Le 8 mars 2018 marque le 42ème anniversaire de la Journée internationale de la femme instituée en 1977 par les Nations unies. L’idée du 08 mars est née au début du 20ème siècle en Occident. L’Objectif, à l’époque, était de faire reconnaître le droit des femmes à l’égalité et d’obtenir pour elles le suffrage universel. Cette idée s’est propagée de 1913 à 1917 à travers différents actes concrets de revendication des droits de la femme. Mais, c’est seulement en décembre 1977 que l’Assemblée générale de l’Onu a adopté une résolution proclamant la « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et de la paix internationale ».
Cette importante journée nous donne l’occasion de revisiter les progrès accomplis dans la promotion des droits des femmes et d’évaluer les difficultés auxquelles elles sont encore confrontées. ll nous permet aussi d’explorer les mesures à prendre pour que les femmes et les filles, dans leur diversité, atteignent la pleine promotion de leurs droits et de leur statut.
Cette année, le thème prioritaire du 8 mars porte sur : « Problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural ».
L’EGALITE SOUS l’ANGLE SOCIOLOGIQUE
L’égalité des sexes a alimenté beaucoup de débats depuis fort longtemps. Le terme « égalité des sexes » s’entend très souvent avec des controverses. Il entraine une considération de similarité des sexes, comme en mathématiques quand on dit A = B. De ce fait, la différence devient le revers de l’égalité et, par la même occasion, une connotation complètement négative.
Cette connotation entraîne très souvent la confusion entre égalité de droit, qui est un processus juridique et constitutionnel, et égalité des sexes englobant, entre autres, l’égalité de traitement entre homme et femme, l’égalité de chances ou encore l’égalité de salaire pour un travail égal.
L’égalité des sexes, appelé aussi L’égalité de genre, fait référence à l’absence de discrimination sur la base du sexe, dans la distribution des rôles, des pouvoirs et dans l’accès et le contrôle des opportunités ou dans l’allocation des ressources.
Autrement dit, elle s’oppose tout simplement à l’inégalité de genre, c’est-à-dire aux disparités des conditions de vie des femmes et des hommes.
L’EGALITE SOUS L’ANGLE RELIGIEUX
Au Sénégal, qui est à 90% musulman, au point de vue religieux, nous pouvons nous référer à l’Islam, la dernière des trois religions révélées. Cette religion a libéré la femme de l’oppression et la domination des hommes. Une des 114 sourates du Coran porte le nom de la femme et montre, si besoin en était, la place essentielle qu’elle occupe dans l’Islam.
Il est dit, en substance, dans l’Islam, que la femme et l’homme sont des jumeaux ou comme les deux faces d’une pièce de monnaie, ils sont inséparables, chacun complète l’autre. Dieu, l’Exalté, dit dans le Coran : « Elles sont pour vous des vêtements et vous aussi de même pour eux », c’est-à-dire la femme comble les manquements de l’homme et vice-versa. L’homme qui jouit de ses facultés mentales ne se hasarde jamais à se débarrasser de ses vêtements qui cachent ses parties intimes (***).
En Islam, l’homme et la femme ont les mêmes origines. Et l’Exalté dit : (dans la sourate Annissa (Les femmes)) « Hommes, craignez Dieu qui vous a créé à partir d’un seul être et de cet être tira son conjoint ». A partir de ce verset, nous voyons que la femme est la sœur de l’homme, son compagnon dans la vie et son conjoint. Entre eux, point de supériorité. Ils sont tous les deux égaux et responsables devant Allah.
En droit islamique, la charia renseigne que l’homme et la femme sont égaux et ont les mêmes droits humains. Ils bénéficient tous de la dignité humaine sans tenir compte de leur sexe ni de leur appartenance ethnique ou religieuse. Un tel constat nous fait penser au prophète Mouhamed (Psl) qui disait : « Vous tous, vous êtes issus d’Adam et Adam est issu de la terre ; vous êtes au même pied d’égalité ».
DANS LA REALITE
L’usage récurrent de ce thème sur la femme rurale dénote, s’il en est encore besoin, de la forte prégnance d’une certaine inégalité, de manière générale, entre homme et femme, phénomène d’une grande acuité dont l’universalité et les effets dévastateurs sont identiques dans toutes les sociétés.
Particulièrement, le devenir de la femme et de la petite fille en milieu rural a toujours été une préoccupation majeure de la communauté internationale.
En février (26 et 27) 1992, s’est tenu, à Genève, sous la présidence de la Reine Fabiola de Belgique, le premier sommet sur la promotion économique de la femme rurale sous l’égide des six épouses des Chefs d’Etat de Turquie, d’Egypte, du Niger, de la Colombie, de la Malawi et du Sénégal.
Au cours de ce sommet, soixante-quatre épouses de Chefs d’Etat et de Gouvernement ont adopté une déclaration en faveur de la promotion économique de la femme rurale et se sont engagées à concrétiser les résolutions suivantes pour l’amélioration de la situation des femmes rurales : (I) leur implication à l’identification, la planification, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des programmes du secteur primaire ; (II) l’accès aux services de santé, aux programmes de sécurité sociale, à l’éducation et à la formation, aux crédits agricoles, aux technologies appropriées, aux facteurs de production et de commercialisation ; (III) le traitement égal homme/femme dans les réformes foncières et agraires mais aussi dans les projets d’aménagement et de développement rural ; (IV) l’amélioration de leurs conditions de vie décentes (logement, transport, communication), leur participation effective au développement rural.
C’est suite aux recommandations de cette rencontre que la communauté internationale a décrété la Journée internationale de la femme rurale « le 15 octobre » de chaque année en prélude à la Journée mondiale de l’alimentation.
Le Sénégal a tenu sa première édition en 1997 sous l’égide du ministère de la Femme, en partenariat avec les Organisations de la société civile, les partenaires au développement, les Ong…
Au Sénégal, comme dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, les femmes rurales constituent près de 60 % de la force de production agricole. Elles produisent environ 80 % des denrées alimentaires et jouent aussi un rôle majeur dans le développement économique et social, la paix et la stabilité des zones rurales. Ce, sans que leurs contributions ne soient suffisamment prises en considération.
Le Sénégal compte spécifiquement environ 13 millions d’habitants, dont les 52 % sont des femmes. L’économie du pays est essentiellement basée sur l’agriculture. Les femmes rurales représentent 70% de la force de travail en milieu rural où elles participent presque à 80 % dans la chaîne de valeur (de la production à la commercialisation des produits agricoles).
Au Sénégal, conformément aux engagements internationaux et à la volonté politique des Chefs d’Etat, beaucoup d’opportunités ont été offertes aux femmes et aux jeunes en milieu rural.
Des stratégies ont été dégagées par l’Etat, en collaboration avec les Organisations de la société civile, pour renforcer l’autonomisation des femmes et leur participation dans le développement national.
Le problème de l’accès des femmes à la propriété foncière, sujet de préoccupation mis en avant par les organisations féminines, a été pris en charge théoriquement par l’article 15 de la Constitution en son alinéa 2 : (l’homme et la femme ont également le droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans des conditions fixées par la loi).
Mais, la révolution majeure est intervenue avec la loi n°2010 -11 du 28 mai 2010 sur la parité absolue homme-femme dans les instances totalement et partiellement électives qui permet, entre autres, aux femmes d’être présentes en nombre dans les commissions domaniales d’attribution des terres. Cependant, elles rencontrent de nombreuses difficultés préjudiciables à leur promotion économique, à leur autonomisation de manière spécifique et générale pour toutes les femmes.
Ces contraintes ont pour noms : surcharge de travail ; faible niveau d’éducation et de qualification technique ; insuffisance de l’information et de l’organisation des femmes ; faible niveau des revenus ; faible accès à l’emploi ; difficultés d’accès aux facteurs et moyens de production ; faible rendement des productions agricoles ; pesanteurs socioculturelles ; déficit parfois en eau potable ou éloignement des points d’eau ; faible représentation dans les cultures de rente et les cultures maraîchères ; difficultés d’accès au crédit et à la terre ; commercialisation des produits du fait de l’enclavement, du manque d’infrastructures de conservation, de transformation et d’écoulement.
En effet, les difficultés d’accès aux ressources financières et productives (crédit, terre, intrants…) constituent une véritable entrave aux entreprises des femmes en générales et des femmes rurales en particulier.
Par ailleurs, force est de constater, aujourd’hui, la régression des droits des femmes dans le monde, notamment en Afrique marquée par un contexte de pauvreté extrême, de mal être, de conflits armés récurrents, de changements climatiques avec leurs effets dévastateurs sur l’environnement de vie ou de travail, de migrations volontaires ou irrégulières.
Les femmes sont les premières victimes surtout en termes de violences, de survie sociale et sanitaire de la famille, d’usage du viol comme arme de guerre…
La pauvreté se féminise de jour en jour. Les femmes continuent de mourir en donnant la vie. Les statistiques sur les violences conjugales, les viols et les grossesses augmentent. La migration se féminise de plus en plus. Parmi les terroristes, on trouve de plus en plus de femmes kamikazes, etc.
Les politiques sont en deçà de l’attente des femmes, les lois ne sont pas appliquées ou sont en régression. N’est-il pas temps de changer de paradigmes ?
N’est-il pas temps de s’accorder définitivement sur le sens sociologique de l’égalité des sexes, de l’homme, de la femme, des concepts de genre, du statut de la femme dans l’Islam ?
N’est-il pas temps de s’accorder surtout sur les stratégies économiques et techniques efficientes pour parvenir à l’autonomisation des femmes ?
N’est-il pas temps pour toute action en faveur de la femme de partir systématiquement du niveau local et en fonction de ses besoins ?
En ce début de XXIème siècle, avec l’évolution considérable des Technologies de l’information et de la communication, il est temps que :
• les gouvernants et les gouvernés, de manière consensuelle et participative, portent la femme à sa « juste place », c’est- à-dire à côté de l’homme, ni derrière ni devant ; tout simplement côte à côte, pour le développement effectif de nos pays ;
• la femme soit sensibilisée sur ses droits, ses devoirs mais surtout sur ses opportunités à contribuer efficacement au devenir de son pays.
• de miser sur l’éducation à travers toutes les langues nationales, mais autant en français qui est notre langue officielle et de travail dans l’espace francophone qui s’agrandit.
• qu’on arrive systématiquement à un « learning by doing », mais en partant du terroir.
• de dépasser la théorie ou une certaine timidité dans l’intégration de la dimension genre dans les budgets ministériels. Elle doit être systématique et effective.
• de faire face à cette situation de crise des valeurs, d’insécurité, de xénophobie, d’agir en tissant des réseaux de solidarité pour une action commune en vue de mettre fin à ce lot de contraintes et de souffrances sapant les chances de participation des femmes au développement de nos pays respectifs.
• Au Sénégal, il est temps, conformément au Pse, de rendre effective ce concept si cher à Monsieur le Président de la République : « la territorialisation ».
EN CONCLUSION
Il est incontestable que la volonté politique pour la promotion des droits de la femme existe au Sénégal. Toutefois, notre conviction est que l’effectivité passera par une éducation pour tous et l’intégration systématique de la dimension genre dans les budgets des institutions et aussi par un dispositif systématique de collecte et de traitement des données à l’instar du procédé utilisé pour l’élaboration de l’Indice de développement et des inégalités entre les sexes (Idisa) afin de fournir un outil d’aide à la décision idoine aux décideurs du Sénégal.
Mes Chères sœurs y compris du monde rural !
Soyons conscientes que l’avenir de ce pays dépend aussi de nous en tant que participantes actives au développement économique et social. Le défi est lancé à tous pour nous assurer aide et assistance aux moyens d’une autonomisation réussie.
Bonne fête à toutes.
Mme Aminata Diouf NDIAYE
Expert en genre
Titulaire d’un Dess Politiques sociales et genre
aminatadioufndiaye@yahoo.fr
(***) : Malick Sow de l’Institut islamique de Dakar