«La soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme». Machiavel
Il y a effectivement urgence! Par conséquent, nous devons saisir chaque opportunité pour faire les comptes et réfléchir, penser au type de Sénégal que nous aimerions avoir, et nous demander si nous sommes réellement en train de créer un pays qui nous aide à réaliser nos priorités, nos aspirations et à demeurer un peuple grand et digne..
En effet, la garantie de l’ État de droit, des droits individuels et des droits collectifs, l’existence d’une opinion publique capable de participer à la bonne marche du processus démocratique, la garantie d’élections libres et transparente, la possibilité d’alternance, le respect des institutions et des principes de bonne gouvernance, tels sont les maîtres mots de toute démocratie moderne et la condition de reconnaissance des principes qui régissent les États dans un contexte de mondialisation . La traduction en actes concrets de ces critères d’éligibilité au rang de pays dits démocratiques, rappelés par Habibatou SOW DIA, dans État et société civile au Sénégal, demeurent ainsi une préoccupation à la fois majeure et difficile qui interpelle encore beaucoup d’États africains, en général et le Sénégal actuel, en particulier.
Depuis son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a une tradition de pluralisme avec des institutions politiques et juridiques bien établies. D’abord, il a été l’un des premiers pays d’Afrique à permettre en 1974 le pluripartisme restreint à un certains nombres de partis pour l’élargir et le transformer définitivement en multipartisme en 1981. Il a été, ensuite, l’un des premiers à procéder à une passation volontaire et sans heurt du pouvoir en 1981 entre Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. Et enfin, le Sénégal a fait preuve de sa vitalité démocratique en réalisant à plusieurs reprises des alternances démocratiques et paisibles au sommet de l’État. Avec ces atouts, le pays a acquis, pour reprendre le professeur Ismaëla Madior Fall, le label «d’exception», «de vitrine démocratique», d’«oasis démocratique» dans une Afrique minée depuis bien longtemps déjà par des dérives monarchiques et autoritaires.
De la première Constitution de 1959 à celle de janvier 2001, en passant par celles de 1960 et de 1963 avec les révisons constitutionnelles qui les ont émaillées et consolidées, le pouvoir constituant sénégalais a toujours voulu poser des principes sacro-saints contribuant activement selon les circonstances à l’instauration et à la consolidation d’un État de droit, d’une «bonne conduite» en matière de gouvernance et d’une stabilité politique. Mieux, le Sénégal va plus loin en consacrant une valeur constitutionnelle à son opposition avec une garantie accordée aux partis politiques qui s’opposent au Gouvernement des droits égaux de s’opposer. La réforme proposée par l’ancien président Macky Sall et validée lors de son référendum du 20 mars 2016 a renforcé du reste ces droits conférés à l’opposition et à son chef. En ce sens, l’article 4 de la Constitution stipule que: «Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage dans les conditions fixées par la Constitution et par la loi. Ils œuvrent à la formation des citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques».
Par ailleurs, si nous nous aventurons à tourner la page de ces considérations théoriques qui embellissent de toute évidence l’image du Sénégal, le jeu politique à l’intérieur du pays laisse apparaitre une autre réalité que d’aucuns qualifient de surprenante, grave, désolante et triste. Sa gestion «sobre et vertueuse» des temps de campagnes électorales est devenue, comme tant d’autres de ses engagements, un slogan creux très rapidement jeté aux oubliettes de l’histoire pour laisser la place aux répétitifs deals, scandales, dérives et manœuvres de politiques politiciennes de toutes sortes. L’ex-président Sall ne se rappelle plus de la mesure prise le soir de son triomphe honorable de mars 2012, lorsqu’il constatait que « l’ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime des attentes de la population». On dirait qu’il était vraiment englouti dans les entrailles de la liesse populaire pour ne pas non plus se souvenir d’avoir dit qu’il sera le président de tous les Sénégalais. Eh oui, celui qui est responsable agit avec sérieux, mais celui qui a une mine grave, sans raison, inquiète ou ennuie!
Notre concitoyen Macky Sall, assis confortablement et de façon ostensiblement illégale sur le fauteuil présidentiel sénégalais, a toujours été un homme solitaire face à un immense abîme qui l’enfonce de jour en jour dans la radicalisation politique menant à la violence gratuite. Par tous les moyens, il fait usage de cette violence également illégitime pour gouverner en maître absolu sur toute l’étendue du territoire sénégalais. Il a tourné le dos depuis très longtemps à son serment solennel d’être garant du respect des Lois et des Normes de la République. La «mackysaledisation du Sénégal» est son plan favori minutieusement élaboré et mis en marche pour confisquer le pouvoir. Pour y parvenir, il n’y a rien de plus absurde que logique pour un homme comme lui qui ne pensait pourtant pas devenir président de la République, d’anéantir toutes les oppositions à son pouvoir en s’attaquant arbitrairement à toute personne qui aurait des ambitions politiques de lui succéder. Notre «Excellentissime» ancien président de la République, frappé d’une amnésie certaine pour ne plus se rappeler de son passé si proche d’opposant martyrisé, réinstaure le chaos et demeure très insensible quant au sort de son peuple. C’est coulé dans le béton! Pour les prochaines échéances électorales de 2017 et de 2019, il doit obtenir de victoires. Ce qui le pousse à dérouler ainsi, au vu et au su de tous les Citoyens sénégalais fortement très en colères, deux stratégies parallèles: la domestication clientéliste des alliés et la liquidation politique des opposants.
La domestication clientéliste des alliés
La domestication clientéliste des alliés se passe dans un grand ensemble fourre-tout, une coalition dénommée « Benno Bokk Yakaar » exclusivement composée par de politiciens professionnels, de délinquants politiques, de croulants-vautours de la politique sénégalaise. Le chef de l’APR, Macky Sall place inéluctablement notre cher Sénégal dans des logiques de notabilités politiques qui ont poussé notre compatriote Assane Bocar Niane à lui accorder la médaille de « promoteur des vieillards de la République». Ils ont, entre autres, pour noms Amath Dansokho, Djibo Leyti Ka, Ousmane Tanor Dieng, Landing Savané, Moustapha Niasse. Robert Sagna, Abdoulaye Bathily. Très rusés et ancrés dans la pure démagogie politique, ces acteurs politiques réhabilités et mis au devant de la scène politique sénégalaise, ont crée contre toute attente une forteresse autour du président de la République le rendant du coup inaccessible pour les militants de son propre parti APR. Dans ce club d’affairistes de la mouvance présidentielle qualifié par le Pr Amsatou Sow Sidibé de «farce politique», la générosité du Prince Sall, synonyme de la pitié des âmes nobles, avilit au quotidien des alliés requinqués par des postes ou par des avantages politiques juteux qui les ont tous ligotés. Nombre d’entre eux sont malades et ont un besoin criard de soins et de prise en charges médicaux que leur assure le pauvre contribuable sénégalais. Tout est organisé pour qu’ils se tiennent à carreau. Un trait est délibérément tiré sur leur passé de délinquance politique. Chanceux, ils ont obtenu la grâce simple et amnistiante de leur ami président de la République qui leur avouait sans ambages d’avoir volontairement « mis sous son coude plusieurs dossiers de justice.» Bref, ce qu’un sot président de la République a planté, le sage soumis ne le déracine pas!
La liquidation politique des opposants
La liquidation des opposants, quant à elle, se fait systématiquement avec l’instrumentalisation flagrante et la mise sous pression de la justice et des appareils de l’État. Les renégats ainsi que les insoumis du régime de Macky Sall subissent à tour de rôle son courroux. À chacun est attribué un crime qui sera orné par un contrôle judiciaire parce que le Macky Sall a son procureur! Le délit d’offense au chef de l’État a été plusieurs fois retenu contre des citoyens aux ambitions avouées pour les intimider. Le Sénégal de Macky Sall a décidé de mettre en berne les esprits libres et rebelles qui adoptent une posture citoyenne pour jouer ce rôle primordial et nécessaire de sentinelle. Rien ne doit être laissé au hasard! L’ordre est donné aux partisans et aux agents de l’État acquis à la cause de fouiller partout. Même une affaire privée de divorce est à considérer parce qu’elle peut servir à monter un ridicule complot d’État. L’ancien premier Abdoul Mbaye, l’inspecteur des Impôts et Domaine Ousmane Sonko, le trio des maires socialistes Khalifa Sall, Barthelémy Dias, Bamba Fall sont tous des victimes de l’arbitraire du président de la République. Les leaders du Front patriotique pour la défense de la République le confirment dans leur communiqué où ils constatent que : « le régime Macky Sall persiste dans sa folle volonté d’utiliser l’appareil judiciaire pour liquider, les uns après les autres, ses principaux rivaux aux prochaines élections législatives et présidentielle».
En définitive, entendons de nouveau les fortes semonces faites en 2014 à l’ancien président Macky Sall par le journaliste Malick Sy. «Les Sénégalais, lui rappelait-il, ne sont pas dupes et perçoivent chaque jour votre lente dérive vers un régime autoritaire qui a pour finalité d’effrayer et d’intimider tout ce qui pense et réfléchit librement dans notre pays. C’est le processus de verrouillage de nos libertés qui est en cours comme si tous les pouvoirs au Sénégal ne devaient avoir qu’un seul nom : Macky Sall».
Pathé Guèye
Correspondant ACT Canada
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