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De La Francofolie à La Francophobie : Délires Et Réalités ?

De La Francofolie à La Francophobie : Délires  Et Réalités ?

Avez-vous remarqué comme moi que ces derniers temps, dans beaucoup de milieux politiques, sociaux, culturels et autres, il n’est question que de «faire la  guerre à la France» sous toutes les latitudes et à tous les temps… avec des cris de guerre récurrents du genre : «Il faut quitter le franc Cfa» par-ci, «il faut rompre avec la France» par-là , «il faut prendre notre indépendance» par là-bas etc. Tout y passe pour sonner l’hallali et chacun y va de son refrain francophobe… à qui mieux, mieux.

Et le hasard faisant bien ou mal les choses c’est selon, la période anti France coïncide avec l’anniversaire de la mort de Thomas Sankara, présenté comme un messie de l’Afrique libérée.

Sur ce chapitre d’ailleurs et au risque de me mettre à dos les thuriféraires du défunt Président du BF, je retiens simplement qu’au-delà de toute la déification qu’on veut créer autour de son personnage, il ne faut pas occulter qu’il a pris le pouvoir par un coup d’Etat militaire. C’est-à-dire par les armes. Ce qui n’est pas, quoi qu’on puisse en dire, la meilleure manière d’accéder au pouvoir si elle n’est pas la pire. Et l’adage nous apprend que «qui règne par l’épée périra par l’épée» Cqfd…Paix à son âme…

Cela dit, comme il est loisible à tout un chacun de dire ce qu’il pense des relations multiséculaires entre l’Afrique et la France, permettez que je vous livre ci-après le fond de ma pensée sur la question.

Pouvons-nous vraiment nous passer de la France ? La France peut-elle vraiment se passer de l’Afrique ? Telles sont, à mon avis, les deux questions fondamentales qui méritent d’être posées en toute responsabilité et en toute lucidité.

Je ne suis pas partisan d’un psittacisme nihiliste qui me ferait hurler avec la meute pour paraître «révolutionnaire» et «progressiste». Il ne sert à rien de vouer aux gémonies les relations avec la France au motif trop léger que «ça suffit». Qu’est-ce qui suffit ?

On ne nous le dit pas de manière scientifique, irréfutable, juste des incantations oiseuses sans véritable consistance qui s’apparentent plus à des crises d’urticaire d’une dermatose tenace.

Voyons les choses plus froidement !

La France, on l’aura beau critiquer, honnir, détester, sera toujours en Afrique parce qu’elle fait partie de l’Afrique… Eh oui !

Elle (la France) a compris très tôt ce que l’Afrique peut lui apporter et elle s’est organisée en conséquence.

En nous colonisant d’abord pendant quatre cent ans, beaucoup plus, diront certains historiens. L’esclavage devenu abject, elle nous a colonisés durant cinquante ans. La colonisation devenue honnie avec les effets des guerres mondiales et la concurrence des grandes puissances, elle nous a «décolonisés» à sa façon, en continuant à nous encadrer dans tout ce que nous faisons avec l’aide ou la complicité de nos élites. Qui aujourd’hui essuient les critiques, voire les insultes les plus infamantes des nouveaux «preux chevaliers» autoproclamés de la «libération» de l’Afrique. Sans chercher à les absoudre, pouvaient-elles vraiment faire autrement, ces élites africaines ? Pauvres, sous-développées, sous-équipées, obligées de se former en France, c’est-à-dire accepter d’être «marinées dans la sauce française», que pouvaient véritablement faire nos élites-là ? Il est commode de leur jeter l’opprobre, mais il s’agit aussi d’essayer de comprendre leurs positions et les circonstances qui ont présidé à leurs contacts avec le maître français pour mieux apprécier leurs attitudes et conduites vis-à-vis du Blanc.

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Avec leurs armes désuètes listées supra, ils ont cherché à «tirer leur épingle» du jeu des relations avec la France avec plus ou moins de bonheur selon les pays et les leaders de l’époque. Une relation étant toujours un rapport de force, il appartenait à leurs successeurs ou héritiers de se donner les moyens de rééquilibrer, autant que faire se peut, ces rapports politiques, économiques, financiers, sociaux et culturels avec la France. Est-ce que cela a été fait ? That is the question…

Plus de cinquante ans après les «indépendances octroyées», nous en sommes toujours à vociférer contre la France quand ça ne va pas … Et qu’avons-nous fait pour nous libérer de la France ? Rien ! Absolument rien !

Nous nous sommes plutôt complus dans le mauvais «copier-coller» de la France dans tous les aspects de notre vie sociale, politique, monétaire, économique etc. Nous n’avons rien créé, rien mis en place qui nous soit proprement propre… Rien.

Nous clonons la France en tout… Et en mauvais clonage en plus.

Dans l’habillement : beaucoup de ceux et celles qui s’égosillent aujourd’hui contre la France n’ont aucun habit africain. Pas de boubou, pas de pagne, pas de camisole en indigo, ou «legos» ou wax dans leur garde-robes, rien que des chemises Yves Saint Laurent, costumes Cerruti, cravates Dolce et Gabbanna, pantalons Hermès, souliers Vidal, robes H&M, bas, jarretelles etc.

Dans l’organisation sociétale : les nouveaux Africains parvenus mangent à table et beaucoup abandonnent jusqu’aux plats africains comme les mafé, soupe kandja, ndolé, foufou, borokhé au profit de crudités, de plats «exquis» français genre : tête de veau à la vinaigrette arrosé de vin blanc, cuisse de grenouille à l’ail, fricassée de viande à la sauce bolognaise et j’en passe…

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Dans la formation et la culture : nous étudions en France et assimilons toutes les théories françaises qu’on nous inculque et nous les reproduisons tel quel sans discernement dans nos pratiques professionnelles. Nos sociologues jugent nos sociétés avec des œillères françaises, nos avocats plaident avec des argumentaires français, nos philosophes font du sophisme à la française et toutes les références culturelles déclamées sont d’essence française et européenne. «Socrate a dit», «Voltaire a écrit», «Rousseau a prédit», «comme disait Hugo», «pour parler comme Marx» etc. rek. A croire que l’Afrique n’a pas produit de grands penseurs.

Dans la politique : notre organisation de l’Etat est copiée sur le modèle français.

Même dans nos parlers entre africains, on préfère parler français plutôt que la langue du voisin…

etc. etc.

Avec tout çà là, pensez-vous être en mesure de vous débarrasser de la France ? Quelle utopie, ou mieux quelle hypocrisie qui cache mal une véritable escroquerie.

Oui ! Une belle escroquerie, quand on sait que ces zélotes de circonstance qui nous demandent de rompre avec la France sont pour la plupart des privilégiés de la France. Ils vivent souvent en France, travaillent en France (le salaire en euros étant plus consistant), ont la nationalité française et le passeport qui va avec (ça ouvre bien des portes), parlent français plus que leur langue africaine à leur progéniture, etc. Mais de qui se moque-t-on ?

Au vrai, je soupçonne certains de ces activistes de circonstance d’être des séides de la France pour nous jouer encore quelque nouvelle entourloupe à nous, simples Africains qui avons la naïveté de croire à leurs slogans factices.

Etre avec la France n’est pas une malédiction, il faut simplement savoir en tirer le maximum de profits pour nos pays. En quoi faisant ? En se dotant d’armes dont la moindre n’est pas l’acquisition de connaissances pointues dans tous les grands domaines techniques, économiques, politiques et organisationnels, arrimée à un patriotisme ardent qui nous fait terriblement défaut à nous Africains.

Les premières élites africaines qu’on décrie tant ont pourtant cherché à former autant que faire se peut les cadres africains de demain en les inscrivant en masse avec des bourses nationales dans les grandes écoles de formation supérieure de l’Europe et du monde avec l’espoir de les voir prendre avec succès la relève des toubabs en Afrique. Résultats des courses ? Les 90% de nos cadres africains ont préféré, pour des raisons bassement mercantiles, rester et vivre en Europe et dans les autres pays d’études, plutôt que de retourner développer leur pays. A ce jour, la tendance reste maintenue.

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Comment pouvons-nous prétendre au développement si ceux qui sont formés pour devenir les porte-étendards ont préféré le pécule à la patrie ?

Plus de cinquante ans de souveraineté nationale et nous avons toujours besoin de coopérants et conseillers techniques français dans diverses structures de nos pays. Parce que les fils du pays bien formés ne veulent pas rentrer travailler pour la mère patrie. Aberrant et honteux !

On n’aura jamais d’hôpital performant tant que les en haut d’en haut et les nouveaux riches africains continuent toujours à se faire soigner en France plutôt que d’équiper les structures sanitaires de leur pays.

On n’aura pas de patriotes aimant viscéralement leur pays tant que les citoyens africains aisés continueront à faire accoucher leurs épouses en Occident pour assurer à leur progéniture la nationalité étrangère. Hélas, ils son tellement légion en Afrique et la pratique prend de plus en plus d’ampleur. Triste…

On n’aura jamais de développement tant qu’on se refuse à consommer nos produits locaux sur le plan alimentaire comme sur le plan artisanal (meubles-maroquinerie-habillement etc.).

Bref, l’Afrique ne pourra jamais prendre son envol dans le concert des Nations tant que les Africains eux-mêmes n’auront pas la culture de la solidarité et de la considération entre eux.

Pour tout cela, est-ce vraiment la faute à la France ?

Il faut accepter de voir en face nos propres tares et chercher à leur trouver des solutions à l’africaine plutôt que de vouloir toujours incriminer la France en tout ce qui est mauvais chez nous.

Et pour terminer, être sous tutelle n’est pas toujours synonyme de brimades, de déshonneur ou de servitude. Toutes proportions gardées, la Corée du Sud, Israël et même le Japon sont ou ont été sous tutelle américaine. Est-ce que cela les a amenés à perdre leur âme ? Non… Ils ont su tirer profit de cette tutelle pour travailler, encore travailler, toujours travailler, beaucoup travailler et bien travailler pour se développer et se faire respecter par leur ancien tuteur avec leur patriotisme en bandoulière.

Faisons comme eux, aimons notre pays, travaillons plus et râlons moins, c’est la voie royale vers le développement et la véritable souveraineté !

Quitter la maison du père pour aller dormir dehors sous prétexte que le pater impose des règles de conduite qui ne nous agréent pas n’est pas responsable !

C’est de la folie tout simplement…

Que Dieu garde le Sénégal et l’Afrique des aventuriers de toutes sortes !

 

Guimba KONATE

Dakar

guimba.konate@gmail.com

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