Souvent, on ne sait pas par quel bout commencer pour parler de l’hygiène dans notre pays. Même si, cependant, on connaît son importance pour toutes les activités et toutes les initiatives d’amélioration de la santé. Deux circonstances m’ont amené à écrire cette contribution. Il s’agit d’abord d’un débat interne au ministère de la santé porté dans le journal Walf Quotidien du 25 août 2017. L’article s’intitule « le Service national d’hygiène menacé de disparition » par insuffisance d’agents et manque de moyens. L’autre déclic est la position du Professeur Mame Thierno Dieng, nouveau ministre de l’Environnement et du Développement durable qui s’exprimait lors de sa première sortie après sa nomination.
D’abord empruntons quelques définitions pour mieux camper cette contribution.
L’hygiène est un terme qui concerne le nettoyage et la propreté. Dans le cas de l’hygiène environnementale, le concept est associé à la préservation des conditions sanitaires du milieu afin d’éviter qu’il nuise à la santé des personnes. Ceci dit, l’hygiène environnementale implique d’être attentif aux facteurs chimiques, physiques et biologiques externes à la personne. Étant donné qu’il s’agit de facteurs pouvant avoir une incidence importante sur la santé, le but de l’hygiène environnementale est de prévenir les maladies en créant des espaces salubres et favorables à la santé.
Il apparait clairement un lien, une relation de cause à effet entre ce dans quoi nous vivons et comment nous nous sentons. Est-il possible, dans nos conditions de pays qui cherche à se développer, de diminuer les risques sanitaires dus à nous-mêmes ?
Au Sénégal, nous avons un Service national d’hygiène logé au ministère de la Santé et de l’Action sociale et dont la vocation est de mener la lutte préventive contre la maladie à travers la promotion de l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène et un environnement sain.
Le Service national de l’Hygiène a pour missions que lui confère la loi 81-12 du 04 mars 1981 et le décret N°83-028 du 05 janvier 1983 portant application de ladite loi :
• de préparer et de mettre en œuvre la politique de santé, en matière d’hygiène ;
• d’éduquer les populations en matière d’hygiène et de salubrité publique ;
• de faire respecter la législation et la réglementation en matière d’hygiène dans les agglomérations urbaines et en zones rurales ;
• de surveiller les frontières et de contrôler la circulation des personnes en matière d’hygiène sanitaire ;
• de rechercher et de constater des infractions en matière d’hygiène ;
• d’assister les autorités administratives dans le domaine de l’hygiène et de la salubrité publique ;
• de mener la lutte anti-vectorielle et la prophylaxie des maladies endémo-épidémiques.
Il peut, dans la mise en œuvre de sa mission, collaborer avec d’autres secteurs.
L’article de Walf Quotidien relate le manque de moyens logistiques du Snh. Pire, le service risque de disparaître en raison aussi du non renouvellement du personnel vieillissant. Dans les 3 à 4 prochaines années, près de 80% de son personnel cadre va partir à la retraite et le recrutement n’est pas là pour combler les départs. Dans les conditions actuelles donc, plus on aura besoin du Snh, moins il pourra répondre à nos attentes. C’est ce cri de cœur que le Médecin Colonel Moussa Dieng Sarr a lancé lors de la réception d’un lot de matériel et d’équipements offerts par l’Usaid.
En fait, si le service national d’hygiène a toujours été logé au ministère de la santé, la politique de l’hygiène a quelque fois valsé d’un département à l’autre avec une dénomination qui en atteste la mobilité. Déjà en 2003, le ministère était dénommé ministère de la Santé de l’Hygiène et de la Prévention. C’est avec le ministre Issa M’Baye Samb qu’il y a eu le ministère de la Santé de la Prévention et de l’Hygiène publique. La seule fois que l’Hygiène a quitté, c’était pour intégrer le ministère de la Prévention individuelle et Collective sous le magistère du ministre Lamine BA.
Au demeurant, le ministre Issa Mbaye Samb avait pris la mesure de l’ampleur de son mandat en essayant d’articuler de grands travaux nécessaire à une hygiène publique correcte. L’Office national d’assainissement du Sénégal (Onas) a initié de grands travaux pour créer un environnement propice pour aider les populations à gérer les déchets dans une optique pérenne. L’Onas étant une structure du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement qui est née à la réforme du secteur de l’hydraulique en 1996 avec l’éclatement de la Sonees en deux entités (Sones et Onas). Il y eut alors en milieu urbain comme semi urbain des activités qui témoignent d’une volonté politique de bouger, d’un cadre normatif avec une implication définie des acteurs du secteur.
Nous avons même eu, à Dakar, le premier symposium international sur la politique de gestion des boues de vidange dans les pays en développement. La matière fécale est généralement perçue comme répugnante dont il faut se débarrasser discrètement et sa gestion est souvent un sujet tabou, surtout parmi les professionnels de l’assainissement. Ce symposium tenu en 2009 aura donné l’occasion à plusieurs hauts décideurs de discuter ouvertement tous les maillons qui composent la filière de gestion des boues de vidange, c’est-à-dire, la conception des latrines, leur vidange, le transport des boues, le traitement ou la décharge contrôlée et incontrôlée.
Donc même un cadre de concertation a existé, ce qui témoigne d’une volonté d’attaquer ces problèmes complexes mais à sérier et à résoudre. Il y a eu des acquis et nous continuons à en bénéficier. Mais nous n’avons pas atteint le « seuil critique » nécessaire pour qu’un mouvement d’ensemble irréductible soit disponible.
D’ailleurs l’Enquête démographique et de santé continue (EDS-Continue 2016) nous donne des indicateurs et résultats qui montrent qu’il y a encore du chemin à faire. Par exemple, on y précise que l’eau de robinet est disponible dans 53% des logements ou concessions. Que plus de 2 ménages sur 5 disposent de toilettes améliorées non partagées (45%) et que 32% des ménagent utilisent des toilettes non améliorées, dans la majorité des cas des latrines traditionnelles (17%).
Le nouveau ministre de l’environnement Dr Mame Thierno Dieng, précise le triptyque santé-environnement et Odd. Il dit « au plan médical pur, nos pays sont les seuls à avoir deux entités de maladies : les maladies cosmopolites qui sont partout et les maladies qui nous sont propres par le climat tropical, que l’on appelle maladies tropicales. Toutes ces maladies sont liées aux agressions de l’homme sur la nature, l’environnement est aussi médical ». Il s’essaie, à juste titre, sur un terrain qu’il doit nécessairement considérer pour que son travail ait un impact. Il est issu du milieu médical et a vu que l’environnement a une relation de cause à effet sur la santé. L’Oms estime que 20% de charge morbidité sont imputables à l’environnement. Cependant revenu, habitat, vie sociale conditions de travail sont des déterminants de la santé dont les leviers se trouvent dans les politiques d’urbanisme.
Oui il existe un Code de l’environnement mais il est inconnu (si j’ose dire) par quasiment tous. Il est désolant de voir les fosses septiques qui se bouchent par de l’incivilité impunie. On ne réprime pas suffisamment pour restaurer le bon réflexe. Ou que l’éducation de base n’existe pas ou elle est oubliée. Alors chacun y va avec « j’ai le droit de faire ce que je veux, c’est un espace publique ». Un article paru dans le Soleil du 25 août 2017 s’indigne de ces comportements non citoyens et dit que Dakar n’est pas à l’abri d’une épidémie de peste comme à Madagascar actuellement…
Il est clair qu’un département ministériel ne peut pas solutionner, à lui tout seul, la question de l’hygiène d’un point de vue de la santé publique. Une approche pan-gouvernementale (« whole of government approach ») s’avère nécessaire. Ce serait une façon de conjuguer les efforts et de mutualiser les moyens pour augmenter l’impact des interventions. Un cadre programmatique national dans lequel tous les acteurs sont invités à inscrire leurs interventions. On pourrait demander aux ministères et aux organismes d’indiquer dans quelle mesure les activités de programme liées à l’hygiène et à l’environnement s’alignent aux priorités du capital humain de l’axe 2 du Pse. Un cadre de concertation, de planification et de mesure du rendement pourrait être disponible. Sans cloisonnement et complètement au service du mieux-être des populations. Notre pays regorge de planificateurs, d’urbanistes et d’hygiénistes qui gagneraient à travailler ensemble. Toutes nos activités de développement auraient « un visage humain » et viseraient ainsi au confort du citoyen.
J’emprunte à Mame Thierno Dieng ma conclusion : «Il y a de gros efforts d’éducation populaire à faire, pour que les gens eux-mêmes s’approprient le concept d’environnement et de développement durable’’. Et ce travail sera nécessairement collectif.
Dr Fadel Kane
Conseiller Technique
du ministre de la Santé et de l’Action sociale