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De La Pagaille Démocratique à Une Société Décadente Au Sénégal

De La Pagaille Démocratique à Une Société Décadente Au Sénégal

Depuis le siècle des Lumières au moins les théoriciens de la politique moderne comme Montesquieu, Diderot et Rousseau avaient conçu la démocratie comme le meilleur régime politique en ce qu’elle est en adéquation avec les principes rationnels et surtout du fait de sa capacité à répondre aux aspirations du peuple en promouvant l’égalité, la justice et la liberté.

En tant que » gouvernement du peuple,par le peuple et pour le peuple  » comme l’avait perçu Abraham Lincoln, le régime démocratique incarne le mieux la volonté des peuples à s’autogouverner. Mais la bonne marche d’une société démocratique nécessite un niveau de conscience citoyenne élevée permettant un choix avisé à la lumière des véritables enjeux, des institutions solides et justes, la mise en oeuvre de lois équitables et impartiales et surtout des dirigeants éclairés pour ne pas dire désaliénés.

En vérité, une société démocratique authentique ne s’improvise pas comme telle ,elle ne doit pas non plus être une copie pale d’autres modèles démocratiques aux parcours de maturation originale; elle naît d’un long processus historique d’acquisition de droits et de libertés qui sont le résultat de revendications pacifiques ou de luttes sanglantes d’un peuple donné aspirant à une souveraineté véritable. Or lorsque qu’on évalue  »la démocratie sénégalaise  » selon les critères que  nous venons d’énumérer, on est amené  à douter de l’originalité de son  modèle  et surtout de sa fiabilité tant il  n’est qu’un reflet déformant du système politique colonial lequel est en déphasage avec nos réalités.

Certes, on dira que les sénégalais ont commencé à voter bien avant les indépendances, que des élections  »libres et transparentes » ont toujours été le modus operandi  du peuple pour le choix des tenants du pouvoir, que des alternances politiques ont été réalisées sans bruit de bottes, que des institutions politiques, judiciaires et administratives existent et se pérennisent contre vents et marrées. Toutefois, réduire la démocratie à une succession de régimes politiques par la voie des urnes, c’est perdre de vue son essence fondée sur l’égalité sociale et la justice devant  la loi.

Une analyse objective et impartiale de la société sénégalaise ou de son système politique aboutit inexorablement à un constat alarmant : notre  »démocratie » est plus de façade que réelle en ce qu’elle est inégalitaire,injuste et aliénée par des forces endogènes et exogènes usurpant la souveraineté du peuple.Elle est inégalitaire dans la mesure où  elle n’octroie pas à tous ses citoyens les mêmes chances d’épanouissement et ne garantit pas  les mêmes droits à tous.

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L’école publique qui était naguère un lieu de promotion sociale pour tous les fils et et toutes les  filles de la nation est devenue à force de sabotage des différents acteurs qui le composent un espace de désespoir et d’échec. La privatisation outrancière de l’éducation nationale est un facteur aggravant de l’accès inégal au savoir qualitatif entre enfants  de pauvres et fils de riches exacerbant ainsi la fracture sociale à la base.

Quand on observe la répartition géographique des infrastructures, des biens et des services au niveau territorial on remarque une grande disparité dans la distribution des ressources du pays.Toutes les richesses sont quasiment concentrées à Dakar de sorte que les populations à l’intérieur du pays n’ont d’autres choix pour survivre que d’assaillir la capitale laquelle ploie sous le poids  d’une population de plus en plus dense et ingérable.

L’érection de Diamiadio en pole urbain pour désengorger le centre ville est au fond une erreur stratégique puisque non seulement elle compromet le processus de décentralisation et de déconcentration, elle accentue également le fossé entre la capitale et les autres régions du pays.

L’inégalité se remarque aussi dans la distribution de la  »croissance » celle-ci à caractère macroéconomique en fait ne profite qu’ à une minorité de nantis issus de la classe politique, de l’administration, du cercle maraboutique sous formes de fonds politiques, de fonds communs, de subventions, de privilèges ou d’aides pour soutenir les familles confrériques ou organiser des cérémonies religieuses à longueur d’année alors que la population paysanne souffre des affres des bons impayés et campagnes agricoles calamiteuses,les enseignants réclament  des conditions de vies descentes,la classe laborieuse est meurtrie par la misère endémique et systémique, les jeunes désorientés par le chômage sacrifient leurs vies dans l’océan et le désert dans l’espoir de fuir le marasme ambiant.

C’est d’ailleurs pourquoi on pourrait de manière caricaturale scinder le Sénégal en deux entités distinctes : le  »Sénégal d’en haut  » traversé par l’opulence arrogante et le  »Sénégal d’en bas » marqué par une indigence insupportable .Ces deux groupes certes vivent dans le même pays géographiquement parlant, mais ils ne se côtoient que par médias interposés tellement leur univers sont antinomiques ou leurs chemins ne se croisent que quand  »ceux d’en haut » veulent profiter de  »ceux d’en bas  »miséreux par le moyen de promesses électorales fantaisistes ou de discours religieux enchanteurs.

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Vouloir faire parti des  »sénégalais d’en haut  » amènent les plus opportunistes à créer des partis politiques à vocation alimentaire ou à entrer dans une coalition politicienne, à user de toutes sortes de ruses et de stratagèmes afin de profiter des avantages du pouvoir. Le nombre de partis politiques(plus de 255 partis sont répertoriés au Sénégal!!!) est démentiel certains n’ont jamais participé à aucun scrutin et n’éprouve aucune difficulté à rassembler leurs militants et leurs sympathisants dans une chambrette. Le rythme de création de formations politiques est tel qu’on peut dire cela dessert la démocratie dans la mesure ou l’offre politique devient inintelligible ou illisible. Pour la seule élection législative pas moins de 47 listes électives ont été déposées auprès du Ministère de l’Intérieur de quoi lui donner le tournis dans la perspective de l’organisation des prochaines législatives .

En plus d’être inégalitaire, la société sénégalaise est devenue foncièrement injuste .Cette injustice crève l’œil, elle se manifeste clairement dans le traitement inéquitable des citoyens devant la loi de sorte que ceux qui dérobent la valeur d’ un bœuf ou qui ont commis un crime odieux et proches du régime sont impunis ou élargis après des peines clémentes ou le statut social ou politique s’est exprimé alors que ceux qui ont subtilisé la valeur d’un œuf ou qui sont sujets de crimes mineurs sont sévèrement punis par des sanctions lourdes sans aucune forme de procès.

L’injustice est d’autant plus criarde que les institutions judiciaires censées être les ultimes remparts de l’arbitraire pour s’ériger en piliers essentiels d’une démocratie accomplie sont instrumentalisées par les tenants du pouvoir afin de  réduire au silence toutes formes de velléités de l’opposition ou toutes tentatives de contestations liées à la gestion parcimonieuse et opaque de l’argent du contribuable.

Les traitements  que les justiciables reçoivent devant la justice sont déterminés  en fonction de leur proximité ou de leur éloignement des arcanes  du pouvoir.Pour cause aussi longtemps qu’on préserve les intérêts du régime en place ou qu’on le ménage des invectives et des critiques   quelles  que soient les forfaitures qu’on commet ,on est comme immuniser de la rigueur de loi; mais dés qu’on commence à contrecarrer les plans du pouvoir on entre dans l’œil du cyclone et on subit les foudres des autorités étatiques lesquelles ont fini de ranger leur obsolète slogan »la patrie avant le parti » aux calendes grecques.

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La presse aussi bien privée que publique, réputée être un contre pouvoir dans une démocratie qui se respecte, elle est  devenue aussi une caisse de résonance pour les pouvoirs en place au point de manipuler la masse .Elle a depuis longtemps démissionné de son rôle de quatrième pouvoir pour se morfondre dans une pathétique entreprise de promotion des réalisations du chef de l’Etat et en passant sous silence les avatars ou les dérives du régime . Les manifestations de l’opposition républicaine sont boudées par  la télévision nationale censée incarner la voix du peuple dans sa diversité et sa globalité.

Autant dire que la démocratie sénégalaise est de plus en plus dépouillée de sa véritable substance pour ne se réduire  qu’à une succession  mécanique de régimes politiques issus de scrutins friands  de nos si modestes ressources émanant de l’argent du contribuable et d’un endettement abyssal qu’hériteront les générations futures .Nos pratiques politiques ont divorcé avec les principes sacro-saints d’une véritable société démocratique à savoir l’égalité, la justice et la liberté. Notre »démocratie » est prise en otage par le clientélisme politique, l’affairisme des lobbys de toutes sortes. Mais les grands prédateurs de notre démocratie ce sont surtout les multinationales qui usurpent la volonté du peuple en corrompant nos élites pour avoir la mainmise sur nos ressources ce qui contribue à attiser des convoitises annonciatrices de lendemain troubles pour notre pays.

 

CIRÉ AW

Ciré AW

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