En attendant les résultats définitifs des élections législatives de 2017 qui doivent être publiés par le Conseil constitutionnel, nous nous sommes livrés à un petit exercice de comparaison (qui n’est pas raison) en privilégiant les chiffres.
En introduction, il faut préciser qu’il n’est pas cohérent de comparer des élections législatives à une élection présidentielle, des élections locales ou un référendum, etc. Les enjeux, les modes de scrutin et le comportement de l’électorat diffèrent, même si des analyses croisées peuvent être faites en tenant compte des spécificités de chaque consultation. C’est pourquoi nous avons choisi de comparer les élections législatives du 30 juillet 2017 (47 listes de candidature) à celles du 1er juillet 2012 (24 listes de candidature) en nous basant sur les résultats et des chiffres. Cette contribution ne prétend pas expliquer grand-chose puisqu’elle occulte volontairement d’autres éléments qualitatifs (politique, organisation des élections, social, climatique et culturel) qui doivent être pris en compte dans une analyse sérieuse plus fine et plus exhaustive. L’autre limite de l’analyse tient à sa nature purement comparative, qui ne prend en compte que des critères qui étaient déjà réunis en 2012. Enfin, une décision du Conseil constitutionnel en cas de recours pourrait remettre en cause certains résultats et par conséquent, une partie de l’analyse.
En 2012, le nombre de sièges en compétition était de 150 pour 165 sièges en 2017. La représentation des Sénégalais de l’extérieur explique cette augmentation de 15 sièges.
En 2012, le nombre de listes de candidature validées était de 24 contre 47 en 2017, soit une progression des listes de près de 100%. En tout état de cause, malgré les critiques adressées au pouvoir législatif (charges excessives, soumission à l’exécutif), le poste de député reste convoité.
En 2012, 5 368 783 citoyens sénégalais étaient inscrits sur les listes électorales. En 2017, avec la refonte totale du fichier électoral et la confection des cartes d’identité Cedeao (comprenant les informations électorales), le fichier électoral est passé à 6 219 446 électeurs inscrits, soit une hausse de 850 663 inscrits.
Le nombre de votants en 2012 était de : 1 968 852 soit un taux de participation de 36,67 %, contre 3 328 325 votants en 2017, soit un taux de participation de 53,51 %. Cette hausse de 1 359 473 votants peut être liée à plusieurs raisons : l’engouement pour une élection qui se déroule à moins de deux ans de l’élection présidentielle, contrairement à celle de 2012 où il s’agissait de donner une majorité au Président nouvellement élu, l’augmentation des listes en compétition, donc des candidats, la hausse du nombre d’inscrits, etc.
Cette hausse importante s’exprime également dans les suffrages valablement exprimés : qui sont de 1 961 776 en 2012 pour atteindre 3 300 974 en 2017.
Ce rush des électeurs a relevé le quotient national de 32 696 en 2012 à 55 016 en 2017. Le tarif minimum pour obtenir un siège sur la liste nationale s’est corsé avec une hausse de 22 320.
Hauts et bas de Benno bokk yaakaar
En 2012, Benno bokk yaakaar, la coalition de la majorité présidentielle, avait obtenu : 1 040 899 voix soit 53% des suffrages valablement exprimés, avec 119 sièges dont 32 sièges sur la liste nationale (scrutin proportionnel) et 87 sièges dans les listes départementales (scrutin majoritaire).
En 2017, Benno bokk yaakaar a obtenu 1 633 444 voix soit 49, 48 % des suffrages valablement exprimés, avec 30 sièges sur la liste nationale et 95 sièges sur les départements.
L’analyse est brouillée par le fait qu’en 2012, une bonne partie de Mankoo taxawu senegaal (387 717 voix en 2017) dont Khalifa Sall du Parti socialiste, Malick Gackou de l’Afp, le Fsd-Bj de Cheikh Bamba Dièye, et Rewmi de Idrissa Seck, étaient membres de la coalition Benno bokk yaakaar, y compris les «freelance» Cheikh Tidiane Gadio (1 siège en 2017) et Aïssata Tall Sall (1 siège en 2017). Nonobstant ces départs, Bby a pu conserver son unité et a bénéficié de nombreux ralliements, dont celui de l’Urd de Djibo Ka (21 964 voix pour un siège en 2012) et du Mps-Faxas de Serigne Khadim Thioune. Cette progression en valeur absolue, masque une baisse en valeur relative avec un pourcentage qui passe de 53% à 49,5% des suffrages soit une baisse en valeur relative de 3,5% en cinq ans. Alors qu’en 2012, Bby s’adjugeait 79% des sièges, en 2017 elle prend 76% des sièges. En conclusion, Bby progresse en valeur absolue en profitant mieux que les autres listes de la hausse des votants, mais elle régresse légèrement en valeur relative. Ce qui est quand même une performance pour la majorité présidentielle dans une élection nationale de mi-mandat, souvent réputée périlleuse pour les tenants du pouvoir après cinq ans d’exercice.
Le Parti démocratique sénégalais et ses alliés : une progression forte en valeur absolue mais timide en valeur relative.
En 2012, le Parti démocratique sénégalais (Pds) avait obtenu 298 846 voix soit 15,23% des suffrages valablement exprimés avec 12 sièges dont 10 sur la liste nationale et 2 sièges grâce à ses victoires dans les départements de Koungheul et de Kédougou, soit un taux de 8% des sièges en jeu. En 2017 la Coalition gagnante Wattu senegaal obtient 549 551 voix soit 16,64 % des suffrages valablement exprimés avec 19 députés soit 11,5% des sièges dont 10 sur la liste nationale et 9 sur les départements (Mbacké, Saraya, Europe du Sud).
Concernant les partisans de Abdoulaye Wade, la comparaison est rendue plus ardue en raison des changements de stratégie concernant les déclarations de candidature entre 2012 et 2017. Parti seul en 2012 avec comme résultat 12 sièges, le Pds a opté en 2017 pour une coalition qui regroupe Aj-Pads de Mamadou Diop Decroix (15 889 et 1 siège en 2012), Tekki de Mamadou Lamine Diallo (20 671 voix et un siège en 2012) et Bokk gis gis de Papa Diop. Ce dernier dirigeait en 2012 la coalition Bokk gis gis (143 180 voix soit 7 % des Sve avec 4 sièges) qui regroupait des dissidents du Pds dont Mamadou Seck, Feu Ousmane Masseck Ndiaye, et surtout Abdoulaye Baldé et Moustapha Guirassy de l’actuelle coalition Convergence patriotique Kaddu Askan Wi (65 175 voix en 2017 avec 1 siège sur la nationale et 1 autre sur la départementale à Kédougou). Quid de l’apport réel de Bokk gis gis ?
Entretemps, le Pds a perdu notamment Modou Diagne Fada (autour de 33 000 voix en 2017 et 1 siège) et Aïda Mbodj (un siège également en 2017) et Ousmane Ngom (pas de siège en 2017). En conclusion, la Coalition gagnante Wattu senegaal (si on l’assimile au Pds et alliés) a fortement progressé en valeur absolue, mais n’a que légèrement amélioré son pourcentage de voix de 2012, si on prend en compte les apports de Bokk gis gis, de Tekki et d’Aj-Pads. Ce qui est aussi une performance avec la saignée que le Pds et le Bokk gis gis ont subie, et surtout la dispersion de l’opposition en 2017.
Fortunes diverses
Mankoo taxawu senegaal qui s’est classée 3e en 2017, avec 387 717 voix (pour sept sièges sur la liste nationale), n’existait pas en 2012, la majorité de ses membres étaient dans la coalition Benno bokk yaakaar. A l’exception notable de Serigne Mansour Sy Djamil, qui avait obtenu en 2012 à la tête du Mouvement citoyen pour la refondation nationale Bes du Ñakk 113 321 voix pour 4 sièges sur la liste nationale.
Le flambeau de la «liste surprise» a été repris avec brio cette année par le Parti de l’Unité et du Rassemblement (Pur), qui totalise 155 037 voix et 3 sièges en 2017 sur la liste nationale.
La coalition Ndawi Askan Wi dirigé par Ousmane Sonko n’a pu obtenir qu’un siège en 2017 sur la liste nationale. Il faut relever que cette coalition comprend le Mouvement de la réforme pour le développement social (Mrds), qui en 2012 avait présenté une liste dirigée par l’Imam Mbaye Niang qui avait obtenu 70 655 voix pour 2 sièges. Donc, il s’agit en l’espèce d’une contreperformance pour une composante de cette coalition.
Quant au Pvd de Serigne Modou Kara Mbacké, on note une régression avec 2 sièges en 2012 et seulement un siège en 2017 sur la liste nationale.
On peut décerner la palme de la constance à la Cpje de Diop Sy qui parvient à conserver le siège acquis en 2012 sur la liste nationale.
En 2012 sur les 24 listes en compétition, 13 ont obtenu au moins un siège sur la liste nationale soit 54%. En 2017 sur les 47 listes en compétition, seulement 14 ont réussi à tirer leur épingle du jeu en bénéficiant d’un siège au moins sur la liste nationale. En 2017, le scrutin proportionnel, réputé plus démocratique, n’a permis qu’à moins de 30% des listes en compétition d’être représentés à l’Assemblée nationale.
Quant au scrutin majoritaire départemental, il conserve son caractère élitiste ou aristocratique. En 2012, seules 2 listes sur les 24 avaient réussi à obtenir des sièges dans le «raw gaddu» : 87 sièges pour Benno bokk yaakaar, qui raflait 43 départements sur 45 soit plus de 96% des sièges, le Parti démocratique sénégalais remportait les deux sièges restants (Koungheul et Kedougou). En 2017, sur les 105 sièges en jeu dans les départements de l’intérieur et de l’extérieur, Benno bokk yaakaar obtient les 95 sièges (90,47 % des sièges). Les 10 sièges restants sont partagés entre la Coalition gagnante Wattu senegaal (9 sièges pour les départements de Mbacké, Saraya et d’Europe du Sud) et la coalition Convergence patriotique Kaddu Askan Wi (1siège dans le département de Kédougou). Ainsi en 2017, seules trois listes sur 47 ont pu obtenir des sièges au scrutin majoritaire départemental, qui demeure la forteresse de la majorité présidentielle.
A suivre…
Mohamed Ayib DAFFE
(Mouvement Ideal Senegal)
ayibdaffe@gmail.com