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Réécriture​ ​de​ ​l’histoire​ ​générale​ ​du​ ​sénégal,​ ​enjeux​ ​et​ ​perspectives

Prévu pour couvrir une période de 350 000 ans, le projet de réécriture de l’histoire générale du Sénégal semble parti pour être l’une des initiatives scientifiques les plus en vues de ces prochaines décennies au Sénégal. La communauté scientifique en charge du projet est conduite par l’éminent professeur Iba Der Thiam qui en est de même l’initiateur.

Selon le professeur Thiam, l’objectif majeur dudit projet, est de doter le peuple sénégalais “d’une mémoire collective, consensuelle lui permettant de mieux se connaître, de mieux s’enraciner, de mieux se comprendre, de cultiver l’unité, la solidarité, le respect mutuel, la tolérance, la justice pour tous, la paix, la concorde, la démocratie et la coexistence pacifique et la compréhension mutuelle de tous les fils et filles de la nation, dans le respect de la loi, de l’ordre, du bien public, de la discipline et de l’autorité légalement constituée”

Composé d’universitaires et de traditionalistes le comité scientifique s’inscrit, toujours selon son coordonnateur, “dans une démarche inclusive et une approche participative voire consensuelle vers toutes les couches sociales, toutes les communautés culturelles, toutes les dynamiques intellectuelles, les diverses sensibilités et identités, avec toute la rigueur scientifique requise” .

Aujourd’hui on est tenté, au-delà du discours théorique, de voir dans la réécriture de l’histoire générale du Sénégal l’incarnation d’une vision et d’une ambition profondes, qui consistent à jeter les bases d’un nouveau départ pour notre pays. Dans un contexte de mondialisation furieuse et d’universalisation incontrôlée, c’est un projet qui présente des atouts majeurs.

La connaissance et l’exposé des événements du passé du Sénégal, ainsi que des faits relatifs à l’évolution de la société sénégalaise et qui sont dignes de mémoire, est d’une importance capitale. La réécriture de l’histoire générale du Sénégal participe ainsi d’un effort collectif de compréhension de la réalité de la société sénégalaise, mais aussi de grande intelligence quant à son articulation. La finalité d’une telle démarche réside dans une meilleure connaissance du peuple sénégalais, de ses différentes réalisations bonnes ou mauvaises, mais aussi de la genèse de sa culture. Il s’agit dans un monde de plus en plus captivant, mais aussi de plus en plus éclaté, et à travers le fait historique, de répondre à l’urgence de fournir aux sénégalaises et sénégalais, des repères identitaires rassurants sans pour autant être étouffants. Réécrire l’histoire générale du Sénégal est essentielle si l’on considère que le passé a accouché du présent, et que ce passé coule dans nos veines sans que nous ne puissions rien y faire, autant que le sang qui nous maintient en vie.

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Il demeure toutefois essentiel d’attirer l’attention des spécialistes de l’éducation, qui auront notamment la charge de veiller à la transmission scolaire de l’histoire, mais aussi de l’ensemble des acteurs du milieu scolaire, sur l’importance des fonctions sociales en particulier, qu’assume l’enseignement de l’histoire. La réécriture de l’histoire générale du Sénégal fera nécessairement appel à une propagation didactique soutenue en milieu scolaire. Cependant une telle initiative pédagogique doit à tout prix contourner toutes les velléités nationalistes qui s’accommodent mal de l’esprit critique. Il faudra éviter le piège du “récit national” si cher aux rigoristes et autres superpatriotes. Le recours à ce type de discours participe d’une instrumentalisation qui fait violence à l’histoire.

En effet l’enseignement de l’histoire dans nos écoles passe par les manuels scolaires et doit, de ce fait, s’évertuer à démontrer que l’histoire du Sénégal est multiculturelle. C’est celle de toutes les composantes de la nation. D’ailleurs son enseignement ne doit pas viser exclusivement à susciter la fierté nationale. Il doit aussi pouvoir refléter une prime au contemporain, en mettant ainsi à la disposition des élèves des outils critiques, pouvant permettre à ces derniers d’arriver librement à une construction personnelle de l’histoire de leur pays. En vérité rien ne saurait légitimer l’existence d’un récit national, qui serait le seul bon et qu’il faudrait savoir ou qui vous donnerait 20/20, car ce serait promouvoir le repli sur soi ainsi que l’idée fantasque d’une vision unique du Sénégal. La transmission scolaire de l’histoire générale du Sénégal, pour être fidèle, devra donc nécessairement combattre toutes les obsessions, celles des origines, celles de l’unité nationale, mais aussi celles de l’amour du pays.

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Abdourahmane BABOU

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