait beaucoup trop d’un côté par rapport à l’autre, c’est nous tous qui coulerions.
En conséquence, M. le Président, nous pensons que l’actuel Ministre de l’Intérieur M. Abdoulaye Daouda Diallo, ne peut être qualifié pour organiser les prochaines élections. En effet, quelles que soient par ailleurs, M. le Président, sa haute conscience professionnelle, ses grandes qualités morales et intellectuelles, seuls critères sur lesquels vous vous êtes appuyé pour lui confier cette lourde charge de ministre de l’intérieur, vous ne pourrez jamais croire que certains de nos concitoyens ne penseront pas que Monsieur le Ministre de l’intérieur est votre «parent» et que s’il a une botte secrète lui permettant de faire triompher votre coalition aux Législatives et vous faire élire en 2019, il n’hésiterait pas ; car à sa défaveur , Monsieur le Président , non seulement il est partie-prenante mais surtout d’une part, l’empressement dont il a fait montre, en annonçant à la place de la personne indiquée, les premiers résultats du referendum de mars 2016 et d’autre part, l’intention cachée, dans la volonté qui semblait être la sienne, de ne pas inscrire sur les listes électorales tout demandeur de la nouvelle carte d’identité nationale Cedeao, si elle n’en fait pas expressément la demande. C’est à juste raison que vous avez supprimé cette disposition.
De même, sauf votre respect, Monsieur le Président, vouloir le laisser organiser coûte que coûte les prochaines élections, malgré l’insistance de l’opposition, pourrait sembler «louche» pour la plupart de nos concitoyens. Aussi, en considération de tout ce que nous venons d’écrire, il nous semble, Monsieur le Président, que confier l’organisation des prochaines élections à une personnalité neutre, même sous la tutelle du Ministre de l’Intérieur, serait plus sage et apaiserait les craintes des uns et des autres et ramènerait la sérénité dans le cœur de tous les Sénégalais, le moment venu.
En effet, chaque camp saura que désormais, seules ses capacités de mobilisation et de persuasion des Sénégalais lui permettront de remporter les prochaines élections, et nous oserons croire qu’il n’y aura plus de contestation sérieuse de la victoire de tel ou tel camp.
Et pour terminer, Monsieur Le Président, veuillez nous permettre de vous souhaiter, à notre tour, une très bonne et heureuse année 2017, et de vous dire de bien croire, à l’assurance de notre très Haute Considération.
Raoul GOMIS
Professeur d’Histoire et de Géographie à la retraite