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Du Corridor Aux Cloisons De La Biennale : Sortez « Dak’art » De Son Corset !

Le comité d’organisation de la 13e édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art, 2018) a donné une conférence de presse présidée par M. Abdou Latif Coulibaly, ministre de la Culture, à la date du lundi 30 octobre 2017, à Dakar. Depuis que cette Biennale existe, il en est ainsi. Une stratégie cloisonnée qui renvoie à une sorte de routine.

Aujourd’hui, si cette Biennale est véritablement africaine elle doit s’engager vers la conquête d’autres horizons. Cette belle cérémonie de lancement d’une 13e édition, aurait pu se dérouler dans n’importe quel autre pays africain ou un pays invité d’honneur. « Dakart » y gagnerait en visibilité et en crédibilité. Il faut décloisonner « Dakart » et exporter son image comme une valeur référentielle dans son domaine. C’est un pari à oser.

Pour les multiples questions posées et les éclairages apportés de part et d’autre au cours de cette rencontre, je reste cloué par un sentiment fort qui me presse la gorge… Un cri du cœur. Nous pouvons certainement engager certaines réformes, qui coûtent peu et qui rapportent gros. Il faudra juste une bonne organisation pour y arriver. Il faut sortir cette Biennale de sa « cloison » ! Il est urgent de tirer « Dak’art » vers le sommet, à tous les niveaux, et il reste encore des choses importantes à faire. Il ne faut rien attendre de plus, le temps file. Dakar a 27 ans…

Le président Macky Sall a décidé, en 2016, d’accorder une rallonge budgétaire de 500 millions de Fcfa pour accompagner chacune des éditions de la Biennale de Dakar. C’est une excellente décision à saluer. Toutefois, il reste encore du travail à faire pour hisser « Dak’art » vers le sommet. Ce travail est lié à des défis administratifs et de management qui interpellent la tutelle. En plus des subventions financières ou matérielles des partenaires de la Biennale, ce budget est assez suffisant pour aller au-delà du niveau actuel. Au regard de la réalité des choses, cette manifestation est devenue africaine. Ce qui nécessite une contribution financière d’autres États africains. Avec une gestion rigoureuse et efficiente, il est possible de changer le visage de cette Biennale de Dakar pour en faire un véritable levier économique et culturel.

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Mais en premier, il faut se décider pour sortir « Dak’art » de son corridor ! De son corset ! Au sens propre comme au sens figuré, cette Biennale fait mine d’évoluer dans des cloisons. Depuis 27 ans, la Biennale de Dakar a ses locaux administratifs dans un petit espace, semblable à un appartement, logé au premier étage d’un vieil immeuble du centre-ville. Pour bien commencer, il faut doter cette Biennale de locaux adaptés et fonctionnels. C’est extrêmement important.

En pleine édition d’une Biennale internationale de cette trempe, je ne peux plus compter le nombre de fois où l’équipe éditoriale du quotidien d’informations de la Biennale de Dakar devait poireauter, des heures durant, pour attendre le retour de l’électricité suite à un délestage dans le secteur. À l’époque, il n’y avait ni groupe électrogène ni une autre alternative. Cette Biennale mérite mieux que ces bricolages et ces improvisations, devenues répétitives.

Naitre, exister, et vivre continuellement dans ce « corridor » empêche « Dak’art » de grandir et d’être ambitieux à l’instar des autres grandes Biennales à travers le monde. Il faudra lui trouver un espace digne de son rang. « Dakart » ne peut pas être la vitrine de ce qui se fait de mieux dans l’art contemporain africain est être aussi mal loti…depuis 27 ans ! De grâce, sortez la Biennale de cette cloison !

Toujours, sous ce registre administratif le statut du Secrétaire général de la Biennale de Dakar reste problématique. Nommé par arrêté ministériel, le SG est cloisonné à la fonction de chef de service. Pour être clair dans mes propos, il ne s’agit point d’une affaire de personnes ou d’individus mais de statut. Qu’importe le prénom et nom de la personne qui occupe ce titre ! À travers ce qu’il représente aux yeux de ses pairs, surtout à l’étranger, le titre de « SG de la Biennale de Dakar » mérite un meilleur statut avec certaines prérogatives acquises. Sortez le Secrétariat général de cette cloison, en attendant de trouver la bonne formule pour une réforme administrative encore plus efficiente…

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Mon regard sur cette Biennale est certes celui d’un passionné d’arts visuels, d’activiste, etc, mais j’essaye tant bien que mal de porter cette introspection par rapport à ce qui se fait de mieux ailleurs. Mon premier contact avec la Biennale de Dakar date de 1998, en tant que stagiaire. Et depuis 27 ans, j’ai l’impression que le « Dakart artistique » essaye d’avancer tant bien que mal tandis que le « Dakart administratif » n’évolue que très faiblement. Pour avoir visité bon nombre de structures artistiques (Musées, Foires d’art contemporain, Biennales, etc ) en Afrique et à travers l’Europe, je peux vous assurez que le statut administratif de cette Biennale a besoin d’être réformé et valorisé à l’instar de ce qui se fait de mieux à travers le monde.

Le projet du « Dakart » ne devrait pas, et ne peut pas, se limiter au ronronnement évènementiel. À chaque édition, lorsque des artistes assurent avec brio la partition de produire des œuvres et de combler cet événement la suite logique est presque étouffée, cloisonnée. Dans plusieurs axes, un déséquilibre administratif perdure. Pour les œuvres acquises, il est temps d’apporter des solutions viables pour la collecte et la conservation de toutes ces œuvres primées depuis 27 ans… Que sont-elles devenues ?

De même, il est temps de bâtir un projet éditorial pertinent et viable pour que « Dakart » dispose d’outils de diffusions médiatiques adaptés à une Biennale qui représente l’art africain contemporain.

Dans un passé récent, l’excellente initiative lancée par l’ancien SG, M Ousseynou Wade, avec la création de la revue « Afrik’arts » n’a pu s’inscrire dans la continuité faute de moyens et de ressources suffisantes. En partenariat avec des Musées, galeries et foires internationales d’art, il est temps de valoriser toutes ces œuvres et produits dérivés qui constituent un important vecteur de diffusion pour les arts africains contemporains. Il est temps d’établir des partenariats dynamiques avec des Universités, centres de recherche, écoles d’arts, en Afrique et ailleurs à travers le monde.

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La vie du projet politique nommé « Dakart » ne peut pas se confiner à la périodicité événementielle d’une Biennale ! La production de sens doit être au cœur de son projet scientifique, avec l’apport des artistes et des théoriciens de l’art. Sinon, elle sera une coquille vide… Tant que ce positionnement est négligé, nous continuerons à subir ce diktat existentiel qui fait qu’aujourd’hui les espaces de reconnaissance, de légitimation et de validation de « ce qui se fait de mieux » dans l’art africain contemporain se décide ailleurs qu’en Afrique.

Dans le processus de toutes les fabrications porteuses « de sens », le travail pour la conservation d’une mémoire historique est aussi important. Sous ce chapitre, il y a urgence pour reconsidérer les dispositions techniques et pratiques d’archivage, de sauvegarde, et de classement des productions du « Dakart ». Aujourd’hui il est difficile d’établir la portée économique et symbolique de cette Biennale de Dakar parce que nous sommes incapables de déterminer avec précision le nombre de visiteurs, d’artistes participants, de galeristes, d’œuvres vendues dans les activités « Off », et tant d’autres éléments importants pour des interprétations scientifiques crédibles.

Si le comité d’orientation joue bien sa partition depuis toujours, en partenariat avec les différents directeurs artistiques de toutes les éditions de la Biennale, il est urgent et nécessaire aujourd’hui d’évaluer et d’améliorer ce travail par la création d’un comité scientifique permanent. Ce dernier doit véritablement se libérer de l’emprise des fonctionnaires de la tutelle. Il doit être composé d’experts de la société civile artistique, d’universitaires spécialistes, et de professionnels expérimentés et s’impliquer dans la conception et la réalisation d’un agenda qui va au-delà de la manifestation évènementielle.

La forte impression que j’éprouve est que le « Dakart artistique » est beaucoup trop en avance sur le « Dakart administratif », alors que ces deux entités devaient aller ensemble comme les deux manches d’une paire de ciseaux.

 

Aliou Ndiaye

Critique d’art Intercultural

communication adviser

Email : aliwou@gmail.com

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