Il nous faut dès l’entame de notre propos péremptoirement et solennellement affirmer notre refus de polémiquer dans la presse.
En effet, j’ai décidé d’apporter quelques éléments de réflexions pour éclairer l’opinion et le Peuple devant lequel celui que nous soutenons, le président de la République, est responsable après l’interpellation adressée au chef de l’Etat sur la nature de ses fonds politiques. C’est pourquoi l’économie générale de nos éléments de réponse peut être distribuée en trois points.
Le régime des fonds spéciaux (fonds secrets et fonds politiques) : un régime dérogatoire au droit commun.
Les soutiens financiers consentis par le président de la République proviennent de fonds (fonds secrets et fonds politiques) prévus par la loi de finances de l’année (article 64, paragraphe 91, article 64 et suivants). Il s’agit de fonds dont le droit budgétaire et de la comptabilité publique en vigueur du Sénégal réserve un régime juridique assez spécifique observable, du reste dans toutes les démocraties contemporaines. Conformément aux pratiques ayant cours dans tous les pays de tradition démocratique et ayant acquis une valeur de coutume consensuelle entre tous les acteurs politiques de tous les pays, l’adoption des budgets des pouvoirs publics et des fonds secrets se fait sans discussion. Tradition multiséculaire et universelle qui se justifie par l’importance de ces pouvoirs dans l’organisation et le fonctionnement de l’Etat.
La connaissance du régime juridique de ces fonds dérogatoires au droit commun met fin à toutes les polémiques sur leur utilisation. Le régime juridique spécial de ces fonds se remarque déjà au niveau de leur vote par l’Assemblée nationale. En effet, lors du vote de la loi de finances de l’année, l’adoption du budget de la présidence de la République qui inclut ces fonds se fait sans discussion. Il faut signaler d’ailleurs que l’adoption des budgets des autres pouvoirs publics obéit, en général, à cette procédure. Cependant, là où le régime juridique des fonds spéciaux est vraiment dérogatoire au droit commun, c’est au niveau de leur utilisation et leur consommation totalement laissées à l’entière discrétion du président de la République qui en est l’ordonnateur exclusif et absolu. L’opportunité, les modalités et les objectifs de l’utilisation des fonds spéciaux sont du ressort exclusif de la volonté présidentielle. Le fondement de cette «discrétionnarité» dans la consommation de ces fonds est la confiance que le Peuple lui a faite en lui confiant un mandat pour conduire les destinées du pays. Ainsi, ni autorisation ni contrôle a priori, ni contrôle a posteriori ni endo-contrôle ou contrôle interne ni exo-contrôle ou contrôle externe pour ce qui est de leur utilisation.
La finalité des fonds spéciaux
L’aménagement de fonds spéciaux en faveur du président de la République n’est pas motivé par l’intention de satisfaire les caprices du prince, loin s’en faut. Il s’agit de fonds affectés à l’élu de la Nation qui incarne les institutions pour couvrir des dépenses de différente nature induites par le caractère particulièrement lourd de la charge. Il s’agit de dépenses liées à des activités diverses : nécessité de nombreuses missions pour l’obtention d’informations stratégiques à la définition et à la conduite de la politique de la Nation, mission secrètes pour le compte de l’Etat et dans l’intérêt de la nation, exigences de soutenir certains agents de l’Etat ou certains services sensibles de l’Etat à exécuter des missions de service public alors que les ressources budgétaires qui leur sont traditionnellement affectées ne leur permettent pas de s’acquitter correctement de leur mission, impérieuse nécessité d’assister les citoyens sénégalais se trouvant dans une situation d’extrême besoin et ne pouvant compter sur personne (dépenses sociales destinées à aider ou assister ceux que la providence n’a pas toujours doté de moyens de subsistance, jeunes talents sénégalais ayant besoin de coup de pouce pour éclore, évacuations sanitaires pour des cas urgents sans ressources).
On aurait pu prolonger à loisir cette liste de justification des fonds secrets. Mais ce qu’il est important de mentionner ici, c’est que la responsabilité du président de la République ne peut être engagée devant aucun Tribunal pour l’utilisation des fonds secrets.
L’irresponsabilité présidentielle pour l’utilisation des fonds spéciaux
L’irresponsabilité présidentielle pour l’utilisation des fonds secrets s’appuie sur deux fondements : un, constitutionnel, prévu à l’article 101 de la Constitution du 22 janvier 2001 en vertu de laquelle le Président n’est responsable dans l’exercice des fonctions qu’en cas de haute trahison. On ne sait peut-être pas que dans notre droit positif, le principe qui régit le comportement présidentiel est l’irresponsabilité. Et l’autre est le régime dérogatoire des fonds politiques et des fonds secrets affectés au président de la République analysés plus haut.
A la lumière du régime juridique des fonds secrets et des fonds politiques et la finalité qui leur est dévolue, nul texte de notre ordonnancement juridique ne prévoit la possibilité d’engager la responsabilité présidentielle pour utilisation desdits fonds. Le Président n’est justiciable devant aucun Tribunal civil, pénal ou financier pour l’utilisation des fonds secrets. En effet, le Président n’est justiciable devant aucune juridiction ni pendant l’exercice de ses fonctions ni après la cessation de celles-ci. C’est le lieu de rappeler que dans notre régime politique, la seule responsabilité politique du président de la République qui vaille est celle qui s’exerce devant le corps électoral à la fin de son mandat lorsqu’il sollicitera de nouveau la confiance de ses concitoyens.
Je suis prêt à poursuivre le débat à condition qu’on relise les dispositions constitutionnelles relatives au statut du président de la République, les principes du droit budgétaire et de la comptabilité du Sénégal. Même s’il faut partir du postulat que la critique et la polémique sont inhérentes à la chose politique, que le protagoniste politique induit la critique de l’adversaire. Il n’en demeure pas moins que l’argumentaire politique doit être intellectuel, raffiné, élégant et respectueux de la dignité de l’adversaire et de la capacité de discernement de l’opinion publique.
Isma DIOUM
Diplômé en Droit : option Droit public, administration générale