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Décryptage Du Discours De Fin D’année Du Président Macky Sall

Décryptage Du Discours De Fin D’année Du Président Macky Sall

La grande énigme de la communication, c’est qu’elle cache plus qu’elle ne révèle, du moins à ceux qui ne savent comprendre les messages que par les mots. Au-delà des mots, le sens se cache derrière des suggestions, des gestes, des regards et des tics. C’est ce qui fait que les chefs d’État font tout pour maîtriser leur image aussi bien dans les instants de discours que dans leur langage corporel de tous les jours.

1. La gestuelle

Ceux qui ont bien suivi Macky Sall lors de son Adresse à la nation, ont certainement dû être frappés par la redondance de sa gestuelle tout au long de son discours : la mimique est restée la même malgré la diversité des thèmes abordés et la différence de leur importance. On aurait coupé le son, et l’image serait d’une monotonie tellement stérile, qu’on aurait l’impression que le Président répétait sans cesse les mêmes phrases. Les spécialistes de la communication  non verbale estiment que seul 7% de la communication passe par les mots. 93% de la communication passerait donc par les canaux de la communication non verbale : le timbre vocal, le débit, les variations de la voix, la gesticulation, le regard, etc. sont des signes tout aussi éloquents que les mots.

La monotonie de la gestuelle du Président révèle au moins une chose : la recherche de la perfection dans l’image (la forme) montre que le fond était très peu convaincant et que le locuteur manquait d’assurance. Comparée à la gestuelle de Macron, celle de Macky ne dégage aucune vie : elle est trop stéréotypée parce qu’elle cherche à cacher un vide et une anxiété. Un chef d’État ne peut pas parler de façon si froide sans susciter le désespoir et l’inquiétude auprès du public. Ce n’est pas en parodiant la sobriété qu’on va forcément donner l’image d’un sobre : la sobriété est une personnalité, ce n’est pas un simple slogan, encore moins un rôle à jouer.

2. Les mots

a) Sur l’économie

Nous pouvons nous réjouir cette année de ne pas avoir à supporter encore le fameux « je suis venu vous annoncer les progrès significatifs… ». Cette formule absurde montre que la communication du Président prend toujours le dessus sur la vraie gouvernance. La preuve est cette année, dans le fait d’évoquer l’exploitation prochaine des ressources naturelles pour booster le taux de croissance et le développement : « Nos performances seront encore meilleures quand l’exploitation prochaine des ressources pétrolières et gazières de notre pays viendra en appoint aux autres secteurs stratégiques pour amplifier la croissance et le développement ».

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Pourtant le Président sait parfaitement que l’exploitation de ces ressources se situe dans un horizon qui dépasse largement le temps de son mandat. Il sait aussi que l’impact de ses ressources dépend de la fluctuation des prix sur le marché international : le cas du Nigéria est assez pertinent pour édifier les plus sceptiques. Macky Sall sait très bien que nous nous rappelons qu’il nous avait promis un taux de croissance de 7 à 10%, sans tenir compte des découvertes ultérieures de pétrole et de gaz.

b) Sur l’unité nationale

Le Président parle sommairement du projet de paix en Casamance et de la nécessité de poursuivre le dialogue, mais il y a une omission grave : dans un tel contexte communicationnel, le bon sens du citoyen voudrait que le Président de la république insiste sur le caractère non négociable de l’intégrité territoriale. Comme il s’agit de négociations secrètes, le peuple a au moins le droit d’être rassuré que quelle que soit la nature des négociations, l’unité du territoire national restera un dogme.

Le discours de fin d’année d’un Président de la république ne peut pas être pauvre au point d’ignorer la diplomatie et surtout, les enjeux panafricains actuels. Or rien n’a été dit sur les thèmes qui tiennent en haleine la société civile africaine : la question du franc CFA, l’esclavage en Libye, etc.

c. Sur l’école et la jeunesse 

Macky Sall prétend que son Ter est le plus grand projet du Sénégal indépendant : je voudrai qu’on m’explique comment un Ter peut-il avoir plus d’impact dans un pays qu’un aéroport comme AIBD ? Cette affirmation du Président est non seulement fausse, mais également dangereuse : quel sera l’impact du Ter dans l’économie sénégalaise ? Quel est son impact dans la lutte contre le chômage et la pauvreté ? Monsieur le Président, savez-vous qu’à l’intérieur du pays nous voyageons par des véhicules qui sont de véritables cercueils roulants ?

Le Président aurait dû s’étonner de voir que, malgré ses dithyrambes sur le PUDC, le PUMA et les autres ingénieries politiciennes, l’émigration sauvage n’a jamais été aussi préoccupante. Où sont les effets de tous ces très grands projets dans l’emploi des jeunes ? Jamais être jeune au Sénégal n’a été aussi angoissant : désœuvrés et désemparés, nos jeunes ne considèrent plus l’école comme la voie de la réussite. Jang Xéewina (les études sont passées de mode !) : c’est la triste prose que notre jeunesse nous propose aujourd’hui.

Le plus grand projet du Sénégal réel, c’est naturellement le désenclavement des régions de l’intérieur : un train Dakar-Ziguichor via Tamba serait la plus grande révolution des moyens de communication dans notre pays. Le plus grand projet du Sénégal, c’est de redonner espoir et goût du travail aux Sénégalais. Le plus grand projet du Sénégal, c’est de faire de sorte qu’on ne puisse plus élire des hommes qui aiment le pouvoir au point de lui sacrifier valeurs et foi. Le seul très grand projet, c’est de travailler à ce que le règne de l’imposture soit définitivement aboli au Sénégal. Un gouvernement qui fait de la lutte contre les abris provisoires une priorité, n’a pas une vision claire de l’éducation de son peuple.

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Nous voulons une politique éducative qui, au-delà des infrastructures, se fixe des objectifs pédagogiques et socio-professionnels précis, planifiés. Nous voulons une école capable de dire : dans ce monde globalisé régi par la norme de l’information et de la communication, il nous faut, à l’horizon 2020, avoir des ingénieurs capables de créer la première voiture entièrement sénégalaise, des ingénieurs informaticiens capables d’accélérer la course vers la maîtrise de la nanotechnologie, des structures informatiques directement en synergie avec la santé, l’école, la recherche scientifique, l’agriculture, etc.

Nous voulons une école bâtie sur un socle culturel à même de prendre en charge les vrais besoins du Sénégalais. On ne tâtonne pas avec l’école, car c’est le cœur d’une nation : sa mort entraîne celle de tout le corps social. C’est ainsi qu’on a aujourd’hui des citoyens qui font de la débrouillardise et de la corruption, le socle de leurs relations. Il nous faut une école capable d’intégrer dans ses programmes, tout le patrimoine culturel de notre pays. Il nous faut, pour commencer, faire de la science la priorité dans toutes les politiques décennales de l’éducation : chaque curriculum doit être assujetti à l’atteinte d’un objectif à cours et moyen terme.

Lionel Jospin a dit que l’école est le berceau de la République, mais il nous faut une école plus audacieuse : notre école devra être le gymnase de la nation. Nous voulons dire par là que l’école qui nous mettra sur les rails du développement, sera une école dont les effets sur les citoyens seront perceptibles en termes d’identité et de personnalité. L’école ne sera vraiment sénégalaise que lorsqu’elle accompagnera le citoyen, quel que soit son âge, toute sa vie durant et dans ses moindres comportements. De même que le Japonais est reconnaissable à travers l’exemplarité de son comportement et sa dignité à toute épreuve, le Sénégalais produit par l’école « révolutionnaire » que nous souhaitons, sera un homme apte à s’insérer dans le tissu socio-économique sans passer par des voies occultes.

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Le virage lyrique que prend le discours du Président lorsqu’il tente d’expliquer son nouveau slogan, est l’ultime preuve que nous sommes dirigés par un homme qui fait du pilotage à vue, la trame de sa gouvernance. Ce slogan montre la fausseté de son fameux programme de bourses de sécurité familiale, car aucune famille bénéficiaire dudit programme n’est installée dans la sécurité depuis son démarrage. Aucune famille n’a été sortie de la précarité depuis que ce programme a été initié : par conséquent, c’est une pitance sans effet sur la vie des populations. Le gouvernement ne permettra jamais à des chercheurs indépendants (sociologues, statisticiens, économistes) d’accéder au fichier des bénéficiaires de ce programme, pour établir de manière scientifique, son impact réel.

Au regard de toutes ces considérations, nous pouvons retenir que le message ultime que délivre le message à la nation du Président Macky Sall est qu’il est dépassé par les défis réels du Sénégal actuel : il n’est pas l’homme de la situation. Que l’on arrête de brandir le CV ou parcours du Président pour valider sa prétendue compétence : être Premier ministre ou ministre de Wade n’est pas chose difficile. Porter 10kg à cheval sur 10 km, ce n’est pas la même chose que porter 10kg à pieds sur la même distance. La tâche la plus difficile d’un Premier ministre de Wade, c’est d’être docile alors que la tâche la plus facile d’un Président, c’est la promptitude face au danger et à l’imprévu.

 

Alassane K. KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

xodia67@hotmail.com

Alassane K. KITANE

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