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Retraite De Médecins : Premier Ministre Boun, Vous Travaillez Contre L’emploi Des Jeunes

L’arrêté ministériel n°01418 du 02 février 2015, portant approbation de la modification des statuts de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal, stipule que «l’âge d’admission à la retraite est fixé à soixante (60) ans. Toutefois, les travailleurs peuvent bénéficier par anticipation d’une retraite à partir de cinquante-cinq (55) ans dans les conditions qui seront fixées par les règlements intérieurs. Les âges limites fixés ci-dessus pourront être reportés à des âges plus avancés afin d’assurer l’équilibre financier du régime ou lorsque le marché de l’emploi le permettra et l’augmentation de la longévité l’exigera en vue du maintien et de l’amélioration de la valeur des prestations». Disons-le tout net : le marché de l’emploi au Sénégal ne permet pas une augmentation de cet âge de départ à la retraite. L’augmentation de la longévité non plus.

Le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne a pourtant annoncé ce dimanche 25 mars que l’âge du départ à la retraite des médecins sera rallongé de 5 ans et porté à 65 ans. Nulle surprise en cette période de long Noël électoral, propice en cadeaux des sortants-qui-ne-veulent-pas-être-sortis, et qui se prolongera jusqu’à la veille du 24 février 2019.

Ce faisant, le gouvernement de Macky Sall prend une décision qui ne répond à aucune logique de développement, ni de justice sociale. C’est une mesure électoraliste.

L’espérance de vie au Sénégal est de 59 ans. En mettant l’âge du départ à la retraite des disciples d’Hippocrate à 65 ans, on leur accorde ainsi 6 ans de survivance de vie active, en lieu et place d’un repos mérité, car la retraite, si elle est préparée, ne devrait point être un purgatoire.

Plus grave, c’est une mesure socialement injuste : il y a 400 mille naissances par an au Sénégal actuellement. Autant d’enfants qui arriveront sur le marché de l’emploi. Déjà, chaque année au Sénégal, il y a 300 mille nouveaux demandeurs d’emplois. Pour 400 mille emplois formels, ceux qui offrent un emploi décent actuellement au Sénégal. La détermination de l’âge légal à la retraite dans un pays donné doit être fonction de sa démographie. Nous ne pouvons pas avoir, pour les médecins, le même âge de départ à la retraite que dans un pays comme la France, où cet âge de 65 ans a été décidé pour pallier l’insuffisance justement de nouveaux travailleurs qui entrent sur le marché de l’emploi ; ceci, du fait de la faible natalité, n’étant pas assez nombreux pour payer les cotisations-retraites des seniors et ces derniers étant donc obligés de travailler plus longtemps pour cotiser plus longtemps pour leur propre retraite.

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Chez nous, la pyramide des âges est inversée. Ce qui induit que l’âge à la retraite devrait être rabaissé pour permettre à tous ces nouveaux jeunes demandeurs d’emplois qui arrivent chaque année sur le marché du travail d’accéder à une occupation. Le marché du travail se doit d’être une solidarité entre les âges : que d’aucuns cotisent pour la retraite par répartition des autres, et que ces autres cèdent la place assez tôt pour permettre l’activité des plus jeunes. L’âge à la retraite était de 55 ans dans ce pays. Le Président Diouf a le premier mis un coup de canif dans ce contrat social, cédant à la démagogie des syndicats, en autorisant la retraite à 58 ans pour les fonctionnaires. Puis, celle-ci a été portée à 60 ans. Puis, de 65 ans à 68 ans pour les magistrats. Idem désormais pour les médecins. Cela est un «détricotage» inconséquent du pacte social pour motif purement politicien.

Le dividende démographique est envoyé au tout-à-l’égout. Ayant abdiqué toute volonté politique d’offrir des emplois ou d’en favoriser la création, l’Etat fait désormais de «l’auto-emploi» et de «l’entrepreneuriat des jeunes» son nouveau mantra de modernité économique pour persuader ceux-ci qu’ils devront créer leur propre emploi. C’est une glissade et une lapalissade, car tout créateur de son propre emploi a vocation à en embaucher d’autres, si l’activité économique dans laquelle il est engagé croît et s’il veut que celle-ci progresse pour produire des biens et services, acquérir des clients et créer de la richesse. Les auto-employés sont des employeurs comme les autres sur lesquels l’Etat se défausse de sa mission de promotion de la création d’emplois. Pis encore justement, on tente de faire accroire désormais au plus grand nombre que la mission de l’Etat n’est pas de créer des emplois, mais d’en favoriser la création.

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Ce credo libéral des économies développées n’a pas sa raison d’être ici : dans un pays pauvre en voie de développement comme le nôtre, où l’Etat reste le premier client des entreprises, hé bien si : l’Etat a vocation à créer des emplois tout comme il a le devoir de développer les secteurs économiques de souveraineté que sont l’électrification du pays, les adductions en eau potable, les infrastructures routières, mais que devraient être aussi la culture intensive du riz, le numérique ou l’habitat social. Nous nous devons d’être keynésiens. Nous ne sommes hélas que «malthusianistes».

Ousseynou Nar GUEYE

Directeur de Global Com International

Directeur de publication du quotidien en ligne Tract

Secrétaire national à la Communication, à la Coopération Africaine et aux Questions Educatives du parti Sénégalais Unis pour le Développement (S.U.D)

ogueye@gmail.com

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