Une certitude : Macky Sall ne redoutait aucunement, ni le pouvoir en soi, ni de l’avoir. En témoignent, d’une part, ses slogans de campagne électorale : «Une gouvernance sobre et vertueuse», «La patrie avant le parti», etc. Et, d’autre part, son programme de gouvernement : Le fameux «Yoonu yokkute» (littéralement, le «chemin du véritable développement»). Maniées avec dextérité par la coalition Macky2012, ces armes entre autres armes politiciennes avaient alors généré chez les militants et les sympathisants de Macky Sall une outrecuidance certaine, tandis que son «Yoonu yokkute» devait supplanter tous les programmes de gouvernement concurrents. Ainsi, en fait de campagne électorale, ce fut une promenade de santé pour Macky Sall.
Qualifié pour le second tour de la présidentielle, puis élu président de la République, Macky Sall va cependant, très vite, se signaler : (i) par une déloyauté sans nom à l’égard de ses compagnons de Macky2012 ; (ii) par des actes appelant et favorisant la transhumance politique de la périphérie (opposition) vers le centre (pouvoir), multipliant à cet effet des alliances contre-nature à lui totalement dédiées ; (iii) et, comble de tout, par le non-respect récurrent de la parole donnée.
Or, le président Macky Sall s’était donné cinq ans pour exécuter son «Yoonu yokkute». Le Conseil constitutionnel lui en donnera sept. C’est peu, mais suffisant pour un président de la République qui promet de s’y déployer, de s’y employer au moyen notamment d’un gouvernement resserré (vingt-cinq ministres, tout au plus), avec des ramifications (agences et autres directions) sensiblement revues à la baisse et ramenées à leur stricte nécessité en termes de management. C’était donc tout un programme de gouvernement que le «Yoonu yokkute», lequel, conjugué aux rigueurs du «problème casamançais», qui n’en est pas moins tout un programme de gouvernement, unique en son genre, donna en l’occurrence du pain sur la planche au président Macky Sall.
Dès lors, comment est-ce possible, pour celui-ci, dans l’exécution de son mandat, de trouver le temps nécessaire pour se préoccuper de l’adversité, supposée ou réelle, au point de devoir s’en occuper en permanence ? Pourquoi d’ailleurs en éprouver simplement le besoin ? Celui précisément de se donner le temps, d’abord d’identifier cette adversité supposée ou réelle, ensuite de la cibler et enfin de la traiter ?
Qui plus est, le président Macky Sall n’a plus que le temps pour lui d’avoir peur de perdre le pouvoir, lui qui ne l’a guère eu, ni redouté à plus forte raison de l’avoir. Pis, le chef de l’Etat ne se rend même plus compte que l’opposition se charge par elle-même de s’affaiblir, de s’autodétruire. Pourquoi donc cet aveuglement, sinon cette cécité, de sa part ? Eh bien, parce qu’il a failli. On le croyait doué en politique, encore que, en l’espèce, il faille entendre cette expression dans sa dimension péjorative, et il s’est révélé un technocrate intellectuellement unijambiste.
Oui, le président Macky Sall a failli, déjà, en s’étant focalisé, obstinément, sur les fameux «conseils des ministres décentralisés», lesquels en constituaient autant de temps que d’argent perdus. Et ce, en plus du rôle de satrape qu’on leur prête indûment, puisque ces derniers n’étaient rien moins que des conseils des ministres centraux, délocalisés à des fins purement politiciennes. Que de promesses inconsidérées avaient alors été faites. Des promesses non-tenues.
Le président Macky Sall a failli ensuite, parce qu’il s’est refusé, encore et toujours obstinément, à confier l’exécution du «Yoonu yokkute» aux experts du «Yoonu yokkute». Quelqu’un ne nous a-t-il pas fait comprendre, sous forme de boutade bien sénégalaise, que le chef de l’Etat s’est interdit de confier la Primature à Jean-Paul Dias, puis l’Assemblée nationale à Jean-Paul Dias, chantre d’entre les chantres du «Yoonu yokkute», précisément parce qu’il s’appelle Jean-Paul Dias ?
Le président Macky Sall a failli enfin, mais la liste n’est pas exhaustive, parce qu’il nous considère, mes ami(e)s et moi, avec le plus grand mépris dans la gestion du «problème casamançais», après nous avoir si inconsidérément plagiés et laissés sur notre faim, avec son «Acte III de la décentralisation». Or, ce ne fut point un hasard, ni un accident, si votre serviteur, tout militant de la 25ème heure qu’il fut, a eu le dangereux privilège de diriger le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Or, le règlement définitif du conflit en Casamance eût été le prétexte par excellence pour offrir un second mandat au président Macky Sall.
Jean-Marie François BIAGUI
Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)
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