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Parrainage: Leçons Apprises D’une Occasion (nationale) Presque Perdue

Par les circonstances dans lesquelles elle a été soumise à l’Assemblée Nationale, par la façon dont elle a été combattue et par la manière dont la loi y relative a été adoptée, l’initiative gouvernementale d’introduire le parrainage comme proposition de solution a un réel problème, n’aura pas été une opportunité pour la démocratie sénégalaise le moment de plusieurs avancées à la fois.

– D’abord et avant tout, l’initiative du parrainage aurait pu constituer l’occasion de trouver une solution satisfaisante a un problème qu’une bonne partie des sénégalais considère comme une faiblesse de notre démocratie ;

– Ensuite cette initiative aurait pu constituer une opportunité pour les partis politiques, majorité et opposition, de nouer un dialogue de très grande qualité dont seules sont capables les grandes démocraties, aussi ben au niveau de leurs représentations nationales qu’au niveau de leurs bases respectives, étant entendu qu’une vraie démocratie repose essentiellement sur les deux pieds que sont la collaboration et l’opposition.

– Enfin, l’initiative du parrainage, avec la forte implication de la société civile et des leaders d’opinions qu’elle a suscitée, aurait pu constituer également, l’occasion de vivre une interaction dynamique et médiatrice, pas simplement préventive, entre les leaders de l’espace politique et ceux de l’espace citoyen.

S’il n’en a pas été ainsi, c’est bien parce qu’aucun des acteurs n’a joué le rôle que les citoyens étaient en droit d’attendre de chacun d’eux. Mon propos n’est ni de designer un ou des coupables moins encore de défendre l’un quelconque de ces acteurs que sont la majorité, l’opposition, les citoyens organisés et les leaders d’opinion.

Pour avoir pendant ces 15 dernières années observé dans plusieurs pays africains les interactions et les conflits entre partis politiques et entre ceux-ci et des gouvernements, et pour avoir également pendant toute cette période, avec pas plus d’échecs que de succès, essayé d’appuyer ou proposé et conduit des initiatives aussi bien opérationnelles que structurelles de prévention de conflits politiques, mon objectif par cette prise de « plume » est plus modestement, de proposer que nous saisissions l’occasion de ce que j’ai déjà nommé « une occasion ratée », pour nous engager tous, dans un processus connu comme celui de l’apprentissage par l’action, et dont le cycle itératif est le suivant: agir, réfléchir, apprendre, planifier, puis…agir de nouveau.

Sans nier, d’un point de vue axiologique, la nécessité d’une préoccupation éthique dans l’action politique, je voudrais préciser dès a présent que le nexus éthique/politique a rarement offert une illustration factuelle satisfaisante, aussi bien au Sénégal, en Afrique que dans le monde en général, tant dans les politiques domestiques (internes) que dans les relations internationales où l’humiliation de l’autre (pays) est devenue un mode opératoire courant.

ET SI LA PROPOSITION ETAIT INTRODUITE AUTREMENT ET A UN AUTRE MOMENT ?

S’il est vrai que selon notre constitution l’initiative des projets de lois est du ressort exclusif du gouvernement, et que par ailleurs celui-ci en décide quand il veut et en fonction des avantages que ceux-ci peuvent induire pour lui-même et/ou pour la République, il n’en est pas moins vrai que jamais un gouvernement n’a proposé une loi qui lui puisse être défavorable, aussi bien dans son fonctionnement comme appareil que dans les objectifs politiques que sa majorité poursuit.

Pour cette raison et pour celle de ne pas vouloir adopter une position de juge, je ne m’engagerai pas dans l’évaluation de l’opportunité de l’initiative de la loi sur le parrainage, mais m’en tiendrai plutôt à examiner quels auraient pu être l’accueil et les modalités d’élaboration et de vote d’une telle proposition si elle avait été initiée en un autre moment et selon des modalités différentes.

L’initiative de proposer une telle loi avait-elle été discutée suffisamment et honnêtement entre majorité et opposition ? La divergence des réponses à cette question renseigne au moins sur un désaccord à propos de l’évaluation d’une éventuelle discussion si jamais elle a eu lieu.

Le fort désaccord au tour de cette loi nous enseigne, et c’est bien ce que nous devons retenir me semble-t-il -il, que pour qu’une proposition de solution a un problème (aussi réel que celui que nous pose la multiplicité des partis politiques pouvant induire une multiplicité de candidatures) puisse faire l’objet d’un consensus le plus large, sans nécessairement et a priori mettre en danger les intérêts de la majorité ou de l’opposition tout en satisfaisant les intérêts des citoyens , il apparait souhaitable qu’elle soit au paravent soumise à discussion, fasse l’objet d’un dialogue, dans des espaces les plus adéquats.

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D’un tel dialogue aurait pu naitre un consensus ou un désaccord, aussi bien sur son opportunité que sur sa pertinence. En tout état de cause, l’essentiel reste que chaque camp politique en de telles circonstance aurait pu bien comprendre quels sont les intérêts et arguments de l’autre, et les citoyens, les accords et/ou désaccords, pour pouvoir éventuellement influencer dans le sens qui leur semble le plus satisfaisant, si les politiques ne s’entendaient pas.

Que faut-il comprendre de l’incapacité de la mobilisation et des manifestations de la journée du 19 à empêcher le vote de la loi comme ce fut le cas le 23 Juin 2011 ?

Cet échec à faire au moins reporter le vote témoigne -il du manque d’intérêt des citoyens au sujet, de leur degré d’engagement pour le report ou au contraire de leur accord pour une telle loi ?

Peu m’importent les réponses à ces deux questions ! J’observe simplement que nous avons tous échoué à la fois à nouer un consensus fort entre les politiques et à offrir aux citoyens organisés l’opportunité d’ouvrer à l’aboutissement d’un tel résultat.

ET SI L’OPPOSITION AVAIT ADOPTE UNE AUTRE POSTURE ?

Au risque de me tromper, et sollicitant a priori votre indulgence si tel était le cas, l’opposition politique a, me semble-t-il, fermement exprimée son indisponibilité à négocier même si elle a été présente aux travaux de la commission des lois de l’Assemblée Nationale. Sans avoir le détail des discussions et des positions en commission des lois, l’exigence la plus généralement connue de celle-ci a été sinon le rejet, du moins la suspension de la soumission du projet de loi à l’Assemblée.

Sans pouvoir donc dire si une telle position est de principe ou plutôt l’aboutissement de procédures antérieures de recherche d’entente, je voudrais observer simplement qu’il est extrêmement important de tenir compte, dans ce genre de conflits politiques, de la différence entre les 3 catégories suivantes, différence qu’observent très attentivement tout bon médiateur et tout bon négociateur : la position, l’intérêt et le besoin.

Ce papier ne permettant pas un développement sur ce point, je voudrais simplement dire que s’arc-bouter sur sa position sans se focaliser davantage sur son intérêt conduit le plus souvent, dans une négociation, à choisir de s’adonner à un jeu dit « à somme nulle » plutôt qu’à un win-win, pour la simple raison qu’on ne donne ainsi à son protagoniste aucune opportunité de « sauver la face ».

Dans une telle configuration, le rapport des forces devient le seul déterminant, et le résultat ne peut être que gagnant/perdant.

En tenant compte de plusieurs facteurs, et malgré le désir d’unité de l’opposition (partis politiques, mouvements et opposants-individus), une autre attitude, le choix de la négociation eût été certainement plus productif. Cependant un tel choix ne se pouvait faire que suite à une acceptation de la diversité des intérêts au sein de cette « large opposition », et par le traitement de cette question en son sein. Il a été d’ailleurs dit plusieurs fois par certains partis en son sein, que réunir le nombre de signatures ne pouvait pas être un problème, et l’honnêteté voudrait bien qu’on le leur concède.

Si tel est le cas donc, l’intelligence stratégique ne dictait-elle pas de rassurer les « petits partis », les mouvements et autres opposants-individus quant à des procédures de soutien et, aller négocier des modifications importantes et avantageuses du projet de loi.

Etait-ce stratégiquement réaliste pour les « grands partis » de persévérer dans un bras de fer a l’issue incertaine tout en sachant que s’ils perdaient dans une telle épreuve de force, la majorité se ferait bien plaisir d’utiliser son avantage numérique pour faire passer la loi sous la forme qui lui convient le mieux ?

Sachant que si la loi était promulguée telle qu’elle a été adoptée, beaucoup de candidats individuels et de ces « petits partis » et mouvements de l’opposition ne parviendraient pas à réunir le nombre de signatures exigé, les grands partis n’auraient-ils pas, de façon machiavélique, maintenu la ligne dure, avec l’idée que si le projet de loi ne changeait pas, alors ils pourraient aussitôt voir les autres membres du groupes contraints à accepter des propositions de coalitions ou… d’absorption ?

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Peu m’importent, une fois encore, les réponses à ces deux questions ? J’observe simplement qu’un changement de position de l’opposition aurait rendu possible une amélioration considérable de la loi, sans nécessairement sacrifier totalement les intérêts des petits partis et mouvements auxquels les « grands partis » auraient pu apporter un soutien essentiel dans leur collecte de signatures, si la réponse à ma seconde question ci-dessus était positive.

QU’EST -CE QUE LES MEDIATEURS ET LEADERS RELIGIEUX AURAIENT PU FAIRE DIFFEREMMENT ?

Pour ce que j’en sais, les leaders religieux dont l’objectif étaient d’obtenir une suspension de la soumission du projet de loi à l’Assemblée Nationale comme condition d’une paix sociale, étaient bien dans leur rôle. N’étant pas tant imprégnés de la réalité des rapports de forces politiques et négligeant certainement le risque d’affaiblissement de l’autorité de l’Etat que constituerait un recul au dernier moment et sous la menace, ceux-ci ont juste choisi, de façon absolument rationnelle d’adopter une position de prudence en appelant le Président de la République à sursoir à sa décision. Même si leur demande n’a pas été satisfaite, ils ne devraient pas, me semble-t-il, en vouloir outre mesure au Président, étant donné le résultat final (provisoire ?) de cette épreuve nationale. Comme autorités et comme preneurs de décisions pas toujours faciles, les chefs religieux doivent comprendre que les informations à la disposition de tout décideur sur un sujet particulier, ne sont pas en général à la portée de ceux aux mains de qui le destin d’un groupe ne repose pas au moment fatidique de prendre une décision.

En l’occurrence, je présume que ces derniers reconnaitront de bonne foi que le Président de la République ayant à sa disposition les services de renseignement de l’Etat, et ayant vécu (du « bon côté”) les évènements du 23 Juin 20011, pouvait bien avoir une évaluation différente. S’il en était ainsi, le refus d’obtempérer ne devrait point être considéré comme une bravade ou un manque de de considération pour ce que ces chefs religieux représentent dans ce pays. Tant mieux !

Concernant les initiatives de certains leaders de la société civile, pour n’avoir pas la prétention d’en connaitre les tenants et aboutissants, je voudrais me garder, conformément a ma ligne de conduite dans cette contribution, de les juger. Cependant, si l’appel à la suspension de la présentation du projet de loi devant était une conséquence d’une délibération sur le risque de danger, sans qu’ils aient au paravent fait tout pour que l’opposition accepte de s’assoir à la table de négociation, alors ils auraient choisi l’option la moins difficile mais la moins féconde, ce que je ne pense pas.

Sont-ils intervenus au bon moment ? En tout état de cause, les trois conditions minimales constitutives du succès de toute initiative de médiation sont les suivantes : l’intervention à temps, la confiance des protagonistes et…les capacités du médiateur ; son professionnalisme devrais-je dire, car la médiation est aujourd’hui à la fois une science, une technologie et un art, et ne fait aucune place à l’improvisation, aux bonnes intentions ou aux incantations.

Si les trois conditions ci-dessus énumérées étaient réunies, il eût été possible d’évider au le Sénégal de rater une si belle occasion de faire des pas décisifs vers l’idéal asymptotique de démocratie, car en réalité, les intérêts du pouvoir et de l’opposition sur cette question de rationalisation du processus de candidature aux élections, et même par une forme de parrainage, ne sont pas si divergents que cela parait de prime abord. Bien sûr, leurs positions de départ, comme dans tout désaccord sur un sujet politique essentiel, paraissaient a priori inconciliables. N’est-ce pas en cela que le rôle de médiateur est à la fois fascinant et intimidant ?

QU’AURIONS-NOUS (TOUS) PU GAGNER DANS UNE NEGOCIATION ?

Parce que tenter de dire en quoi nous avons raté une occasion a constitué jusqu’ici la substance de mon propos, vous m’accorderez juste de dire succinctement que bien que le projet de loi apparaisse satisfaisant pour ses promoteurs et défenseurs, il peut encore (?) ou pourrait être amélioré au moins sur deux points.

-D’abord, l’impossibilité pour un citoyen électeur de parrainer plus d’un candidat comporte le défaut majeur de l’antidémocratisme dont l’opposition l’accuse, et de constituer une sorte de vote avant le vote, pour le simple fait que seuls des militants du PDS, de l’APR, de REWMI, du PS et de l’AFP (dans l’hypothèse ou ces 2 derniers décideraient de présenter des candidats) pourraient se permettre le luxe de parrainer un candidat autre que le leur, sauf à courir le risque de voir son candidat incapable de réunir les 52.000 signatures.

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– Ensuite, compte tenu des possibilités réelles pour l’Etat de disposer d’informations précieuses, utilisables de façon décisive dans une stratégie de campagne électorale si elles étaient mises à la disposition d’un candidat, ce qui romprait ainsi le principe essentiel d’égalité entre candidats qu’il revient a l’Etat d’observer et de faire observer, le principe de l’impossibilité pour un citoyen de parrainer plus d’un candidat installe un soupçon à certains égards, bien fondé.

Pour ces 2 raisons, cette loi devrait être amendée dans le sens de permettre à chaque citoyen électeur de parrainer au moins 2 candidats, ce qui du point de vue de la gestion des « parrains » ne pose pas beaucoup plus de défis informatiques et de vérification des signatures que le « parrainage unique. Ceci donnerait lieu à un double parrainage, système déjà proposé il y a quelques années par un acteur politique français, sous les vocables de « parrainage de conviction » et « parrainage républicain ». L’Etat a l’obligation de tenir compte de ce besoin du citoyen.

Par ailleurs, l’amendement apporté aa la loi par la majorité, relative aussi bien au plancher (0,8%) qu’au plafond (1%) constituera une avancée, si et seulement si la loi prévoit des sanctions dans les cas où les « grands partis » s’évertueraient à collecter le maximum de signatures. Il y a sur ce point une difficulté à légiférer, je l’avoue, mais le faire est d’autant plus nécessaire qu’avec les cultures organisationnelles et les compétitions internes entre responsables des « grands partis » il faut s’attendre à ce que les scores dans la collecte soient de-facto des éléments de preuve de représentativité. Il me semble impératif, si la loi devait rester en l’état, que soit imposé un respect strict de ce plafond de 1%, pour que le parrainage n’apparaisse pas comme un vote avant le vote.

Ma proposition du double parrainage permettrait de combler quatre insuffisances de la loi actuelle :

Elle permettrait au citoyen de choisir de façon plus sereine les 2 candidats à la candidature dont il souhaiterait suivre l’exposé des programmes pour pouvoir en choisir un comme Président ;

Elle rendrait les résultats globaux du parrainage bien moins utilisables à des fins « illégales » de stratégies de campagne et lèverait d’une certaine manière le soupçon de fraude programmée ;

Elle permettrait aux partis quand-même significatifs et cependant sans la certitude de pouvoir collecter 52.000 signatures dans au moins 7 régions selon l’actuelle loi, de disposer de plus de chance de voir leurs candidats qualifiés ;

Elle éviterait aux partis politiques d’attiser les « guerres intestines » entre responsables surtout de l’échelon secondaire.

Autant d’aspects donc qu’un traitement négocié du problème aurait permis de considérer dans cette loi.

Est-ce encore possible à l’opposition de changer de posture et de retourner à la table de négociation, sans nécessairement renoncer à son choix de porter l’affaire devant la CEDEAO, l’UA et que sais-je encore ?

Est-ce encore possible à la majorité de changer de posture et d’envisager, au-delà des discutions sur les modalités strictes d’application de l’actuelle loi, une conversation franche et responsable sur ces préoccupations essentielles pour les citoyens et pour la démocratie ?

La loi n’étant pas promulguée, tout reste ouvert me semble-t-il.

N’est-ce pas le moment pour les citoyens organisés (la société civile) de se mettre dans le jeu comme acteur, afin d’infléchir les décisions et positions des uns et des autres dans le sens du progrès démocratique, et pour leurs leaders et ceux revendiquant des statuts d’analystes politiques publiques ou d’intellectuels publiques progressistes de déserter pour un moment les plateaux de télévisions et les studios de radios ou ils ont passé l’essentiel du temps à dénoncer plutôt qu’à proposer.

Déthié Djoli

Médiateur politique

Diopdethiedjoli@gmail.com

Parrainage: leçons apprises d’une occasion (nationale) presque perdue .

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