Son Excellence,
Tout d’abord, veuillez bien m’excuser de la manière de vous saisir pour vous informer de pratiques peu orthodoxes ayant comme siège la bande côtière du littoral de Guédiawaye et même au-delà. J’aurais bien souhaité avoir un tête-à-tête avec vous pour mieux vous entretenir de cette question fondamentale et de survie, mais certainement la nature chargée de votre calendrier ne vous l’aurait pas permis. Cependant, je garde un espoir fort que ma lettre sera bien accueillie de votre part et qu’une suite favorable lui sera accordée.
Monsieur le président de la République, permettez-moi juste de vous rappeler que, depuis le milieu des années 1920, des opérations d’aménagement forestier ont été menées sur le littoral nord, s’étalant de Saint-Louis à Yoff, pour mieux apprivoiser cet écosystème dunaire et autoriser l’exploitation des énormes potentialités maraîchères des Niayes. Dans l’objectif de garantir davantage sa pérennité, dès 1925, les pouvoirs publics de l’époque lui avaient conféré un statut de domaine classé. Au fil des ans, jusqu’aux années 1990, l’implantation du périmètre de reboisement continuera sur quasiment toute la Grande côte (de Yoff à Saint-Louis) pour favoriser le développement des infrastructures et de l’habitat qui sont ainsi préservés des effets de l’érosion côtière.
Le rôle de rideau de protection, de fixation des dunes et d’atténuation de l’effet corrosif de l’embrun marin sur les bâtiments a été merveilleusement tenu par les filaos qui ont constitué l’espèce végétale sur laquelle les forestiers avaient jeté leur dévolu.
Malheureusement, Monsieur le président de la République, au fil des ans, sous le coup des actions nocives et répétées (abattages intensifs des arbres) de l’Homme et le vieillissement des plants de filao (âge d’exploitabilité de 50 ans), la bande verte a perdu de sa superbe. Pis, depuis des années, une «parcellisation» régulière et sans répit du périmètre de reboisement est impuissamment observée par les populations de la ville de Guédiawaye qui semblent être mises devant le fait accompli. En effet, à chaque moment, de nouveaux lotissements et habitations individuelles apparaissent dans les limites de la bande verte avec des promoteurs et propriétaires détenteurs de titres de propriété (même des Tf) en bonne et due forme.
Son excellence, vous imaginerez bien notre stupéfaction, déception qui a vite fait de se transformer en une peur justifiée pour nous, nos fils et petits-fils. Tout simplement, l’important arsenal juridique (Codes forestier, environnemental…), les documents cadres de planification urbaine (Pdu de Dakar horizon 2035, Pud de Pikine-Guédiawaye), les nombreux protocoles et conventions internationaux ratifiés par le Sénégal, les conclusions des grands scientifiques sur les effets du changement climatique et son corollaire (avancée de la mer) sont superbement ignorés et foulés au pied.
Pourtant, Monsieur le président de la République, à la lecture de ce communiqué du Conseil des ministres du 30 novembre 2016, ci-après, nous avions su que vous étiez particulièrement attentionné par rapport au sort de cet écosystème du littoral nord : «(…) Rappelant par ailleurs ses directives relatives à l’urgence de déployer des mesures concertées pour un aménagement préventif optimal du littoral national, le chef de l’Etat demande au gouvernement d’examiner les modalités d’aménagement et d’exploitation de la Grande côte (de Dakar à Saint-Louis), en vue de valoriser davantage les zones côtières concernées. Il a en outre exigé du gouvernement l’élaboration d’un plan rigoureux et cohérent de protection du littoral national en général et de la Grande côte en particulier. A ce sujet, le président de la République demande également au Premier ministre de lui faire un rapport circonstancié sur la situation foncière et immobilière le long de la bande des filaos qui fait l’objet d’une grande convoitise, suite à la réalisation de la nouvelle Voie de dégagement nord (Vdn) (…).»
En 2016, les populations avaient été rassurées par vos directives à l’endroit de votre gouvernement qui faisaient ressortir votre volonté de «protéger rigoureusement le littoral national en général et de la Grande côte en particulier» et vous étiez parti jusqu’à demander à votre «Premier ministre de vous faire un rapport circonstancié sur la situation foncière et immobilière le long de la bande des filaos qui fait l’objet d’une grande convoitise, suite à la réalisation de la nouvelle Voie de dégagement nord (Vdn)».
Son Excellence, je voudrais seulement vous informer que vos directives sont loin d’avoir été exécutées et que nous sommes, aujourd‘hui plus dans une logique de «partage du littoral» que d’aménagement concerté et cohérent de cette bande côtière. Les titres de propriété sortent de partout et le comble du malheur, les collectivités locales de Guédiawaye sont même aujourd’hui embarquées dans ce sillage : «S‘accaparer des terres du littoral avant que d’autres (corporations comme individus) ne puissent mettre la main dessus» est leur modus operandi. Tout en occultant le fait qu’elles sont des institutions de la République, prolongement de l’Etat central, censées défendre les intérêts de leur population et leur assurer les conditions d’une vie paisible sur leur territoire.
Au nom de nombre de citoyens de Guédiawaye et même au-delà, très inquiets et désespérés par cette boulimie foncière et incurie, Monsieur le président de la République, veuillez bien nous aider à stopper net cette dérive en donnant des instructions fermes pour la mise en œuvre de vos instructions contenues dans le communiqué : «Déployer des mesures concertées pour un aménagement préventif optimal du littoral national, le chef de l’Etat demande au gouvernement d’examiner les modalités d’aménagement et d’exploitation de la Grande côte (de Dakar à Saint-Louis), en vue de valoriser davantage les zones côtières concernées».
Comptant sur votre volonté à faire développer notre Nation durablement, veuillez croire, Monsieur le président de la République, à l’expression de notre considération distinguée.
Mamadou DIENG
Citoyen de Guédiawaye
mdieng14@yahoo.fr