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Incivilités Sur Les Réseaux Sociaux : De La Nécessité De Rappeler La Notion De Citoyenneté

Incivilités Sur Les Réseaux Sociaux : De La Nécessité De Rappeler La Notion De Citoyenneté

Depuis quelques jours, on note une actualité marquée par des incivilités à l’endroit de la première Institution de notre pays qui font la Une des journaux et de beaucoup de sites sur le web.

Au vu de ce qui précède et avec l’immixtion de «politiciens» dans le débat pour encourager et/ou soutenir les auteurs de propos plus que déplacés car pouvant être qualifiés «d’offense au Chef de l’État», il appert important de rappeler la notion de citoyenneté.

C’est une notion qui remonte à l’Antiquité. Très tôt intégrée par les civilisations grecque et latine, elle renvoyait à l’appartenance à une cité. Avec l’émergence des États, la citoyenneté devient un statut juridique, une condition soumise aux droits, notamment celui de voter et de participer à la vie civique en général. Le statut de citoyen implique, par ailleurs, des devoirs en contrepartie de sa légitimité. Le respect de ses droits et de ses devoirs permet de renforcer le lien social et de garantir les équilibres nécessaires au pacte républicain. C’est ainsi que chaque citoyen détient dans une égalité idéale une part de la souveraineté politique. Dès lors, les termes «nation» ou encore «intérêt général» devraient résonner comme une convergence de citoyenneté.

Dans cette rapide entrée en matière, une hypothèse primordiale est sous-jacente: l’humaine substance, dans son hétérogénéité, ferait les citoyens. Assurer une égalité de principe, une unité dans la diversité est alors un enjeu de taille. Les pays considérés aujourd’hui comme de grandes démocraties sont souvent ceux qui ont franchi la délicate étape de la sécularisation et de l’abolition formelle de certains privilèges. La citoyenneté peut, en effet, trouver son sens à partir d’une séparation entre l’État et la religion mais surtout dans la volonté d’un peuple d’aller dans la même direction en respectant ses propres lois. Cicéron ne disait-il pas qu’un peuple n’est pas toute réunion d’hommes assemblés au hasard, mais seulement une société formée dans l’acceptation d’un droit ?

Le Citoyen, celui qui participe est une théorie qui remonte à l’antiquité. La citoyenneté est placée au cœur de cette pensée de la politique comme interaction entre les hommes. Il n’est donc pas étonnant que la détermination du statut de citoyen s’arrime à une définition essentielle de la participation au corps politique. C’est la définition d’Aristote: «Un citoyen au sens absolu ne se définit par aucun autre caractère plus adéquat que par la participation aux fonctions judiciaires et aux fonctions publiques en général…» (Aristote, Politique, III, 1, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1982 p. 167.)

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Plus de deux millénaires plus tard, l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, n’offre pas d’autre caractérisation initiale: «La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. (…) Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités …». Cette définition finit par ancrer, surtout dans le contexte des démocraties représentatives modernes, la figure du citoyen comme électeur, comme titulaire d’un droit fondamental à la participation qui s’exprime par sa capacité de choix dans les affaires publiques. On le voit, malgré la différence des temps, la définition du citoyen demeure remarquablement stable dans les sociétés occidentales.

Le citoyen est donc plus que l’être en société: il est surtout et essentiellement l’être dont la socialisation est d’essence capacitaire, et lui permet de reconnaître que les lois qui gouvernent l’État dans lequel il se trouve portent, de manière plus ou moins directe, sa marque. Claude Nicolet, dans un ouvrage classique, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, peut citer Cicéron: «un peuple n’est pas toute réunion d’hommes assemblés au hasard, mais seulement une société formée dans l’acceptation d’un droit…» (Cicéron, De Republica, I, 39, cité par C. Nicolet p. 289). C’est pourquoi la participation est essentielle dans la définition du citoyen: recevoir des lois qui n’auraient pas son consentement enfreindrait fondamentalement la liberté citoyenne. De ce fait, la citoyenneté est le régime politique qui articule une liberté aux nécessités apparemment contraires de l’autorité. La citoyenneté est donc le thème d’une émancipation.

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Il s’agit, comme le note Rousseau «d’obéir avec liberté» (Du contrat social, II, 7.) En ce sens, la citoyenneté se définit au minimum, comme une citoyenneté «civile», dispensatrice de droits et de libertés fondamentaux, avant même d’impliquer une participation effective de type démocratique à la gestion des affaires. De ce fait, le statut de citoyen est protecteur. Il l’est dans la Rome antique, où le citoyen bénéficie d’un droit d’appel puissant auprès du peuple romain ; il l’est aujourd’hui dans le cadre de ce qu’on appelle un État de droit, c’est-à-dire un État dont les membres (les citoyens) sont non seulement contraints par l’appareil des lois, mais aussi, garantis par ce même appareil de l’arbitraire de la coercition par la protection juridique des libertés publiques.

Un Peuple, un But, une Foi, la devise de la République du Sénégal reprend, en quelque sorte, les fondamentaux de l’idéal citoyen en insistant sur sa finalité et la sincérité indispensable à sa réalisation. Aussi de par notre Constitution, le Président de la République dispose d’une certaine dimension «sacrée» car nombreuses sont les théories sacrales du pouvoir qui font de la politique un destin qui s’accomplit sur les hommes et leur regroupement. C’est en ce sens seulement qu’on peut concevoir la citoyenneté à partir d’une forme sécularisée du politique. Donc cette sécularisation définie dans la Constitution dont nous nous sommes dotés et dont également il est le garant, ce n’est rien autre chose que la conviction que la société est par essence un arrangement entre les hommes, et non «une volonté divine ou une loi naturelle».

Il conviendra avec Aristote de reconnaître que la cité est un tout organisé par des valeurs transcendantes comme « notre commun vouloir de vie commune ». Elle n’en repose pas moins sur un mode d’organisation interne des êtres humains entre eux: La cité est un fait de nature, mais qui doit être réalisé par (au moins) un homme qu’il nomme «le législateur» (Politique 1253a 30 sq). Ce législateur est porté par la démocratisation (démocratisation : phénomène qui affecte les sociétés lorsqu’elles se représentent que le régime naturel et idéal de la politique est la démocratie, et qu’elles transforment leurs institutions et leur régime pour parvenir à cette condition démocratique) des sociétés modernes. Si nous sommes tous égaux, nous avons tous les mêmes droits – les mêmes droits universels, c’est ce qu’on peut appeler la citoyenneté du droit : on est citoyen non parce qu’on participe d’une même sphère politique, mais parce qu’on a tous les mêmes droits égaux.

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Les choses prennent cependant une autre tournure lorsque des incivilités sans commune mesure sont tolérées par de soi-disant hommes et femmes politiques au lieu de les dénoncer avec véhémence. Ils sont tellement dans l’adversité politique insensée et irresponsable qu’ils oublient que la politique est un art noble qui se fait avec un projet de société, des arguments en vue de conquérir le suffrage de ses Concitoyens, et surtout que dans les statuts de tous les partis politiques l’un des premiers points inscrits est « la conquête du pouvoir par la voie démocratique en respectant la Constitution » du pays. L’opposition doit donc se réinventer car démocratie ne veut nullement dire anarchie et le respect de l’autre est une valeur fondamentale en politique. Un amalgame indescriptible est en train d’être fait en reliant des choses dans le seul but de créer un impact le plus retentissant possible au nom de la citoyenneté et en entretenant artificiellement une tension comme si le pays allait brûler d’un moment à l’autre. Cette manière low-cost de faire la politique n’a aucune chance de prospérer car la Res publica ne se négocie pas. Les Citoyens que nous sommes, avons le droit de poser des questions, mais pas des bombes pour reprendre Kamel Daoud.

 

Ben Yahya SY

Secrétariat au Suivi et à l’Évaluation du Pse/

Secrétariat à la Vie politique

Convergence des Cadres Républicains/CCR France

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