Le système de rémunération des Agents de l’Etat a connu, à partir de 2004, une très grave dérèglementation, lorsque le gouvernement d’alors, avait choisi d’augmenter les rémunérations par la création et/ou la valorisation d’indemnités existantes, au détriment de la valorisation du Point Indiciaire, sous prétexte de mieux valoriser les compétences.
Pourtant, suite aux revendications des Centrales syndicales, le Point Indiciaire qui était bloqué depuis 1980 à 39,86 francs, a subi à partir de 2004, une augmentation progressive cumulée, de 29%, pour se situer à 51,42 francs, en octobre 2011, soit 171,1 milliards.
Pendant ce temps, les rémunérations d’une certaine catégorie d’Agents de l’Etat bénéficiant d’une forte valorisation d’anciennes indemnités ou primes, ou de création de nouvelles, ont augmenté de 119,7 milliards, sous prétexte d’une prise en compte de la nécessité de valoriser les compétences.
Mais l’impact de cette valorisation sur les performances de ces Agents est jugé, selon les données même de l’Enquête commanditée par le gouvernement sur « la Rémunération des Agents de l’Etat », de « nul ou faible » à 70,5% par les Centrales syndicales, et de 56,9% par les Ministères !
Pis encore, les Centrales y ont estimé à 59% que cet impact n’a pas respecté le « principe d’équité et d’égalité » !
Ainsi, l’option de valorisation des rémunérations des Agents de l’Etat par les « Indemnités et autres primes », là où les Centrales syndicales exigeaient la « valorisation du Point Indiciaire et la baisse de la fiscalité sur les salaires », n’a juste servi qu’à la dérèglementation du système de rémunération des Agents de l’Etat, en faveur d’une certaine catégorie des Agents de l’Etat, sans impact positif sur la performance globale de l’Administration, tout en creusant les inégalités.
Ce déséquilibre entre le montant du « Salaire indiciaire » et celui des « indemnités et primes » a continué de s’accentuer, comme cela est reflété dans le Budget 2015 et 2016.
En effet, en 2015, le montant des « indemnités et primes » de 181,5 milliards, représentaient 1,7 fois la « solde indiciaire » qui se situait à 105,6 milliards, et 37% de la Masse salariale.
De même, en 2016, ce montant a atteint 201,5 milliards représentaient 1,87 fois la « solde indiciaire », et 40% de la Masse salariale.
C’est pourquoi, les revendications des enseignants d’augmentation de « l’indemnité de logement », même de 10% que l’Etat a consenti mais qu’ils jugent insuffisants, va aggraver le déséquilibre du système de rémunération de l’Etat.
Ainsi, c’est pour éviter d’accentuer ce déséquilibre que, conformément aux revendications des centrales syndicales d’augmenter les salaires par le biais de la baisse de la fiscalité sur les salaires, que le gouvernement a eu à les satisfaire depuis 2013, dans le cadre de la Réforme de la fiscalité.
Mais, l’analyse des dépenses de personnel de l’Etat montre qu’il faut distinguer celles qui sont inscrites au titre II, de celles qui sont hors Titre II.
Ainsi, celles qui sont programmées au Titre II pour 2018, et qui concernent les Agents fonctionnaires de l’Etat, sont évaluées à 633 milliards de FCFA contre 586 milliardsde FCFA en 2017, soit une progression de 8%.
Cependant, il convient de souligner que toutes les dépenses de personnel du budget 2018 ne sont pas inscrites au titre II, pour un montant de 633 milliards, représentant28,6% des Recettes fiscales prévues à 2211 milliards, contre un plafond de 35% !
Donc, la rémunération des Agents fonctionnaires ne constitue pas encore le problème de la Masse salariale.
Mais, hors du titre II, les dépenses qui concernent principalement, les Institutions, les Universités, les Corps émergents (volontaires et contractuels), les Agences et autres Entreprises publiques et parapubliques, verseront, en 2018, la somme globale de 227,3 milliards de FCFA de salaires, émoluments, indemnités et traitements divers.
Ce qui porte la rémunération globale dans le secteur public à 860,4 milliards pour l’année 2018, soit 39% des recettes fiscales, largement supérieure à la norme des 35%.
Et cela ne tient pas compte de la masse salariale des collectivités territoriales.
Il y a donc nécessité de réfléchir sur le niveau actuel de la Masse salariale qui nous interpelle tous.
La rémunération des Agents de l’Etat est une dépense tout à fait nécessaire, mais lorsqu’elle atteint certains sommets, ce sont objectivement nos capacités d’action en matière d’investissement ou de transferts sociaux qui sont réduites.
C’est pourquoi, l’exploitation judicieuse de « l’Etude sur le système de rémunération des agents de l’Etat », est nécessaire à travers une large concertation entre les Syndicats des Agents fonctionnaires du Titre II, et les représentants de ceux qui sont hors Titre II.
Ainsi, les Syndicats du secteur public, les Représentants de l’Exécutif, du Législatif, du Judiciaire, du Conseil Economique, Social et Environnemental, du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, des Universités, et des Forces de Sécurité et de Défense, devraient organiser un dialogue national sur les rémunérations, pour aboutir à un consensus le plus large possible sur l’écart entre les salaires et leurs poids sur les recettes fiscales, à déterminer tous tes cinq ans.
Mais pour que ce dialogue national ait un sens, il faudrait avoir à l’esprit, qu’il est impossible d’effacer les inégalités de traitement des travailleurs, qu’ils soient du public ou du privé.
Cependant, il faudrait éviter l’accroissement de ces inégalités par des artifices indemnitaires au bénéfice de certaines catégories qui érigent les intérêts corporatistes au centre des revendications de défense du pouvoir d’achat et d’amélioration des conditions de travail.
La dérive corporatiste dans le mouvement syndical, et dans les organisations professionnelles non syndicales du secteur public, qui a pris de l’essor sous Wade à partir de 2004, est à la base des contradictions intersyndicales qui discréditent les revendications syndicales à travers la surenchère, et de la déréglementation du système de rémunération des Agents de l’Etat, qui est à la base des inégalités de revenu qui leur sont devenues insupportables.
Dès lors, notre secteur public est à la croisée des chemins, pour restaurer son efficacité, et sa crédibilité, et pour développer le sens élevé de l’Etat, de l’éthique et l’équité en son sein et au sein de la population.
D’où un nécessaire sursaut patriotique pour réhabiliter le Service public aux yeux des populations.
Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
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