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Et Si On Rouvrait Les Portes De La Confédération Sénégambienne ?

Depuis la fin de la crise politique intervenue en Gambie en début 2017, les relations entre le Sénégal et la Gambie connaissent un regain de cordialité. En effet, le président de la République, Macky Sall, s’est beaucoup investi dans la résolution de cette crise en envoyant l’Armée sénégalaise, dans le cadre du mandat de la Cedeao, libérer la Gambie de son dictateur Yahya Jammeh (1994-2016). Une fois la volonté populaire rétablie, les forces de sécurité sénégalaises, sous la bannière de la Cedeao, ont continué, avec le professionnalisme qui leur est reconnu en la matière, d’assurer aux côtés de leurs frères gambiens la sécurité du nouveau régime, l’encadrement et la restructuration de l’Armée gambienne. Cet élan de coopération militaire et l’impact politique qui en a découlé ont eu fort logiquement des résultats considérables dans les relations économiques et sociales entre les deux pays. En attestent le Forum économique de Dakar qui eut lieu au mois d’octobre 2017, l’organisation des Jour­nées culturelles de Karang et la tenue aujourd’hui d’un Conseil présidentiel. Ces faits traduisent éloquemment l’avènement d’une ère nouvelle entre le Sénégal et la Gambie.

Aujourd’hui, chacun des pays vit avec intérêt et bonheur ce changement de régime intervenu en Gambie. La mobilité des populations, facilitée et simplifiée, s’intensifie le long de la frontière qui sépare les deux pays aux mêmes Peuples. Le trafic du bois sénégalais qui était illégalement et clandestinement fait à grande échelle en direction du marché gambien connaît une baisse. L’érection du pont de Farafegny s’accélère et ravive l’espoir de vivre un futur plus radieux. Sur le plan sécuritaire, le calme gagne progressivement du terrain avec le resserrement de l’étau autour du Mfdc, dont le terrain de repli, sous le régime de Yahya Jammeh, se trouvait en Gambie.

Tout nous incline à croire que c’est un vent nouveau qui est en train de souffler. Nous semblons entrer dans une nouvelle ère entre le Sénégal et la Gambie, celle qui enfantera, souhaitons-nous, la Sénégambie. Nous osons rêver et inviter nos deux chefs d’Etat à avoir, au nom de l’histoire et de la postérité de nos deux Peuples, la volonté politique et le courage de relever ce défi historique.

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Ressusciter la confédération de la Sénégambie

Le contexte politique auquel nous assistons aujourd’hui n’est pas sans rappeler la confédération de la Sénégambie mise en place par les Présidents Abdou Diouf et Daouda Diawara en 1982. L’histoire nous renseigne que c’est à la suite de la tentative avortée de coup d’Etat conduit par Kukoy Samba Sagna et du rôle décisif du Président Abdou Diouf dans cet échec que le Président Daouda Diawara eut la lumineuse idée de proposer à son homologue sénégalais la création de la confédération sénégambienne. Dans son livre-mémoires publié en 2014, le Président Abdou Diouf explique en détails cet épisode :

«Cette histoire de confédération sénégambienne, c’est lui-même (c’est-à-dire Daouda Diawara) qui en a émis l’idée. Il m’a dit : ‘’Je te remercie beaucoup de ton aide. Maintenant, nous devons vraiment tout faire pour que pareille situation ne se reproduise plus’’. Comme je l’invitais à préciser sa pensée, il ajouta : ‘’Mettons en place une confédération ou même une fédération’’. Je lui fis part de mon adhésion à son idée, car je pense sincèrement que nos deux Peuples partagent la même culture et ont une communauté de destin. Nous pouvions donc dans une première étape mettre en place une confédération. C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à travailler pour la mise en place de la confédération et à en rédiger les textes.» C’est ainsi que le 17 décembre 1981, le pacte de la confédération fut signé à Kaur en Gambie et il entra en vigueur à compter du 1er février 1982.

Bien que la confédération fût de courte durée (1982-1989), il nous semble aujourd’hui pertinent de saluer la portée historique de cette décision politique qui devra, au moment présent de l’histoire de la Gambie et du Sénégal, inspirer les Présidents Macky Sall et Adama Barro. Nous devons aujourd’hui oser poser le jalon d’une nouvelle refondation de la confédération sénégambienne, en raison du contexte actuel marqué par l’excellence des relations entre nos deux pays et surtout de nos deux chefs d’Etat. Rien ne s’oppose à ce qu’on réalise cette aspiration des Peuples sénégambiens qui partagent une communauté de destin. Tout permet de croire que le projet sera couronné de succès. Le Conseil présidentiel sénégalo-gambien est en lui-même un premier jalon pour aller vers cette confédération. Il faut juste que nos gouvernants puissent faire ce petit geste pour nos deux pays, mais qui sera «un grand pas» pour l’Afrique de l’Ouest, pour paraphraser l’astronaute américain, Neil Armstrong.

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La Sénégambie, une sommation de l’histoire

C’est une lapalissade de dire encore que le Sénégal et la Gambie ont vécu, au fil des siècles, dans le même espace géographique et qu’ils ont toujours partagé la même histoire. Avant la colonisation européenne du 19ème siècle, les populations qui vivaient dans cet espace, c’est-à-dire nos ancêtres, n’étaient pas enfermées à l’intérieur des frontières que nous connaissons aujourd’hui. Elles se déplaçaient allègrement d’un empire à un autre ou d’une province à une autre sans aucune forme de restriction. Les réseaux de commerçants Jula pratiquaient le commerce à longue distance d’Est en Ouest, du Nord au Sud pour vendre la cola, le sel, entre autres produits alimentaires, sous la protection des souverains des Etats ou royaumes. L’empire du Kaabu, qui atteint son apogée au tournant du 17ème siècle, s’étendait du fleuve Gambie jusqu’aux rives du Rio Corubal et Geba en Guinée Bissau. Le royaume peulh du Fuladu, né des ruines de l’empire mandingue du Kaabu en 1867, avait en son sein des provinces comme celle du Jimara qui était à cheval entre la Gambie et le Sénégal. Ce n’est pas un hasard si le dernier roi du Fuladu, Moussa Molo, a été enterré à Kesserkunda en Gambie (1931). Nous ne manquerons pas de souligner toute l’influence politique et religieuse du marabout du Rip, Maba Diakhou Ba, sur la seconde génération de lettrés musulmans constituée par Fodé Kaba Doumbouya, Fodé Madia, Ibrahima Ndiaye, Fodé Sylla dans le Combo anglais, dont l’action politique et religieuse marqua profondément les populations des rives nord de la Gambie et de la Casa­mance.

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Aujourd’hui, il est aisé de constater que cette ferveur religieuse et cette commune volonté de vivre ensemble se perpétuent de nos jours à l’occasion des fêtes religieuses, «gamo» en mandingue. A toutes ces rencontres, les populations traversaient les frontières pour célébrer leurs guides religieux et s’approvisionner également en denrées alimentaires de toutes sortes et en armes pour les guerres de conquête. Donc, l’histoire de notre espace sénégambien fut toujours un espace d’accueil, de complémentarité et de solidarité entre les Peuples, et non un espace de séparation et d’exclusion. Nous devons aujourd’hui pouvoir renouer avec cette continuité historique en fermant définitivement la parenthèse coloniale.

Nous demeurons convaincus que la solution de la confédération demeure la seule viable pour la réalisation des importantes décisions qui sortiront de ce Conseil présidentiel. Les questions d’ordre économique liées au transport, au désenclavement, à la gestion de l’environnement avec la coupe abusive de bois dans les forêts casamançaises, les questions d’ordre sécuritaire liées au terrorisme, à la rébellion en Casamance, le développement économique et social seront de vieux souvenirs si nos deux chefs d’Etat prennent la pleine mesure de l’importance de rouvrir les portes de la confédération sénégambienne. Face à l’Afri­que et au monde, les Présidents Sall et Barro ont la lourde responsabilité historique de prendre cette décision politique.

C’est pourquoi, au moment présent de l’histoire de nos deux Peuples, vous avez l’unique chance de réconcilier ceux-ci avec leur histoire millénaire bâtie autour des principes et des valeurs d’unité, de tolérance et de solidarité. Si jusque-là la parenthèse coloniale et les choix politiques de nos premiers dirigeants à l’heure des indépendances nous ont enfermés dans une camisole de force qui nous engagea dans la création de minuscules Etats-nations, lesquels ont atteint après un demi-siècle d’existence leurs limites, il nous faut aujourd’hui nous engager résolument vers la création de la «petite Sénégambie». Dans notre vision des choses, celle-ci serait une première étape décisive vers la mise en place de la «grande Séné­gambie» si chère à l’historien Bou­bacar Barry.

 

Dr Mouhamadou Moustapha SOW

Département d’Histoire/UCAD

foyresow@gmail.com

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