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Nos Politiques Et La Présomption D’innocence

Le Sénégal se veut le champion africain de la démocratie ; ce qui, par bien des aspects, est justifié. Par ailleurs, cela suppose une justice indépendante, c’est-à-dire dont tous les acteurs et le public respectent les droits des uns et des autres. Parmi ces droits figure en bonne place la présomption d’innocence.

Or, l’actualité politico-judiciaire nous amène à nous questionner sur la perception des politiques ou plutôt des politiciens principalement, de ce principe général de droit qu’est la présomption d’innocence.

Ce, à telle enseigne que l’idée de poser cette question me taraude les méninges : chers politiques, savez-vous ce que veut dire la présomption d’innocence et sa valeur dans le respect des droits du justiciable ?

Dans sa définition commune, la présomption d’innocence signifie « qu’un individu, même suspecté de la commission d’une infraction, ne peut être considéré comme coupable avant d’en avoir été jugé tel par un tribunal.

Juridiquement, la présomption d’innocence est un principe fondamental qui fait reposer sur l’accusation, donc le procureur de la République, la charge de rapporter la preuve de la culpabilité d’un prévenu.

En des termes plus simples, tant qu’une personne (morale ou physique) n’a pas été définitivement condamnée (c’est-à-dire épuisement de toutes les voies de recours), elle est présumée innocente.

L’adversité politique ne devrait, en aucun cas, nous aveugler au point d’adopter des postures qui sont en contradiction avec les principes généraux de droit tels que consacrés par nos textes de lois et la jurisprudence.

Pour preuve, sous tous les régimes qui se sont succédé au pouvoir depuis notre accession à la souveraineté internationale, les cas de citoyens inculpés dans le cadre de responsabilités exercées et pour beaucoup placés en détention provisoire, par la suite innocentés par la justice de notre pays, sont légion.

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Dans tous les pays du monde, les différents codes sur lesquels s’appuient le juge pour dire le droit, le principe de la présomption d’innocence figure en très bonne forme. A cet effet, il me plait de saluer les pas de géant franchis par la justice sénégalaise avec les différentes réformes récemment effectuées dont la possibilité pour un prévenu d’être assisté par un avocat dès la garde à vue.

Si nous prenons l’exemple de la France, placé en tête du code de procédure pénale depuis une loi de 2000, le principe de la présomption d’innocence est aussi garanti par de multiples textes, notamment dans la Déclaration de droits de l’Homme de 1789 et la Convention européenne des droits de l’Homme.

La présomption d’innocence possède de nombreuses implications concrètes : il s’agit tout d’abord d’un principe qui vient limiter la liberté d’expression et autorise toute personne non encore condamnée, mais présentée dans la presse comme coupable, à obtenir une rectification publique. La loi interdit, en outre, de diffuser, sans son accord, les images d’un individu menotté. Surtout que la présomption d’innocence vient garantir au prévenu qu’en l’absence de démonstration probante, par l’accusation, de sa culpabilité, le doute devra nécessairement lui profiter.

A cet égard, il convient de rappeler que l’ossature des lois et règlements des Etats africains ou d’autres cieux qui ont subi la colonisation a pour ancêtre les codes du pays colonisateurs. C’est le cas du Sénégal où pratiquement on retrouve dans les textes juridiques les même dispositions que celles contenues dans la législation française.

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Cependant, on relève que le respect de la présomption d’innocence connaît certaines exceptions qui concernent la caractérisation de quelques rares infractions. En effet, l’individu, par exemple, qui ne peut justifier les ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne se livrant habituellement à la prostitution, est réputé commettre le délit de proxénétisme.

Face à la clarté de la règle, notre incompréhension quant à l’attitude inqualifiable de certains responsables politiques (qui, en réalité, ne sont que des faucons dont la radicalité est un réel danger pour le pouvoir et l’opposition) est totale. Toutes les postures dans lesquelles ils semblent trouver une certaine jouissance ne sont qu’une illustration de leur mépris pour nos institutions.

Dans un pays qui se prévaut d’une indépendance de sa justice, comment des hommes et des femmes politiques peuvent se permettre, à longueur de plateaux télé et radio, de bafouer, sans une seule once de prudence langagière, cette règle.

Les prises de position des uns et des autres se posant en juge et condamnant, par le tribunal médiatique, leurs homologues politiciens, en foulant au pied les règles élémentaires du droit, ne les honorent pas. En ce sens, je citerai les sorties purement politiciennes et dénuées de toute honnêteté intellectuelle de responsables politiques de tous bords.

La prudence républicaine, que dis-je la règle de droit, impose à tout citoyen, surtout ceux investis de responsabilités publiques serai-je tenté de dire, de ne pas se poser en commentateurs des dossiers pendants devant la justice et d’appeler au respect de son indépendance et de la présomption d’innocence des inculpés.

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Serigne Babacar TALL

Juriste Militant socialiste

Membre de « Vision socialiste » France

Paris

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