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Le Traité De Ndiaw De 1819: Début De L’histoire Moderne Du Walo Et Du Sénégal

Dans un an, le  8 mai 2019 sera le bicentenaire de la date de la signature du traité dit traité de Ndiaw conclu  entre la  France  et…. « Brak et les principaux chefs du royaume du Waalo pour la formation d’établissement de culture dans leur pays ».

Au début du XIX eme siècle plus précisément  ,le 18 juin 1815, s’était  déroulée en Belgique  la bataille de Waterloo opposant les armées napoléoniennes et  celles des Alliés, composée principalement de Prussiens, de Britanniques et de Néerlandais. Elle se termina par la victoire décisive de ces derniers .Ce fut la chute de l’empereur Napoléon 1er  et le début de la restauration, le roi  Louis XVIII  fut installé sur le trône de France.

Le  traité de paix de Vienne  qui fut signé entre la France et l’Angleterre  avait une  clause qui  stipulait la rétrocession des possessions coloniales françaises au Sénégal. L’Angleterre acceptait de remettre les comptoirs de Gorée et de Saint louis  (qu’elle occupait  de 1809 à 1817) aux français à la condition qu’ils abolissent la traite négriére.

Ce ne fut guère par philanthropie que l’Angleterre adopta cette politique abolitionniste mais pour ses intérêts mercantilistes.   C’était le début de la révolution industrielle en Angleterre, la machine à vapeur était en train de remplacer la force  de travail humaine ou animale. L’Angleterre puissance dominante préconisait l’abolition de la traite négriére, afin de trouver des débouchés pour  sa production industrielle naissante, pour ses machines.

La traite abolie, la France  trouvait plus rentable économiquement d’acquérir des terres de cultures en  Afrique et d’y faire cultiver du coton et de la canne à sucre  que de transporter des négres  dans les plantations  en Amérique.

Le  Baron Portal, Ministre des Colonies du Roi  nomma le Colonel Julien Schmaltz  gouverneur du Sénégal et le chargea d’appliquer cette  nouvelle politique en lui allouant un budget de 11 233 358 francs  pour la période de 1818 à 1824.

Le 17 juin  1816 de l’île d’Aix, une  flottille composée de la corvette « l’Echo », de la flûte « la Loire » et du brick « l’Argus » et de  « La Méduse »  ayant à son  bord plus de 400 passagers appareilla sous les ordres du commandant Hugues Duroy de Chaumaray, avec à son bord le futur Gouverneur du Sénégal, le colonel  Julien Désiré Schmaltz accompagné de sa femme de leur fille, de scientifiques, de soldats et de colons.

L’inexpérience  de  l’équipage, provoqua l’échouage de la Méduse sur le banc d’Arguin près de la ville de  Nouadihbou  sur la côte mauritanienne.Ce tragique naufrage inspira la celebre tableau du Louvre ‘le radeau de la Méduse ‘

Le colonel Julien Désiré Schmaltz après de multiples péripéties à travers le désert mauritanien  avait réussi avec sa suite à gagner à pied  le comptoir de Saint Louis  ou il prit ses fonctions de gouverneur du Sénégal.

Le Colonel Julien Schmaltz  après moult démarches infructueuses au Cap-Vert et au Fouta  porta son choix sur le royaume du Walo pour ses projets de colonisation agricole. Dans une lettre adressée au Baron Portal Ministre des Colonies, le 4 septembre 1819 le gouverneur Schmaltz disait ceci «  J’ai toujours soigneusement observé les pays que j’ai parcourus  et je n’ai pas vu  de plus beau, de plus propre à de grandes entreprises que le Sénégal. Les bords du Gange ne m’ont point paru plus  fertiles que ceux de notre Fleuve et je n’ai le moindre doute d’y réussir les cultures qu’on y  voudra. »

En ce début de XIX éme siècle le royaume  du Walo affaibli,sortait d’une longue guerre civile opposant les familles matrilinéaires des Dyoss Loggar et les Tiédiecks .

La partie septentrionale  du Royaume du Walo qui se trouvait sur la rive droite était occupée par les Maures du Trarza qui faisaient de fréquentes incursions sur la rive gauche et les différents Brack  Kouly Mbaaba DIOP et Sayoodo Yacine MBODJ qui se succédèrent furent obligés de payer des tributs aux émirats maures.

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Au début du règne du  Brack suivant, Amar Fatim  Borso MBODJE, une guerre civile opposait au Trarza ,l’héritier légitime de la couronne M’hammed, fils du défunt Emir Ali Kouri, à son cousin  l’usurpateur l’Emir Amar Ould Mokhtar. Ce qui atténua la  pression militaire  maure sur le Walo  et une alliance avec le comptoir de Saint louis devenait opportune.

C’est dans ce contexte ,qu’après  deux jours de négociation  le  8 Mai 1819,à bord du navire l’Isère  ancrée  sur le fleuve Sénégal en face du village de Ndiao, au nom du roi de France le Colonel  Schmaltz   signa avec le roi du Walo  le Brack Amar Fatim  Borso MBODJE  et 28 principaux  chefs du pays dont  : le Diawdine Madiaw Xor  Aram Bakar DIAW, le Béthio Sakoura DIOP, le Maalo Ndiack Ndongo  DIAW , le Diogomaye Ndiack Arame Kélar  DIAW , le Beuk Negg Ndiourbel Birame Coura DIAGNE le traité dit Traité de Ndiao dont voici quelques extraits :

Désirant établir  entre eux union parfaite, paix et amitié constantes et ouvrir de nouvelles relations desquelles il puisse résulter des avantages réciproques tant pour la France que  pour le pays du Waalo ; sont convenus des articles suivants :

article 1er Le Roi Amar Fatim Borso , les chefs ci-dessus et tous les autres invitent le Commandant pour le Roi et administrateur du Sénégal et dépendances à diriger les sujets de sa Majesté E.C sur les terres du du Waalo pour y former conjointement avec le concours des habitants indigènes des  établissements de culture dans toutes les positions qui lui paraitront les plus avantageuses

article .2 En conséquence de ci-dessus et pour son exécution le Roi Amar Boye , les chefs ci-dessus dénommés et tous les autres s’obligent et promettent de céder ,remettre, et transporter à S.M le Roi de France en toute propriété et pour toujours , les iles et toutes autres portions de terre ferme du Royaume du Waalo qui paraitront convenables au Commandant du Sénégal , pour la formation de tous établissements de culture qu’il jugera à propos d’entreprendre dès à présent et par la suite, les dites cessions faites en retour de redevances ou de coutumes annuelles qui seront déterminées ci-après. En considération du désir qu’ils ont d’augmenter la prospérité  de leur pays pour sa mise en valeur et le commerce, et des secours qu’ils trouveront dans une alliance avec le gouvernement français.

article .3 la tranquillité du pays du Waalo et la sureté des établissements de culture qui y seront entrepris nécessitant des mesures de protection suffisantes pour mettre les personnes et les propriétés à l’abri de toute incursion de la part   des peuples voisins, le Roi Amar Fatim Borso, les chefs ci-dessous dénommés  et tous autres demandent qu’ ils soit construit, par le gouvernement français un fort au village de Dagana  situé sur les frontières avec le pays de Toro et des postes moins considérables dans les autres  parties du royaume, partout ou ils seront jugés nécessaires par le Commandant pour le Roi et qu’il y soit placé les garnisons qu’exigera leur  défense.

article .4 En toutes circonstances ou le Roi Amar Fatim Borso et les autres principaux  chefs du pays seraient forcés  de pourvoir à leur sureté personnelle par suite de guerre ou troubles dans le pays, ils seront reçus dans les dits forts et postes et il y sera pourvu à leur subsistance pendant le séjour qu’ils y feront.

Ce traité devait permettre  à la France  de créer des établissements de culture  et de construire des forts militaires  à Dagana et  sur la rivière Taouey pour les protéger des peuples  voisins  près du village de Ndioukouck moyennant une redevance  annuelle de 11 715 ,70 francs.

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Apres avoir démarré le projet, le  colonel Schmaltz  fut rappelé en France  et ce fut le Baron Roger le premier gouverneur  français qui mettra en œuvre ce projet de mise  en valeur de 1822 à 1827 .

En février 1822  Jacques François Roger prendra  ses fonctions à Saint-Louis .Empreint de théories rousseauistes, très progressiste pour son époque, il commença à former les premiers éléments d’une élite africaine moderne.  De 1822 à 1824 avec l’aide de la Révérende mère Anne Marie Javouhey le Baron Roger, créa une école rurale de garçons à Dagana

En effet pour asseoir sa politique agricole il fait appel à un personnel d’encadrement très spécialisés : Brunet, Morénas et Claude Richard, des botanistes, des chimistes, des géographes…

Un de ses ingénieurs Claude  Richard  donnera  son  nom  à la ville  de Richard-Toll ( qui signifie en Wolof le champ de Richard )  qui implanta  la première station expérimentale agricole de l’Afrique noire. Le coton, l’ arachide , sésame, l ‘indigo    toutes  ces plantes  ont  été  introduites  en Afrique  tropicale grâce au  jardin  d’essai de Richard Toll.

Pour la main-d’œuvre, il met en place en septembre 1823 « l’engagement à temps » qui en harmonie avec ses idées abolitionnistes. Aucun esclave ne travaillait dans ses plantations.

Ouvert, philanthrope Le Baron Roger s’est beaucoup intéressé à la culture de son pays d’adoption le Walo . Rappelons ses témoignages sur la culture du peuple du Walo  à travers les différents  ouvrages   qu’il a écrits   dont  nous  pouvons  citer :

Fables sénégalaises  recueillies  du  ouolof  et  mis  en français .

Notice sur le gouvernement, les mœurs , et les  superstitions  des   nègres   du    pays   du  Waalo

Recherches philosophiques sur la langue ouolofe

Kélédor, histoire africaine

Parlant  couramment Wolof ,il  épousa une femme du pays la  fille du Diogomaye Ndiack Arame Kélar DIAW ,   Yacine   Yérim  DIAW ,et eut une fille  Marie  Roger  qui  compte actuellement  beaucoup de  descendants  à  Richard Toll.

C’est pour les beaux yeux de cette  épouse   qu’il  fit  construire   ce château   sur les  berges  de la  rivière TAOUEY     appelé la <>.

Réhabilité le château et son parc pourront abriter un musée culturel et botanique dédié a l’histoire du Walo  , à l’histoire de la présence française au Sénégal et surtout à son expérience agricole.

C’est à cette époque que plusieurs membres de la famille de l’épouse du Baron Roger Yacine Yerim DIAW les DIAW Chimère, DIAW Baudin s’installèrent dans la ville comptoir de Saint-Louis.

Cette alliance économique et militaire entre le Walo et la France entraîna des réactions hostiles de tous les peuples voisins.

Pour l’Almamy du  Fouta  la construction d’un fort militaire au village de Dagana était un casus belli. De cette place forte de Dagana, les Français avaient la possibilité d’attaquer le  Fouta .L’almamy  envoya une  correspondance au Brack lui demandant de rompre le Traité avec les infidèles  français  sous peine de lui déclarer la guerre   et lui rappelant que le village de  Dagana était une possession du Fouta .

Fort de la nouvelle alliance  militaire de la France  le Walo refusa de payer la coutume annuelle de 100 bœufs qu’il payait à l’Emirat maure du Trarza afin d’éviter à ses populations des razzias et rapines.

A la frontière sud le Damel Birima Fatma Thioub Fall était hostile à la présence  française au Walo. C’était un précèdent dangereux pour lui car  pour la première fois des blancs quittaient les îles ou ils étaient installés (Gorée, Saint-Louis) pour  s’établir à l’intérieur des terres  sur le continent .

Les mulâtres et négociants du comptoir de saint louis s’opposaient  aussi au projet de colonisation agricole au Walo.  Intermédiaires entre les chefs locaux et le comptoir de dans le commerce de la gomme et la traite des esclaves, les mulâtres voyaient dans la promotion des cultures de produits exotiques au Walo une source certaine de leur ruine

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Un espion anglais,le major Gray assurait la liaison entre ces différents pôles d’intérêts hostiles au projet de la colonisation agricole. Il distribuait de  l’argent et des armes à tous ces royaumes hostiles au Walo.

Le 21 Septembre 1819 avec la complicité du mulâtre saint-louisien Pellegrin les troupes de l’Emir du Trarza Amar Ould Moctar attaquèrent par surprise  le village de Thiaggar ou le Brack Amar Fatim  Borso MBODJE  tenait un conseil du trône.

Lors de cette attaque  appelée  en wolof « Mbettoum Thiaggar  » le Brack eut la jambe fracturée  et  fut évacué à Saint louis ; les chefs de guerre le Diawdine Madiaw Xor  Aram Bakar  DIAW  et Moussé Sarr Fary DIOP  furent blessés,   le Mangass Boubacar Daro MBODJ . Au nombre des chefs tués, se trouvaient, le Maalo Ndiack Ndongo  DIAW, le Beur-Ti Yérim-Salma DIOP.  26 autres  habitants du village  furent tués et bien d’autres amenés en captivité en Mauritanie dont le griot Mbaydé Fapeinda Thioune DIOP.

Le verrou militaire que constituait le village fortifié de Thiaggar ayant sauté la voie était libre pour la prise de la capitale Nder.

Le 7 Mars 1820 ,la capitale Nder fut  conquise  malgré la résistance opiniâtre du Kaddj Yérim Mbagnick Tegue Rella MBODJE  et de la Linguére Fatim Yaamar Khouryaye MBODJ (mère des Linguéres Ndjeumbeut et Ndaté Yalla ) en l’absence de son mari le Brack Amar Fatim Borso blessé se trouvant à Saint Louis pour des  soins.

Submergée   par les assaillants  la Linguère préféra se brûler vive dans la case royale  avec plusieurs de ses courtisanes dont  la Beuk Negg Mbarka Demba Laobé Boh NDIAYE et Seydané  que de tomber dans les mains  des maures.  Pour sauvegarder la lignée royale la Linguére avait réussi à évacuer  vers  leur tante paternelle Ndikcou  Fatim Borso  à Ronkh, ses deux jeunes filles les futures Linguéres Ndjeumbeut et Ndaté Yalla .

La  Riposte du Walo ne se fera pas attendre le Kaddj Yérim Mbagnick Tégue Rella MBODJE  rassembla les débris de l’armée du Walo  et une levée en masse se fit.

Avec le  concours du Gouverneur  Schmaltz  qui  fournit à son armée beaucoup d’armes et de munitions le Kaddj  Yérim Mbagnick Tegue Rella MBODJE  secondé par le Diawdine Madiaw Xor  Aram Bakar DIAW et le Béthio Sakoura DIOP  traversa le fleuve Sénégal à Ronkh  et  battit les troupes maures  de Amar  Ould Moctar  à Ouara Ouar qui se réfugia dans l’Adrar laissant sur le terrain plus de 150 morts.

L’Association pour la Commémoration du Bicentenaire de la Mise en valeur Agricole compte le 08 Mai 2019 ériger au village de Ndiaw actuellement quartier de la Commune de Richard Toll une stèle commémorative  du dit traité .Ce sera le début de la célébration d’autres évènements historiques qui sesont succédés il y a deux siècles au Walo comme :

07 Mars 1820 La tragédie de Talatay Nder

1822 La création des jardins d’essai et de naturalisation de Richard-Toll

1823 La construction de la Folie du Baron Roger;

Ces célébrations permettront de :

sensibiliser la population locale sur la nécessité de conserver et de valoriser le patrimoine historique et culturel qu’ils ont hérité du passé ;

inventorier les quelques lieux et monuments datant de cette période ;

et mettre en place un circuit de visite pour un tourisme de mémoire.

Le Diawdine Amadou Bakhaw  DIAW President de l’ Association pour la Commémoration du Bicentenaire de la Mise en valeur Agricole  WaAlo BicEntEnAirE   diaogo.nilsen@gmail.com

 

Le traité de Ndiaw de 1819: Début de l’histoire moderne du Walo et du Sénégal .

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