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La Marchandisation De L’école : Quels Regards ?

Les termes marchandisation, privatisation et clientélisation sont des concepts de plus en plus usités dans l’échiquier scolaire, des mots de plus en plus présents dans le lexique des «acteurs-promoteurs» d’une certaine éducation dite de qualité dans son processus d’installation chez l’apprenant des savoirs théoriques, une manière d’être exemplaire et des compétences recherchées et utiles dans la vie courante. En effet, «business-school» prend tout son sens non pas en tant qu’école de commerce, mais en tant qu’entreprise commerciale qui entraîne ses maux inhérents à la libéralisation des offres éducatives portées par des non professionnels et «pics-sous» du secteur de l’éducation et de la formation.

Les parents ou «clients-élèves» parce qu’en devoir de payer la lourde facture subissent les contrecoups de ce phénomène grandissant, au rythme exponentiel et non suffisamment contrôlé par les pouvoirs publics.

A l’origine, ces vocables d’épiciers n’étaient présents qu’au marché, dans les bazars et souks. On assiste impuissant à une «baolbaolisation» de l’école sénégalaise. En effet, l’argent est dans un tel paradigme au cœur de tout et détermine les conduites et l’ensemble des schémas. Seuls les enfants des riches ou de la classe moyenne inscrits dans le privé ont ainsi le privilège de subir un quantum horaire plein, de bénéficier des meilleurs enseignements, de ne pas souffrir de l’absentéisme de certains enseignants

L’enfant du pauvre «gorgorlou» est appelé dans ce contexte à perpétuer dans la plus part des cas, sauf exception, les caractéristiques de sa famille misérable ; inscrit dans l’école publique, c’est-à-dire l’école de tous, il a plus de chance d’échouer que de réussir. En effet, au regard des conditions d’études, classe pléthorique, abris provisoires, distances longues à parcourir pour aller à l’école, insuffisance de cantines scolaires, inscriptions onéreuses, grèves cycliques des enseignants et même des inspecteurs, démarrage tardif des cours, fermeture anticipée des écoles, environnement de travail désagréable lié aux conflits permanents entre chefs d’établissement et leurs adjoints ou élèves et professeurs, très faibles budgets alloués aux écoles, comité de gestion de l’école peu fonctionnel, défaut de bibliothèque et/ou de salle de documentation en informatique…la réussite de nos potaches relève du miracle.

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L’éducation publique, administrée par des agents qui incarnent l’Etat dans toute sa puissance, devient par extraordinaire la moins performante comparée aux produits issus de l’enseignement privé destiné à des clients au pouvoir d’achat sélect.

L’école publique n’est plus cet ascenseur social qui permettait à l’apprenant issu de parents pauvres «badoolas» de se hisser, grâce à la qualité des activités d’enseignements-apprentissages, au dévouement des formateurs convaincus et motivés, à l’Etat qui prenait presque tout en charge (fournitures scolaires…), au sommet de la hiérarchie sociale.

«La démocratisation de l’accès à une éducation de qualité pour tous» est encore un horizon assez lointain. En effet, même dans l’école publique, l’éducation reste chère, coûte énormément aux pauvres populations confrontées surtout à des problèmes de survie. Les inscriptions coûtent cher ; d’où l’exclusion intolérable de plus d’un million cinq cent enfants qui sont en marge du système. L’abolition des frais de scolarité est une voie indiquée pour plus d’inclusion sociale.

La pauvreté est le grand mal de l’humanité, elle déshumanise et porte atteinte à la dignité de l’homme en tant qu’étant la plus noble de toutes les créatures. Il est incontestable que l’éducation est l’arme la plus puissante pour transformer le monde, c’est le levier le plus important pour lutter contre le mal être et la pauvreté. Comme telle, l’éducation est un droit pour tous, garanti du reste par notre Constitution en son article 8, elle doit en conséquence être à la portée de tous.

La privatisation de l’école est liée à un désengagement de l’Etat qui confie ses prérogatives et responsabilités à des particuliers qui ne sont pas forcément mus par l’intérêt majeur et supérieur de la Nation ; ils sont souvent guidés par l’appât du gain, ils voient l’éducation comme un marché, comme une marchandise négociable.

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Dans ces conditions, l’Etat doit rester fort et mener un contrôle systématique a priori et a posteriori, assainir le secteur de l’éducation en global et celui de l’enseignement privé en particulier. Il devra contrôler les curricula, le niveau de qualification des tenants de ces établissements, le niveau de formation des intervenants dans les classes, vérifier les conditions d’études et de l’environnement scolaire, agir sur les coûts pour justifier la subvention qu’il leur accorde en tant que structures qui participent aux efforts d’éducation et de formation des enfants de ce pays.

La commercialisation des savoirs ne doit pas être généralisée, mais elle doit être une exception pour plus d’équité et de justice sociale. L’Etat, garant des intérêts collectifs, doit investir encore davantage dans le secteur de l’éducation pour qu’il n’y ait pas d’incuries susceptibles d’être exploitées par des «affairistes du savoir».

 

Thierno Abasse DIALLO

Sg Coalition Education Pour Tous /IDAY Sénégal

coalitioneptiday@yahoo.fr

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