J’ai évoqué il y a peu la situation de l’éducation au Sénégal et des difficultés qu’elle rencontre dans sa mission d’enseignement auprès de nos jeunes. J’aimerais pouvoir dire que celle de notre système de santé est meilleure. Hélas c’est loin d’être le cas, là aussi, la crise est profonde et multiforme.
A lui seul, le chiffre de la mortalité infantile suffirait pour s’en convaincre et même s’il a baissé légèrement ces dernières années il reste aujourd’hui encore anormalement et dramatiquement élevé, de l’ordre de 55% alors qu’il est de trente pour cent au Maroc et d’un peu plus de vingt pour cent en Tunisie. Tout doit être mis en œuvre pour obtenir une baisse drastique de cette mortalité au cours des prochaines années et cela devra constituer une des priorités de tout candidat aux élections présidentielles de février 2019.
Force est de constater que notre offre de soins est insuffisante et financièrement insatisfaisante. En premier lieu, le budget de la santé publique devra être relevé dans les temps à venir, sauf à considérer qu’il ne s’agit pas là d’un des secteurs prioritaires pour la nation. Or nous parlons ici du bien-être d’une catégorie de la population, la plus fragile, telle que les femmes enceintes, les enfants en bas âge ou les personnes âgées. Tomber malade au Sénégal est très angoissant pour les plus démunis car la Couverture maladie universelle mise en place, peine à leur venir en aide. C’est notamment le cas pour les maladies chroniques qui nécessitent des traitements longs, parfois sur toute une vie, à l’image des diabétiques insulinodépendants et des insuffisants rénaux. Certains malades doivent s’endetter, vendre des biens, pour se soigner. Ce n’est pas acceptable et c’est indigne d’un Etat dont le premier devoir est d’assurer la protection de ses ressortissants.
De même que les hôpitaux, où les disfonctionnements sont nombreux en raison d’une mal gouvernance, de la démotivation des agents hospitaliers et d’un déficit de personnel, les districts sanitaires qui assurent les soins de proximité manquent, eux aussi, cruellement de besoins. Il conviendra d’entreprendre rapidement un effort important et de renforcer leur équipement tant humain que matériel.
La pénurie de médicaments constitue également un problème récurrent dans notre pays et l’accès aux traitements essentiels est rendu très difficile, voire impossible, pour les personnes aux ressources les plus modestes. Même les personnes ayant un revenu stable ont des difficultés à s’offrir un suivi médical adéquat, c’est dire l’urgence qu’il y a à améliorer notre système de santé.
En raison de cette obsolescence, de cette inadaptation, de cette désorganisation dont souffre l’hôpital les personnes dont le revenu le permet n’ont souvent d’autres solutions que de se tourner vers les cliniques privées, mais là encore les moyens financiers manquent cruellement et il serait souhaitable que le secteur, comme pour ce qui est de l’enseignement privé, bénéficie de subventions de la part de l’Etat.
Il est cruel et terrible de reconnaître que le système de santé sénégalais est un patient comme un autre, en proie à de nombreuses et graves maladies. Poser un diagnostic sincère et transparent, en écoutant les différents acteurs concernés, devra être une des premières exigences du futur gouvernement sorti des urnes au printemps 2019.
Et au-delà, tel un médecin au chevet de son malade, il lui faudra établir une ordonnance et prescrire les remèdes nécessaires à sa guérison, en sachant qu’il n’existe aucune potion magique. En plus des prescriptions indispensables, il faudra aussi la volonté de guérir de la part du patient, car les réformes indispensables ne pourront se faire sans la participation des principaux intéressés. Par exemple, l’instauration d’une taxe d’un pour cent sur le coût des communications téléphoniques, comme cela existe déjà pour l’énergie, permettrait à tous les Sénégalais de contribuer au financement de la santé.
Et en retour, de profiter des meilleurs services de celle-ci.
Ibrahima Thiam
Président UN AUTRE AVENIR