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Journalistes Emmêlés Dans Des Conflits D’intérêts

Journalistes Emmêlés Dans Des Conflits D’intérêts

Il ne faudra pas compter sur les reporters sportifs Lamine Samba de la TFM et Malick Thiandoum de la SEN TV, pour donner une information juste, équilibrée, impartiale et équitable sur les ennuis judiciaires du monteur de combats de lutte Luc Nicolaï, condamné à une peine de prison pour une affaire de drogue.

Les deux journalistes, plutôt que de travailler à produire une information équidistante sur cette affaire impliquant un acteur des arènes sénégalaises, se positionnent plutôt en supporters à tout crin de Luc Nicolaï. Qui informera vrai, alors ?

Il y a un conflit d’intérêt manifeste quand des journalistes spécialisés dans le traitement des informations sur la lutte avec frappe sénégalaise, émettent des plaidoyers pour une personnalité de premier ordre de cette discipline sportive, empêtrée dans une affaire judiciaire remontant à octobre 2012.

Le 24 octobre 2017, Luc Nicolaï, jugé en Cour d’Assises, a été condamné à cinq ans de prison dont 1 an avec sursis, en plus de 200 millions de francs qu’il devra verser à Bertrand Touly et à l’hôtel Lamantin Beach, dans une affaire de drogue.

L’ambiance du procès de ce préféré de journalistes et le comportement de certains de ces derniers furent un modèle de connivence qui scandalisa Johnson Mbengue, un journaliste témoin des faits et qui rapporte dans le journal ‘’Rewmi’’, des accointances trop flagrantes pour échapper aux yeux de tout observateur.

‘’Ayant assisté au procès opposant le promoteur de lutte Luc Nicolaï à l’hôtelier Bertrand Touly, j’étais estomaqué par la parodie de comptes-rendus et de reportages d’une certaine presse corporatiste’’, écrit Johnson Mbengue, qui en tira la conclusion que ‘’l’équilibre de l’information a souffert’’.

‘’Un des reporters sportifs d’une télévision privée de la place était chargé d’introduire dans la salle d’audience, les lutteurs venus soutenir Luc, alors qu’il faisait en même temps le direct pour le compte de la radio du même groupe de presse. Aucun organe de presse présent dans la salle, n’a rapporté ce fait inédit’’.

‘’Une des reporters m’a clairement signifié que les amis de Luc veulent gagner la bataille de l’opinion, avec la complicité des journalistes. Attendez-vous à des articles encore partiels, complaisants et subjectifs’’, témoigne encore Mbengue. Ainsi, le procès de Luc Nicolaï fut un moment et une occasion pour ces journalistes, d’étaler leur parti-pris en faveur du ‘’promoteur’’ de combats de lutte.

Personne ne dénie à des journalistes le droit d’avoir des préférences et des amitiés, y compris dans leur domaine de spécialisation. Mais les repères se brouillent quand ces mêmes journalistes affichent leurs propres préférences, les clament publiquement – à l’antenne de leur radio ou télévision, s’il vous plaît ! Sans recul, sans précaution professionnelle !

‘’Des anciens de la rédaction du quotidien ‘’Wal Fadjri’’ que j’ai fréquentés, n’auraient pas accepté que des reporters liés directement ou indirectement à l’une des parties, s’intéressent à de pareils dossiers’’, martèle Johnson Mbengue.

Déjà qu’il y a quelques années, un autre reporter sportif, Bécaye Mbaye de la chaîne de télévision 2STV, a eu à plaider pour que les autorités de l’Etat du Sénégal usent de leurs pouvoirs et capacités d’influence – sur la justice, peut-être – pour que revienne au Sénégal un ancien monteur de combats de lutte, Alioune Petit Mbaye, auto-exilé en France après des ennuis judiciaires consécutifs à des malversations financières au sein de la compagnie aérienne qui l’employait.

Autre exemple : dès la création, en 1999, du Conseil pour le respect de l’éthique et la déontologie (CRED, ancêtre de l’actuel Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias du Sénégal, CORED), Assane Saada Diop, un journaliste de ‘’Wal Fadjri’’, saisit l’instance d’autorégulation d’une plainte contre la promesse de Daouda Faye de céder à l’Association nationale de la presse sportive du Sénégal (ANPS) un bon pourcentage des bénéfices du combat de lutte Tapha Guèye-Mohammed Ndao ‘’Tyson’’ du 6 juillet 1997.

Une plainte visant un conflit d’intérêts constitué par le fait que la presse sportive, portée à traiter toutes les informations sur cet événement, a accepté de recevoir de l’argent issu de cette manifestation lucrative. La préoccupation du plaignant était que si, entre autres éventualités, il y avait une irrégularité dans le montage de ce combat, les membres de l’ANPS pourraient-ils en parler ou la dénoncer dans leurs articles ?

Voilà le type de questions et de situations qui font que le journaliste doit éviter de se trouver au centre de conflits d’intérêt. Surtout quand il en est conscient et accepte cette posture, en parfaite connaissance de cause.

JEAN MEÏSSA DIOP

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