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An V Du Président Macky Sall : Entre Désespoir, Désillusion Et Déni De Justice

An V Du Président Macky Sall : Entre Désespoir, Désillusion Et Déni De Justice

25 mars 2012-25 mars 2017, cela fait cinq ans maintenant depuis que le Président Macky Sall a accédé à la magistrature suprême. N’eut-été son «wax waxeet» sur son engagement proclamé, confirmé, répété et réitéré urbi et orbi à réduire le mandat présidentiel et à se l’appliquer à lui-même dès son mandat inaugural, on en serait aujourd’hui à conjecturer sur le vainqueur de l’élection présidentielle dont le second tour aurait dû avoir lieu le dimanche 26 mars 2017. Dès lors, on peut affirmer sans risque de se tromper qu’à travers ce reniement, Macky Sall a ouvert la boîte de Pandore qui lui vaut tant de soucis. Mais, ceci n’explique pas tout. Le Président Macky Sall, incapable de tenir ses promesses électoralistes, en mal de bilan consistant et sous la hantise du «Syndrome Sarkozy» («Un mandat puis s’en va»), a choisi la solution «case prison» à défaut de «réduire l’opposition à sa plus simple expression». En moins de trois ans, il a réussi la prouesse de faire le vide autour de lui. La plupart de ses soutiens au second tour de la présidentiel de 2012 lui ont tourné le dos aujourd’hui. Sont encore collés à ses basques, des transhumants désincarnés, des pouvoiristes et des troubadours qui ont mangé à tous les râteliers depuis Senghor, en passant par Diouf et Wade. La loi martiale que Macky Sall applique à l’opposition radicale n’est pas du goût de cette dernière qui n’est pas prête à tendre l’autre joue mais à rendre coup pour coup. Un prêté pour un rendu. C’est donc dans ces circonstances que de bonnes volontés essaient de faire observer un cessez-le-feu.

A l’occasion de son tout premier discours à l’endroit des hommes politiques sénégalais, le nouveau Khalife général des Tidianes, Serigne Abdoul Aziz SY Al Amine, a déclaré, entre autres : «Macky doit être le plus tolérant possible, et prêter l’oreille à tout le monde, y compris aux partis de l’opposition.»

Deux jours après cette mise au point du Khalife général des Tidianes, l’archevêque de Dakar, Monseigneur Ben­jamin Ndiaye, en visite à Tivaouane pour présenter les condoléances de l’église sénégalaise, suite au rappel à Dieu de Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum, a fustigé «le recul démocratique» au Sénégal, puis a milité pour ce qu’il a appelé : «une bataille à la loyale vers les élections en laissant au Peuple sénégalais souverain la latitude de se choisir librement ses élus» et non de faire dans le «jaay doole» («la loi du plus fort») ou dans les règlements de comptes. A ce propos, on peut bien s’interroger. Vous avez dit règlements de comptes ou usage de la force ? Qui avait déclaré, à l’entame de son magistère, qu’il avait des comptes à solder avec le Pds ? Qui a transformé la reddition des comptes en règlement de comptes ? Celui qui se sent morveux n’a qu’à se moucher. Toujours est-il que le ministre d’Etat, Mbaye Ndiaye, qui n’en pouvait plus d’étouffer la vérité et de couvrir le mensonge d’Etat, a craché le morceau en faisant des aveux de taille pour avoir la conscience libre dans «l’affaire Khalifa Sall» : «Oui, il y a politisation… Le Président Macky Sall a les moyens de combattre celui qui le combat.» C’est justement là que réside «la bataille à la loyale» dont parle Monseigneur Benjamin Ndiaye. A l’évidence, en utilisant les moyens de l’Etat contre ses adversaires politiques, le Président Macky Sall livre à ces derniers un combat déloyal. D’une part, les forces en présence sont inégales, avec un pouvoir qui dispose de la police, de la gendarmerie, de la justice, du budget national, des médias d’Etat et même de certains groupes de presse privés, dits indépendants, mais dont l’actuel propriétaire de l’un des groupes ou le directeur de publication de l’autre organe de presse, jusqu’à une date encore récente, sont tous les deux présentement des ministres de la République. D’autre part, le Président Macky Sall utilise la puissance de l’Etat contre de pauvres citoyens sénégalais que cette force publique est censée protéger et qui n’ont pour «armes» que la critique et leurs cris d’indignation.

Maintenant, si tous les acteurs politiques du Sénégal, de quelque bord qu’ils se situent, sont interpellés par ces sorties ô combien pertinentes et empreintes de sagesse des guides religieux, il va de soi que c’est le pouvoir en place qui en a le plus pris pour son grade car, finalement, c’est bien lui qui détient la force de l’Etat, qui en use, en abuse et qui mène un combat déloyal pour se maintenir.

Depuis le Code électoral consensuel de 1992 que le président Abdou Diouf avait fait adopter sans en «changer une virgule», que de conquêtes démocratiques faites par le Peuple sénégalais. Du passage obligatoire à l’isoloir à l’acceptation des candidatures indépendantes, en passant par la présentation obligatoire de la carte d’identité nationale avant de voter, la démocratie sénégalaise a fait des avancées significatives, avec quelques rares tâches noires sur le processus immaculé des conquêtes démocratiques, comme lorsqu’un certain Macky Sall, en 2002 à Fatick, avait cassé une urne, rudoyé un représentant de parti dans le bureau de vote et voté par la force sans présenter sa pièce d’identité, malgré le refus du représentant de la Commission électorale nationale autonome (Cena).

En 2000, las de supporter et de souffrir un régime du Parti socialiste (Ps) sclérosé, frappé par l’usure du pouvoir et ayant atteint ses limites objectives, le Peuple sénégalais avait décidé d’en finir avec les «Verts» en les renvoyant dans l’opposition après quarante années de pouvoir sans partage. En dépit des magouilles et manœuvres des Socialistes pour se maintenir au pouvoir. Pas amnésique pour un sou, l’on se rappelle qu’un certain Abdoulaye Makhtar Diop, alors un des plus grands «faucons» du régime socialiste avait été un des incitateurs de l’organisation du second tour du scrutin à la date du 19 mars 2000 (le lendemain de la Tabaski) car, argumentait-il, la masse critique de l’électorat de Dakar est majoritairement composée de «kaw-kaw» (villageois), chassés par l’exode rural pour venir engorger la capitale. Ces péquenots sont jugés plutôt favorables à l’opposition et donc pour le candidat Abdoulaye Wade. Or, de l’avis de Abdoulaye Makhtar Diop & compagnie, ces ressortissants de l’intérieur du pays ont l’habitude d’aller passer «la fête du mouton» dans leurs patelins et bleds, qui plus est, pour y rester un bon bout de temps, et n’auraient donc ni le temps ni la volonté de revenir dans l’immédiat à Dakar, rien que pour sacrifier à leur devoir civique. Mais, c’était ignorer la détermination des Sénégalais à l’époque, de dégager le régime du président Abdou Diouf. A ce propos, une amie m’a raconté que ce jour-là, le temps de digérer la chair du mouton de Tabaski, elle a rappliqué à Dakar dare-dare. Et, malgré le manque de moyens de transport à la gare routière, elle a décidé d’embarquer dans un «car rapide» brinquebalant et roulant à tombeau ouvert pour faire le long trajet Guinguinéo-Dakar, distant de 217 kilomètres, à ses risques et périls, mais armée de sa foi et de sa ferme détermination à faire tomber le régime Socialiste jamais aussi proche de la défaite.

Arrivés au pouvoir le 19 mars 2000, les Libéraux du Pds, après une embellie due à un état de grâce relativement long d’un président Abdoulaye Wade qui surfait sur des vagues de popularité record aux sons de «Bayyilène Gorgui mu liggeey», comme pour faire taire toute velléité d’opposition, se sont eux aussi arrangés pour se mettre le Peuple sénégalais à dos. En cause, des scandales de toutes sortes et la manifestation d’une arrogance indicible qui sont venus chahuter un bilan élogieux du Président Abdoulaye Wade dans pas mal de secteurs dont celui des infrastructures ou les avancées démocratiques notables comme la constitutionnalisation de la marche, qui n’est plus soumise à une autorisation mais assujettie à une simple déclaration auprès de l’autorité administrative de la localité. On peut y ajouter le projet de loi sur la parité, la réduction à 10 du nombre de députés pour constituer un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, l’adoption de comportements citoyens et responsables comme le port du brassard rouge à la place de déclenchement de grèves intempestives, mais aussi de toutes les autres initiatives tendant à favoriser une plus grande fiabilité des élections (mise en ligne sur Internet du fichier électoral, confection de cartes d’électeur biométriques, nomination d’un ministre, sans coloration politique (Cheikh Guèye), chargé des élections, dès lors que le ministre de l’Intérieur de l’époque (Me Ousmane Ngom) était contesté et récusé par l’opposition, etc.). Hélas, le tribut que le Peuple sénégalais a payé pour faire partir le régime du Président Abdoulaye Wade fut très lourd, avec une dizaine de pertes en vies humaines.

Arrivé au pouvoir dans les circonstances que l’on sait, mais fort de cet héritage de conquêtes démocratiques, le Président Macky Sall n’avait pas le droit de faire moins que ses prédécesseurs. Malheureusement, il a consacré un grand recul démocratique. Par le truchement de lois scélérates, il est revenu sur des acquis démocratiques comme le nombre de députés à avoir a minima pour constituer un groupe parlementaire, ou encore le maintien d’un ministre de l’Intérieur politiquement très coloré, tendancieux et vindicatif (Abdoulaye Daouda Diallo) pour organiser les élections, contrairement aux recommandations des «Assises nationales» dont les promoteurs, aujourd’hui bien vautrés dans le pouvoir, et jadis très critiques et percutants, observent un mutisme coupable. Dans son irresponsable entreprise de vendetta et de «Déwadisation», Macky Sall a fait abroger la loi sur les appels entrants et bien d’autres initiatives de l’ancien régime. Même les privilèges accordés aux chefs de village par le Président Abdoulaye Wade, consistant à leur attribuer des véhicules de fonctions, ont été supprimés par le Président Macky Sall. Ces derniers ont été humiliés publiquement en se voyant dépossédés de ces outils de travail qui servaient, entre autres, de voitures utilitaires à la disposition de tout un village et même des contrées environnantes, car ces moyens de locomotion faisaient aussi office d’ambulances ou de corbillards car ces localités où l’Etat est absent en sont dépourvues. Qui aurait pu penser alors, au regard de toutes ces conquêtes démocratiques acquises de haute lutte par le Peuple sénégalais à travers le temps, qu’on en serait encore en 2017 à se crêper le chignon avec les histoires de fichier électoral, de transfert d’électeurs, d’inscription d’étrangers sur les listes électorales, de confection frauduleuse de cartes nationales d’identité dans des permanences du parti au pouvoir,  qui plus est confirmée par la Cena, de récusation d’un ministre partisan mais qui est chargé de l’organisation des élections, de commissions administratives en nombre insuffisant ou déplacées sur des bases politiciennes, de report de la date des élections, etc.

Avant ces récentes déclarations du nouveau Khalife général des Tidianes ou de l’archevêque de Dakar, qui ont lancé à l’endroit du Président Macky Sall un message et un signal que ce dernier ne devrait pas avoir du mal à décoder ou à décrypter, il y a eu des précédents qui n’ont trompé personne. Quand, par exemple, le Khalife général des Mourides envoie régulièrement des «berndé» royaux à Karim Wade interné à la prison de Rebeuss, c’est éminemment une marque d’affection, pour ne pas parler de soutien en faveur d’un talibé qui subit une injustice. Quand le même vénéré saint homme décide de dépêcher rac-tac son fils pour aller à la rencontre de Karim Wade, fraîchement exfiltré de prison, afin de prier pour lui et lui souhaiter un bon voyage (en exil au Qatar), cela signifie et confirme l’attachement que Serigne Sidy Mokhtar Mbacké a pour Karim Wade.

Ce n’était donc pas de gaieté de cœur que le Khalife général des Mourides a vécu l’embastillement de Karim Wade à qui il voue une grande affection. Mais, les convenances et la courtoisie républicaines ou encore l’indépendance du pouvoir temporel vis-à-vis du pouvoir spirituel, et vice-versa,  ne lui ont pas permis d’essayer de tordre la main de Macky Sall ou de lui donner un quelconque «ndigël». Tout au plus, dans la rhétorique, y a-t-il lieu de faire usage, à son égard, de métaphores, de paraboles ou d’euphémismes pour ménager sa susceptibilité. Mais, «Macky deggul dàcc» («Macky n’est pas très futé»). Il ne sait pas comprendre à demi-mots ou lire entre les lignes. A moins qu’il ne fasse semblant de ne rien comprendre. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut point voir et pire sourd que celui qui ne veut point entendre. Lui-même, Macky Sall, disait qu’il est «un lion qui dort». Il serait plus juste de parler à son égard de  («Gaïndé gu tëx la. Du degg jat»). Autrement dit : «C’est un lion qui est dur d’oreille et donc insensible aux incantations du dompteur.» Sinon, il aurait reçu 5/5 les messages intelligibles à lui envoyés par les guides religieux cités plus haut. La même vérité est valable dans l’affaire Khalifa Sall, un maire de la capitale sénégalaise qui bénéficie chaque jour de soutiens sans ambages de guides religieux du pays. Ce qui n’est pas banal. Mais, c’est comme si le Président Macky Sall était empêtré dans un déni de justice qui serait un engrenage d’où il ne peut pas sortir. Une grave discrimination entre cito­yens sénégalais. Qu’on l’appelle justice sélective, justice des vainqueurs ou politique de la pose du coude sur les dossiers compromettants ayant éclaboussé des partisans ou membres du clan du président de la République, le phénomène reste implacable et porte des coups de boutoir sévères à l’Etat de droit rudement mis à mal.

C’est le temps de la désillusion et de l’effondrement des conquêtes démocratiques douloureusement acquises mais dont les gouvernants actuels n’ont que du mépris, préoccupés qu’ils sont par leurs privilèges et positions de pouvoir actuels. Pour ces gens-là qui, en réalité, se servent de l’Etat plus qu’ils ne servent l’Etat et qui sont dans des logiques de conservation de postes et d’avantages, seuls leurs intérêts crypto-personnels et bassement matériels comptent. C’est tout le sens de la déclaration à la fois pathétique, pitoyable et effroyable de Monsieur Oumar Youm, ministre et directeur de cabinet du président de la République qui, pensant sans doute qu’en dehors du pouvoir il sera un paumé, a laissé entendre, tenez-vous bien : «Si Macky Sall perdait les Législatives, nous perdrons tous nos postes.»  Sans commentaire !

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

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