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Des Tentatives De Manipulations Constitutionnelles En Afrique Francophone

L’idée de manipulation induit en elle-même l’usage néfaste fait de la norme constitutionnelle. « Jouer avec les mains » le contrat social d’un Etat, est pourtant une chose assez commune dans tous les régimes constitutionnels. Après tout, il n’a jamais été prétendu qu’une constitution devait être immuable.

Son adaptation est nécessaire à l’évolution de la société qu’elle est censée régir. Mais l’idée de manipulation sous-tend une utilisation orientée de la Constitution au profit des intérêts de certains. La chose constitutionnelle est devenue affaire de spécialistes. Ceci est d’autant plus vrai depuis la victoire idéologique (temporaire) des normativistes chez les juristes.

 La Constitution, utilisée dans un sens générique, est devenue une somme de normes, de techniques. Cet état de fait est renforcé par l’émergence, et la généralisation de la notion d’Etat de droit. Comme l’écrivait si justement J. Chevallier « Tout Etat qui se respecte est désormais tenu de se présenter sous l’aspect avenant, de se parer des couleurs chatoyantes de l’Etat de droit, qui apparaît comme un label nécessaire sur le plan international ».

La Constitution se trouvant au sommet de la hiérarchie des normes, sa complexité, sa précision ou au contraire ses flous vont permettre au juriste, constitutionnaliste, de s’épanouir… Or, en tant que somme de techniques juridiques, elle peut aisément faire l’objet de manipulation, nous préférerions parler de « cogipulations », c’est-à-dire, littéralement conduire avec l’esprit.

Le juriste constitutionnaliste (mais il n’est pas le seul) peut, dès lors, tout à fait « s’amuser » avec la Constitution en fonction des désidératas du commanditaire. « Dis-moi ce que tu veux, je te dirai comment y parvenir ! ». Cette perversion du droit constitutionnel n’est pas spécifiquement africaine, mais elle est largement utilisée en Afrique et plus particulièrement en Afrique francophone. Le coup d’Etat constitutionnel recouvre quant à lui une réalité assez récente. Il ne doit pas être, selon nous, confondu avec les changements anticonstitutionnels de pouvoir.

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 En effet, il ne constitue qu’une des modalités, que l’on pourrait qualifier de « raffinée », de ces derniers. Le coup d’Etat classique est celui mené afin de renverser l’ordre constitutionnel existant, le coup d’Etat constitutionnel est celui mené par un des organes de l’ordre constitutionnel existant (l’exécutif) afin de modifier ce dernier. Cela étant, dans les ordres juridiques d’Afrique Francophone, ce coup d’Etat constitutionnel ne peut avoir lieu qu’avec la complicité d’autres organes de l’ordre constitutionnel existant, et le plus souvent les cours constitutionnelles. Quelque soit le nom donné à ces dernières, les ordres constitutionnels internes leur ont donné les voies et moyens juridiques de pouvoir accepter ou non les modifications constitutionnelles souhaitées par l’exécutif. Or rares sont celles ayant exercé ce pouvoir de refus.

Dès lors face à cette réalité, plusieurs réactions sont possibles : soit tenter par la précision, par l’anticipation, de se prémunir des coups d’Etat constitutionnels en tentant de « verrouiller » un maximum les Constitutions afin d’éviter que l’exécutif (car c’est de lui qu’il s’agit) ne manipule la Constitution ; soit s’interroger sur la norme constitutionnelle elle-même qui permet ce genre de manipulation

Alpha Waly DIALLO, spécialiste des relations internationales







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