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Sénégal : Insalubrité Ou Insanité, Un Besoin Pressant D’une Cure De Désintoxication

Le Sénégal est réputé être un pays de tolérance, de solidarité et d’entente entre les différentes cultures qui y vivent et y constituent une seule culture : «La Téranga.» Cette appellation est aujourd’hui vidée de tout son sens vu les multiples assauts subis sur l’âme même du Peuple sénégalais. Depuis quelques années, au Sénégal, de nouveaux comportements entrent en porte à faux avec notre culture, avec notre image. En effet depuis quelques années, de nouveaux comportements s’immiscent dans notre culture pour ternir son image. Toutefois, je ne voudrais jeter l’anathème sur personne, mais plutôt inviter chacun à réfléchir pour que tout le monde puisse se revoir dans une glace sans regarder dans la poubelle de l’autre.

J’ai regardé, j’ai vu, je n’ai pas compris !

La liberté d’expression et le droit à la parole sont compris et appliqués au Sénégal d’une manière particulière. Ma réflexion est loin d’être manichéenne ; elle se veut fondée sur une observation et un constat qui inspire inquiétude et anxiété. La presse nationale a relayé ces dernières semaines des situations peu fréquentes dans l’histoire du pays. Les affaires Penda Ba, Assane Diouf, Amy Collé Dieng en sont les plus explicites. A travers les réseaux sociaux (généralement Facebook), chacun a essayé d’exprimer son opinion sur la marche des institutions et sur leur vision de la chose politique et la vie sociale. Quand la chanteuse adresse des propos dits injurieux à l’endroit de la plus haute institution de la République, Penda Ba s’en prend à toute une communauté ethnique alors que l’émigré installé aux Usa, généralise ses insultes. Assane Diouf s’est en effet défoulé devant sa webcam en proférant des injures et insultes comme il se servait de sa bouteille dont je ne connais pas le contenu.

Le fait est que chacun d’entre eux croit légitimement user de son droit à la parole et de sa liberté d’expression. Concé­dons-le leur ! Toutefois, ce que le Sénégalais lambda a retenu de ces sorties, ce sont plutôt des propos injurieux et insultants qui n’honorent pas leurs responsables. Or, cette stratégie de communication n’a guère été acceptée dans le catalogue sénégalais. Une manière assez nouvelle de s’exprimer publiquement dans ce pays où la courtoisie est un principe de vie. Facilitées par la technologie, ces prises de position semblent avoir plus de retentissement, car chacun d’entre ces personnes a subi des pressions de la part de la justice tant au niveau national qu’international. Des poursuites et des arrestations s’en sont suivies. Des réactions tous azimuts de soutien ou de désapprobation. Ce qui pourrait signifier que ni la loi, ni les règlements, ni la culture n’avaient cautionné ce genres de dérives. On assiste alors à un nouveau phénomène qui cristallise la fragilisation de nos institutions, de notre Nation et de notre culture.

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Comment ne l’avions-nous pas senti venir ?

Dans notre société, la pauvreté règne en maître, la rue éduque. L’enfant est envoyé à l’école non pour acquérir du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, mais plutôt comme un lieu de débarras pour des parents déjà exténués par une recherche effrénée de survie. Enfin, nous vivons dans une société où l’enseignant, le maillon essentiel sur lequel repose toute l’éducation des enfants (puisque les parents ont fui ce rôle qui est leur), est considéré comme un individu au bas de l’échelle.

Comment ne l’avions-nous pas senti venir ? Une société où cet enseignant garant de la transmission de la culture, de la sagesse et de la connaissance est dans une situation de peur et de crainte d’une radiation entre un après-midi de cours et le lendemain.

Une société où maintenant les références ne sont plus Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Blaise Diagne, Demba Diop, Lamine Guèye. Dans une société où les références ne sont plus El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, Seydina Limamou Laye ou Bou Kounta, Hya­cinthe Thiandoum.

Comment ne l’avions-nous pas senti venir dans cette société où la reconnaissance sociale se mesure par des billets de banque et non par des idées et principes ?

Comment ne l’avions-nous pas senti venir, dans cette société où depuis quelques années, on interdit aux autres ce que l’on s’autorise soi-même sans aucune forme de tolérance ?

Comment ne l’avions-nous pas senti venir dans cette société où la population ne sent aucun effort de développement de la part des dirigeants ?

Comment ne l’avions nous pas senti venir dans cette société où la pauvreté n’est plus un état mais une existence ? Une société où enfin, les espoirs de développement sont fondés sur le système Lmd (Lutte-Musique-Danse) ? Une société protège ses enfants, mais que propose celle-ci à la place ? Des télénovélas qui poussent les enfants à importer ces cultures. Une initiation aux chants et danses au lieu des fondamentaux de la responsabilité sociale. Donc qu’avons-nous inculqué à nos enfants ? Quelle image avons-nous montrée à nos enfants ? Réfléchissons un peu !

Ce que nous avons est peut être meilleur que ce que nous poursuivons !

Il faudrait d’abord reconnaitre que la force de la Nation sénégalaise réside plus dans l’entente sociale, dans le respect mutuel entre les populations que dans une politique de développement claire permettant à chaque citoyen de se sentir protégé et assez en sécurité.

Cette force est le résultat de plusieurs siècles de cohabitation et de cohésion sociale entres les communautés identifiées dans le territoire sénégalais qui, reconnues chacune à travers une langue, entretiennent des relations de complicité et de compagnonnage séculaires. Des liens de parenté se tissent non pas entre des personnes mais entres des ethnies : le Sérère devient le cousin du Diola, le Halpoular le cousin du Sérère, le Socé du Sarakholé, etc. Ces cousinages à plaisanterie dépassent de loin le loisir, mais sont ancrés au plus profond de chaque membre de la communauté.

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Dans une échelle un peu plus basse, on a la même entente sociale entre les patronymes recensés dans le pays. Dans ce cadre, cela fonctionne dans des familles de patronymes qui constituent des groupes restreints où toute forme de parole est permise, toutefois dans la courtoisie et le respect mutuel.

Mais quand la force devient son contraire, et les repères s’effacent, il est difficile de ne pas entrer dans une sorte d’anarchie qui ne dit pas son nom. Un tour dans une histoire récente nous permet de constater que depuis le début du 3ème millénaire, le pays entre de plus en plus dans un gouffre de violences aussi bien verbales que physiques.

Mais quand le Chef de famille n’a de temps que pour se gaver du plus sucré, du plus gras, du plus doux et du plus frais au moment où «la case de Birama brûle», on va directement vers cette forme d’anarchie. Quand celui qui a fui le combat doit, de derrière la palissade où il se niche, réprimander celui qui a perdu la bataille les armes à la main, nous renforçons cette idée d’intolérance et d’égoïsme. Quand on prône le Nts (Nouveau type de Sénégalais) alors que l’ancien est construit sur des fondements de valeurs et de qualités, on brouille l’esprit de nos enfants. Quand on préfère ce Nts au Mts (Meilleur type de Sénégalais), on ne sait plus ce que l’on veut réellement. Quand enfin, ceux qui doivent parler se taisent et que ceux qui n’ont rien à dire remplissent les parloirs, la faute est à qui ?

Quand on ne sait plus où l’on va…

La sagesse africaine nous a enseigné que «je l’avais dit» sonne mieux à l’oreille que «je le savais». Il est clair à nos yeux qu’une route doit être sertie de signalisations aussi bien verticales qu’horizontales : des panneaux d’indication, d’obligation, d’interdiction, ou de danger. Alors, il faut juste savoir les décoder. Le Sociologue-psychologue, Adrien Théodore Diène, faisant une analyse de cette situation, indique : «Pour qu’il y ait une vie en communauté dans une société, on ne peut pas se passer de ce qu’on appelle en psychologie sociale des normes et des modèles.» L’Afrique n’a rien à envier en termes de normes aux autres continents. Et des repères, elle est pleine. Mais où sont-ils aujourd’hui ?

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Nous estimons qu’il est nécessaire, pour ne pas dire urgent, de revisiter l’école traditionnelle de la terre mère. L’éducation traditionnelle dans sa pureté, dans sa limpidité est une issue indispensable à cette crise des valeurs. D’ailleurs, nos repères et à leur tête le Président-poète, Léopold Sédar Senghor, ont déjà balisé le chemin. Dans ce «rendez-vous du donner et du recevoir», que donnons-nous ? Des insultes ? Des injures ? Une ouverture vers une autre culture ne peut être effective que si l’on est fortement ancré dans sa tradition. Un «oui» n’a de sens que lorsqu’on a la possibilité de dire «non». C’est cela qui pourra nous aider à retourner sur nos valeurs cardinales avec comme soubassement nos modèles intellectuels, religieux, culturels, entre autres.

Pour cela, il faudrait replacer la famille au cœur de l’éducation de l’enfant. Un enfant n’est que le prolongement de l’éducation familiale qu’il a reçue. En vérité, tout enfant est un ambassadeur plénipotentiaire de toute une famille, de toute une lignée. Vu sous cet angle, chacun doit protéger sa lignée en lui inculquant les valeurs de culture qu’il a reçues de ses parents. Il faut également, que l’image de l’école soit de nouveau rehaussée, et cela passe nécessairement par la revalorisation de l’Enseignant. Sans aucune autorité, il n’arriverait pas au stade où il est. Mais il faudrait aussi que l’exemplarité puisse partir du sommet vers la base. Celui qui est censé symboliser une institution doit développer un leadership de valeurs fondé sur les principes les plus fondamentaux de la culture et de la civilisation africaine.

Dans ce cadre, l’individu devra nécessairement oser une introspection. Mais comme le dit le sociologue Diène : «Je pense qu’il faut que les gens, que chacun du moins fasse une introspection. Cette introspection ne doit pas seulement être attendue de l’administré, mais l’administrateur doit également se remettre en question. J’ai vu quelque part une autorité qui disait être inquiète du niveau d’indiscipline au Sénégal, mais il faut se dire que l’histoire du Sénégal ne se limite pas à l’année 2017, c’est toute une évolution. Maintenant, si les gens vont jusqu’à être allergiques à l’autorité, jusqu’à se permettre un certain écart de langage et certains écarts de conduite vis-à-vis des autorités, si prise de conscience il doit y avoir, si introspection il doit y avoir, cela doit nécessairement être le fruit de tous les segments de la société sénégalaise.» Enfin, il faudrait que chacun incarne dans ses dires comme dans ses actes, le changement auquel il aspire, auquel il prétend et auquel il invite les autres.

 

Idy NIANG

Journaliste

Spécialiste de l’Education

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