La mort de la jeune Aïcha Diallo et le témoignage subséquent de sa mère qui perd sa seule fille, ont le mérite de poser, au Sénégal, un débat sérieux auquel personne ne doit se soustraire.
L’offre de soins est défectueuse dans un pays où tout est mercantilisé.
Les structures sanitaires de qualité et le personnel médical sont insuffisants. Les médecins et le personnel soignant sont submergés par des patients qui attendent souvent la dernière minute pour se présenter à l’hôpital dans un contexte de pauvreté où la recherche de la pitance quotidienne est une question de survie.
A cela s’ajoutent le manque d’équipement de nos structures sanitaires, le problème de l’accueil avec un personnel souvent grincheux parce que mal payé.
A cela s’ajoutent aussi des programmes gouvernementaux dont l’application pose aux patients de réels problèmes. On parle de Couverture maladie universelle, de gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans, de plan sésame. Si ce dernier programme fonctionne apparemment mieux, la gratuité des soins pour les enfants est pour beaucoup de Sénégalais une chimère. Ils déboursent pour faire soigner leurs enfants et ne comprennent nullement comment faire pour faire appliquer des programmes chantés à longueur de journée par les autorités étatiques.
A ces programmes s’ajoutent une cherté des médicaments souvent hors de portées des citoyens lambda.
Pratiques mafieuses
Toutefois, toutes ces questions auraient moins d’incidence sur l’offre de soin s’il n’y avait pas dans ce milieu le règne de l’argent-roi. Tout le monde sait que pour être bien soigné au pays de la Téranga, il faut casquer fort. Ceux qui ont les moyens de se faire soigner vont dans les cliniques privées et sont bien pris en charge. Mais ceux qui vont dans les structures sanitaires publics, doivent eux aussi payer d’interminables ordonnances, des frais d’échographie, de radio, etc. Le tout avec une telle assiduité que vous avez l’impression d’entrer dans un engrenage.
Une fois malade, le Sénégalais a le sentiment d’entrer dans un système de mafia où seul l’argent compte. Certains font le tour des hôpitaux sans que personne ne les prennent en charge. Parfois, ce sont même les sapeurs-pompiers qui font le tour de ces centres de santé, le plus souvent durant de longues heures avant de trouver preneur.
Il manque dans nos hôpitaux et structures de santé un esprit civique, le respect du serment d’Hippocrate face à des gens dont le degré d’hypocrisie est parfois égal à celui de simples escrocs. Nous ne disons pas que tous les médecins et le personnel administratif et soignant sont logés à la même enseigne, car nous n’osons pas mettre en doute le professionnalisme de certains qui se sacrifient à longueur de journée pour leurs patients. Mais la réalité est que dans ce milieu, la corruption règne en maître. Malheureusement, tout le monde porte des blouses blanches et les médecins et autres agents qualifiés ne sont pas identifiables par tous. Alors des garçons de salles et autres personnels administratifs s’adonnent à toute sorte de trafics.
Il se pose aussi un problème de formation au niveau de ce personnel et de mise à niveau permanent. Mal formés et peu équipés, certains ne peuvent être que médiocres. Or, il s’agit de la vie des gens. On ne peut pas se permettre de continuer à laisser perdurer un système mafieux dans les hôpitaux et les centres de santé sans que les autorités concernées ne réagissent. On ne le fait déjà avec le personnel de sécurité sur les routes où tout le monde ferme les yeux sur les pratiques en cours. Et si l’Etat fait de même avec la santé des citoyens, il devient complice de la mise à mort de personnes innocentes comme Aïcha Diallo.
Il n’y a rien qui se fait ici sans que les autorités ne le sachent. Ce qui se fait à l’hôpital de Pikine, de Rufisque, de Touba et ailleurs est un secret de polichinelle. Les malades qui y arrivent le savent si bien qu’ils préfèrent même les tradipraticiens et ne recourent à la médecine moderne qu’en dernier ressort. Or, c’est cette tendance que le nouveau Ministre Abdoulaye Diouf Sarr devrait se faire le devoir d’inverser.
Le serment d’hypocrite ne doit pas prendre le dessus sur le serment d’Hippocrate.
Assane Samb