Après les marabouts ces dernières années , ce fut donc au tour de la première dame de sauver l’école cette fois-ci, selon la presse.
A chacun son heure de gloire.
Comme les élèves, la vie va pouvoir reprendre son cours normal : Macky s’ adonner à son sport favori , traquer les opposants afin de se retrouver seul face à son ombre lors des prochaines élections, Marième Faye parrainer les soirées au Grands Théâtre, les parents revoir leurs enfants reprendre le chemin de l’ école plutôt que de flemmarder à la maison à longueur de journée, les enseignants replonger la main dans le cambouis en rêvant des milliards promis par l’ état et, cerise sur le gâteaux les journalistes avoir du grain à moudre pendant quelques jours en épiloguant sur les ressorts secrets de ce dénouement providentiel.
Et c’ est justement cela qui est surprenant, ahurissant, sidérant et abasourdissant : que tout le monde considère la fin de la gréve des enseignants comme une divine surprise. Quelque chose qu’on n’ osait plus espérer.
Cet accord était pourtant écrit et le timing aussi millimétré qu’un papier à musique. D’ ailleurs, tout le monde l’ a remarqué, l’accord n’intervient chaque année qu’au dernier moment .Parce-qu ‘il existe un dead Line , une ligne rouge ,un Rubicon qu’il ne faut jamais franchir . L’année blanche.
Ils ont beau se faire peur, état et enseignants savent jusqu’où ne pas aller pour ne pas aller trop loin .Personne ne veut être responsable d’ une année blanche. Aussi, plus la date fatidique approche, plus les meilleurs ennemis du monde prennent conscience de l’ impérieuse nécessité de trouver une porte de sortie honorable, où aucune des deux parties ne perdra la face, quitte à s’ abaisser à un jeu de dupe. L ‘ état s’incline face aux revendications des enseignants, tout en sachant pertinemment qu’il ne respectera pas ses engagements et ces derniers apposent leurs signatures, tout en étant conscients de l’ absence totale de sincérité de l’état.
Mais bon,l’essentiel est fait. L’ année a été sauvée, et tout le monde est soulagé. N’en déplaise aux rabats -joie.
Juste trois questions:
Quid des principaux concernés, les élèves ?
En effet la reprise des cours intervient comme chaque année, à quelques semaines des examens. Autrement dit , après des mois de break, de relâche, les voici obligés d’ assimiler en quelques semaines des leçons qui auraient dû s’ étaler sur prés de 9 mois . Ils vont subir des cours de rattrapage durant deux ou trois semaines et lorsque les professeurs se rendront compte que même cela ne suffira pas pour être à jour sur le programme , on leur distribuera toute honte bue ,des fascicules et autres polycopies et ceci sans explications idoines, surtout dans des matières qui en exigent. Durant ces semaines qui précédent les examens, ces élèves vont vivre un véritable enfer, entre pression, stress, cours de rattrape, de renforcement, révision, groupes de travail….Ils en perdront le sommeil et l’ appétit et arriveront en classe d’ examen amaigris , fatigués épuisés, lessivés, essorés… pour un combat perdu d’avance. Car, le moment de la restitution venu, ils découvriront à leurs dépends ,que l’ homme n’est pas un ordinateur où il suffit de saisir son texte et de cliquer sur « enregistrer ». Le cerveaux a lui besoin de temps, de calme et de sérénité pour retenir et assimiler afin de pouvoir restituer le moment venu. C ‘ est pourquoi une année scolaire dure 9 mois entre-coupés de vacances et de jours de repos pour ne pas le surcharger. Le résultat, ce sont ces scènes extrêmement douloureuses de candidats en pleurs lors des délibérations.
Des milliers de vies brisées depuis prés de deux décennies, des destins fracassés , des rêves émiettés, des espoirs déçus par ceux-là même, dont paradoxalement le rôle est de bâtir et de forger des avenirs et des destins: les politiques et les enseignants.
Et pour ceux qui parviennent à passer malgré tout , un niveau très en deçà de la moyenne et qui enfantera plus tard de gens frappés d’ impéritie ( mauvais enseignants, mauvais médecins..) car même s’ils ont le diplôme, ils ne maîtrisent par leur art, car mal formés. L’impact sur le développement du pays est sans appel ,et c’ est exactement ce que nous vivons.
Une école qui a besoin d’ être sauvée chaque année,est-elle vraiment sauvée?
Il y a quelque chose d’hallucinant chez les enseignants. Cette propension à se ruer chez les familles religieuses pour trouver des voies de sortie , comme s’il pouvait y avoir une solution religieuse et morale à des problèmes techniques et de gouvernance . Qu’est ce que les marabouts connaissent de l’ école ? De quelles expertises disposent-ils pour être élevés au rang de médiateurs attitrés?
Qu’ils soient Mourides, Tidianes et fassent allégeance à qui ils veulent, c’ est leur droit le plus absolu. Seulement, nous exigeons que lorsque la situation le demande, qu’ils soient à la hauteur de leurs responsabilités et n’ avoir comme interlocuteurs que des gens susceptibles d’ apporter de la valeur ajoutée. Le médiateur de la république par exemple.
Il faut rendre aux marabouts ce qui appartient aux marabout et à Macky ce qui appartient à Macky. Cette propension à mélanger le religieux et le politique, le sacré et le profane doit être bannie de notre culture. Arrêter la confusion de genres. Persister dans cette position enfantine et puérile, c’est opter pour des solutions de façade et forcément éphémères .
Et c’est pour avoir opté pour des solutions de forme plutôt que de fond, que chaque année, vers la fin octobre, ces enseignants qui quelques mois plus tôt jubilaient,trouent la quiétude des parents et des élèves et les plongent dans le désarroi en menaçant déjà de déposer un préavis de gréve car…. l’ état n’ a pas respecté ses engagements.
Et c’ est reparti pour un tour. D’où ma troisième question:
Qui sauvera l’école l’ année prochaine ?
Serigne Mbacké Ndiaye
Ecrivain