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BarthÉlÉmy Dias Ou Le Sacre D’un Insoumis

« Tiens bon Guy, c’est bientôt fini… Le 23 janvier 2022 inchallah, je t’invite à venir rejoindre mon cabinet à la mairie de Dakar », déclarait Barthélémy Dias après que Guy Marius Sagna a reçu du ministre de la Santé et de l’Action sociale à la fin de l’année 2021, une affectation à Kédougou. 

« Je serais dans mon bureau à 22 heures en tant que maire de Dakar… Mais je leur dis qu’il n’y aura que deux choses qui vont se passer à Dakar, ou à 22 heures je serais dans mon bureau en tant maire de Dakar, où je serais en prison et je ne compte pas aller en prison », avertissait l’alors candidat de coalition Yewwi Askan Wi (YAW) lors de son discours à la cérémonie de clôture de la campagne électorale.

Ces deux déclarations prononcées à trois semaines vaticinaient avec assurance et certitude la victoire de Barthélémy Dias à la mairie de Dakar. Et c’est ce qui est arrivé au soir du 23 janvier 2022 où le fils de Jean-Paul Dias a écrasé son principal challenger à la Ville de la capitale. Et du marchepied de la mairie de Mermoz/Sacré-Cœur, Barth accède à la Ville de Dakar. C’est la revanche de l’histoire. Très affecté par l’arrestation, l’inculpation et l’incarcération de son mentor Khalifa Sall, Barth s’était promis de récupérer cette station que Macky Sall a extorquée par des moyens politico-judiciaires. À un certain moment, l’idée de nommer le maire de la capitale avait même germé dans les officines du pouvoir. Et si Macky Sall a ajourné ce projet, c’est parce qu’il a cru, avec les pseudo-sondages de ses spin doctors illusionnistes, que toutes les conditions étaient réunies pour Bennoo de conquérir enfin, par le suffrage universel, la Ville de Dakar. La fantasmagorie a viré épouvantablement au cauchemar. Aujourd’hui, Khalifa Sall, par son poulain Barth, retrouve la mairie d’où il avait été injustement éjecté pour une fantaisiste histoire de caisse d’avance.

Dias-fils a cru en son étoile, et la voilà qui brille de mille feux dans le firmament des 602 collectivités que compte le Sénégal. Et cette étoile, Barth en avait fait son signe de bonheur en entrant en politique. Quand en 2004, ovni politique, cet électron libre, passé du statut d’agitateur à celui de brétailleur omniprésent dans les médias mainstream, débarquait des États-Unis et rejoignait le Parti socialiste qui se vidait de son sang à cause de l’hémorragie des nombreux départs et de la transhumance vers les prairies bleues, il était auréolé de l’étoile symbolique (un pentagramme) servant de logo à sa structure Convergence socialiste pour contrer le régime du président Abdoulaye Wade.

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Chaque branche du pentagramme de Convergence socialiste revêtait une signification particulière. La première branche consistait à faire revenir tous les transhumants qui avaient quitté le PS après l’Alternance de 2000. La deuxième branche fouettait et revitalisait l’ardeur et la détermination de tous ces militants qui n’avaient pas quitté le PS mais qui étaient restés léthargiques. La troisième branche avait comme objectif le débauchage des militants de la mouvance présidentielle d’Abdoulaye Wade, la quatrième branche se donnait comme mission de récupérer tous ceux-là qui se considéraient comme des apolitiques et la cinquième et dernière branche s’engageait à convaincre tous ceux-là qui n’étaient pas apolitiques mais ne se réclamant d’aucun parti ou tous ces milliers de Sénégalais qui avaient été déçus par l’alternance de 2000. Son engagement avait redonné de la vitalité à un PS en déconfiture.

Depuis la Convergence socialiste en passant par les Jeunesses socialistes jusqu’à Taxawu Dakar, Barth Dias s’est toujours fait remarquer par sa détermination et son courage à lutter sans répit contre le pouvoir libéral de Wade et de Sall. Depuis le Prince de Nicolas Machiavel, on sait qu’un politicien a le plus souvent intérêt à être craint qu’à être aimé surtout par ses adversaires. Si Barth a connu cette percée-éclair dans la politique, c’est parce qu’il use voire abuse de cette approche machiavélienne de la politique. Quand le PS subissait les assauts répétés et les intimidations du pouvoir wadien, le jeune bretteur était l’un des rares responsables socialistes à se dresser contre le régime d’Abdoulaye Wade par le verbe à travers les médias et la lutte sur le terrain politique.

Charismatique, mais turbulent, énergique, impétueux, tempétueux, bouillant, bouillonnant, Dias sait galvaniser les foules par sa verve communicative. Il n’hésite pas, pour captiver son auditoire, à alterner dans son discours intonation gouailleuse et ton bémolisé. Adepte de la trinité discursive aristotélicienne (logos-pathos-ethos), le bouillant tribun à la verve churchillienne s’était beaucoup engagé et exposé dans la lutte contre le troisième mandat de Wade. Aussi avait-il préparé ses compagnons de lutte à se préparer à verser douloureusement de la sueur, du sang et des larmes aux fins d’empêcher la dévolution monarchique du pouvoir. 

Artiste de la communication, le nouveau magistrat de la Ville de Dakar crève les audiences et les indices de popularité. Ses punchlines sont toujours dévastateurs et ses sorties médiatiques imposent quotidiennement une incontestable habileté de bon client pour la presse. Pourtant, ce sont ces mêmes médias qui ont toujours été au centre de ses déboires judiciaires. Dans l’affaire Ndiaga Diouf, l’image de Dias pétaradant avec son Torus 9 mm a joué un rôle fondamental dans son inculpation même s’il est avéré, par la suite, que le nervi Ndiaga Diouf, à la solde du pouvoir de Wade, a été abattu le 22 décembre 2011 par un revolver de calibre 38. Après le prononcé de la sentence de Khalifa Sall le 30 mars 2018, Barth a été cueilli par les gendarmes de la Section de recherche de Colobane au sortir des locaux de Dakaractu à la suite de cette diatribe qui traduisait toute sa colère mal contenue après la condamnation de son leader : « J’éprouve beaucoup de déception pour mon pays. La Constitution consacre la séparation des pouvoirs. Les trois makystrats qui ont jugé Khalifa Sall ont déçu les Sénégalais… Un homme doit avoir le sens de l’honneur. Je donne l’exemple du juge Ibrahima Dème, il aurait pu penser à sa carrière, mais il a préféré l’intérêt supérieur de la Nation. Il y a beaucoup d’hypocrites parmi les juges. Quand le président débarque chez vous pour vous demander de passer la nuit avec vos femmes, est-ce que vous allez l’accepter au nom de votre carrière professionnelle ? »

Et lors de la campagne des locales, le ferrailleur chouchou de la presse a été combattu par les journaleux et plumitifs avec la publication d’articles complaisants et de sondages fantaisistes en faveur de son challenger Diouf Sarr. Rares sont ses sorties de campagne qui ont été couvertes sérieusement par la presse. Pour autant, la discrimination dont certains groupes de presse ont fait preuve à son égard est incompréhensible, d’autant plus incompréhensible que Dias s’est toujours montré disponible pour répondre aux sollicitations de la presse. Certains journalistes ne le suivaient que pour mettre à nu la moindre faille discursive ou la moindre phrase où suinte une once de violence.

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La seule vidéo qui passait en boucle sur certaines télés était celle qui relatait les affrontements à Mermoz entre partisans de Dias et certains de ses adversaires. Le dessein de la diffusion itérative à trois jours des élections de cette vidéo était de montrer l’image de violence et d’impulsivité qu’incarne le candidat à la mairie de Dakar. Histoire de le délester de certains électeurs épris de paix. Pourtant, il est avéré dans cette histoire, que Barth a été le premier à subir la violence de la part de la progéniture de la femme qui l’accusait, dans les réseaux sociaux, d’avoir caillassé sa maison et blessé des membres de sa famille. Mais la manipulation a fait long feu et les électeurs ont montré, à travers les urnes, que Barth, nonobstant l’image boutefeu qu’on véhicule sur lui, était leur candidat de prédilection. Un journaliste ubuesque comme Cheikh Yérim Seck, s’emberlificotant dans une analyse saugrenue et biscornue, a déblatéré, à 48 h du scrutin à la TFM, que Barth, maire de Dakar, Macky gèle les comptes de l’institution municipale de la capitale. Une telle déclaration sournoise et mesquine n’avait comme but que d’empêcher les Dakarois de voter pour un candidat qui, une fois élu, n’aurait pas les coudées franches pour mettre à exécution sa politique.

Quand les quotidiens comme Lii Quotidien, Source A, Kritik et autres feuilles de chou titraient quotidiennement sur Abdoulaye Diouf Sarr jusqu’à l’élire dans leurs délires sondagiers, Barth se faisait snober par une presse à qui il a toujours offert sa disponibilité. Quand les politiciens de Bennoo, fuyant le débat contradictoire pour soliloquer, faisaient le tour de certaines télés où on leur déroulait le tapis rouge parce qu’ayant casqué des millions, le maire de Mermoz/Sacré-Cœur impécunieux, se contentait des réseaux sociaux pour faire passer son message. Exaspéré par le traitement discriminatoire dont il a été injustement victime tout au long de cette campagne, l’enfant de Mermoz connu pour sa faconde intarissable, a, avec un aplomb imperturbable, refusé de répondre aux questions des journalistes à sa sortie du bureau de vote. In fine, ce solipsisme, dans lequel la presse l’a confiné pour oblitérer son image, a fini par produire l’effet inverse. En dépit de l’image de violence que des journalistes de révérence et des chroniqueurs génuflecteurs ont véhiculée en vain sur Dias-fils, les électeurs ont jeté leur dévolu sur lui. Il a ravi les cœurs et les suffrages des populations de sa commune et de Dakar.  

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En dernière analyse, les électeurs, en l’élisant à la commune de Mermoz/Sacré-Cœur et à la Ville de Dakar, l’ont jugé d’abord en fonction des effets de sa politique, c’est-à-dire de ce qu’il a fait comme réalisations à la commune de Mermoz et ensuite du combat politique qu’il mène avec constance contre les régimes libéraux anti-démocratiques.

sgueye@







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