Le mythe de la perfection de l’homme politique, le préjugé d’infaillibilité de l’homme d’Etat, l’illusion de pureté morale du politicien, sont, semblent-il, en train de céder la place au réalisme politique consistant à partir de la réalité purement humaine de l’homme politique. «Je suis des vôtres, je suis un simple mortel, j’ai commis des erreurs, je m’en suis remis, je m’en suis sorti» : cet aveu d’imperfection, en plus d’exprimer une humilité, est devenu un artifice politique porteur de charme, de fascination. Le discours dénonciateur, calomniateur, catastrophiste et la tactique de la victimisation semblent être désormais révoqués par les masses.
Au lieu de parler d’autrui il faut désormais se faire connaître, se faire comprendre, se dévoiler. Ce que les peuples exigent des leaders c’est d’abord la «vérité sur soi», car ils savent que les attaques et les louanges concernant autrui sont en définitive des subterfuges de dissimulation de soi, voire de dissolution de son identité. Le mode de communication incendiaire, alarmiste ne peut plus être opératoire car les idéologies manipulatrices ont perdu leur place dans les repères des peuples et ceux-ci semblent davantage préoccupés par ce qu’il faut faire que par ce qui n’est pas bien fait.
Les combines entre les maîtres de la communication et les politiciens ont tellement instruit les peuples qu’il devient de plus en plus difficile de communiquer avec les citoyens. Les contours de la nouvelle communication politique vont de l’humilité à l’authenticité, car ces deux vertus sont devenues les moteurs de la démocratie participative. Tenir un langage hors de portée des populations, se prévaloir d’une pureté morale humainement impossible, revendiquer une posture technocratique exceptionnelle, sont désormais des facteurs de marginalisation, d’isolement de l’homme politique : les ex-marxistes sénégalais souffrent de ce syndrome.
Il faut désormais ressembler aux peuples pour leur être proche, il faut désormais leur être proche pour pouvoir comprendre leurs préoccupations. Or même si on ne peut remettre en cause la vocation essentielle de l’homme politique à former ces concitoyens, il faut reconnaître que c’est en fonction de ce qu’ils sont et de la manière dont ils vivent que les peuples évaluent les hommes politiques : c’est le grand dilemme du monde politique moderne. Ni la surabondance de la communication ni la perfection de celle-ci ne sont des gages de charisme.
Le charisme ne se forge pas par procuration, le feu qui le déclenche a son foyer au sein du Peuple, il ne se décrète pas : le formatage des consciences par le biais de la manipulation de l’image de l’homme politique ne peut pas constituer un levier sûr de la conquête ou de conservation du pouvoir. La diabolisation outrancière de l’adversaire et les flatteries des dames de compagnie finissent par créer la saturation au niveau des consciences. La presse et les autres appareils idéologiques sont juste des instruments dans la lutte pour le contrôle du pouvoir et de sa sœur jumelle, à savoir, l’opinion publique : ils ne peuvent pas se substituer à l’essence de l’action politique qui doit normalement les fédérer et les organiser conformément à des ambitions précises.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigna Ahmadou Ndack Seck
Secrétaire général du Mouvement Label-Sénégal
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