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Djihadistes Sénégalais: Cherchez Le Dénominateur Commun

Il y a de cela quelques jours, une radio de la place m’ invita à intervenir dans leur journal de 13 h, afin de commenter cette série d’ assassinats de Sénégalais de ces derniers jours. Comment expliquer ce phénomène pour le moins inquiétant ? Qu’en si peu de temps, des Sénégalais soient tués dans des endroits aussi éloignés et différents que l’ Espagne, l’ Italie, les usa, la Centre Afrique et le Congo Brazzaville ?

Je lui demandai de chercher le dénominateur commun et il aura la réponse à ses questions.

Et le dénominateur commun est que ces migrants sont souvent analphabètes, sans formation aucune, voire sans papiers, et donc obligés de prendre des risques pour gagner leur vie, soit dans des milieux criminogènes comme en Centre Afrique et au Congo Brazzaville ou à vendre des produits contrefaits donc prohibés et ceci,dans des endroits tout aussi interdits à la vente à la sauvette, comme en Espagne, aux usa, et en Italie et sont donc souvent confrontés aux forces de l’ ordre ou au milieu interlope. Qu’ils mettent ainsi leur vie en danger tous les jours. Le fait qu’ils soient si nombreux à être tués en si peu de temps, ne procède pas de la conspiration mais du simple hasard. Ceux des Sénégalais ayant migré dans des conditions normales et travaillent dans des conditions sécurisées, car ayant fait des études et reçu une formation adéquate, sont rarement victimes de ces aléas.

Aujourd’hui , et cela ne fait plus l’ombre d’un doute,il existe des djihadistes Sénégalais au Nigéria, Niger, Syrie Libye, Mali et certains d’ entre eux sont en train d’ être jugés ici au tribunal de Dakar, pour entre autres, tentative d’ implantation dans leur propre pays,d’ un camps de djihadistes en vue de créer un état Islamique par la violence .

Pour un pays connu pour ses citoyens affables, pacifistes, voire placides et débonnaires, la nouvelle fut l’ effet d’une bombe. Comment expliquer ce phénomène pour le moins inquiétant?

Il faut chercher le dénominateur commun à tous ces prévenus, pour avoir la réponse.

Et ce dénominateur commun, c’ est le Salafisme.

Le Salafisme est né au 18 eme siècle par Mouhamed Ibn Wahhab, un Saoudien , et introduit au Sénégal entre autres, en 1956 par Mamadou Ba, un étudiant de retour d’ Arabie Saoudite qui créa un mouvement appelé Al Fallah, suivi par le mouvement Jamàhatou Ibadou ar- Rahmàme fondé le 8 janvier 1979 à Thiés .D’ autres mouvements ou associations suivront. Pour les tenants de cette doctrine, qui prônent un Islam rigoureux, il s’ agit d’imiter les salafs ( les ancêtres vertueux) et donc prohiber tout ce qui est modernité et surtout occidental. Télé , radio, musique…

Les Salafistes sont très introduits en Afrique, notamment au Nigéria, Mali, Niger, Burkina Fasso, Cote d’ Ivoire qu’ ils ont réussi à déstabiliser par une violence quasi quotidienne.

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Au Sénégal ,ils étaient peu nombreux jusque dans les années 80. Cependant, avec la privatisation de l ‘ enseignement, ils se sont appropriés les internats franco-arabe grâce aux fonds Arabes et on pu propagé leur idéologie . Aujourd’hui, ils contrôlent beaucoup de mosquées dont celle de l’ université de Dakar et petit à petit , tissent leur toile grâce à des actes de bienfaisance au bénéfice de pauvres.

Dans le manifeste d’ Al Fallah, on peut lire parmi leurs objectifs au Sénégal :

–Prêcher un Islam purifié de tout syncrétisme, libérer les musulmans de la sclérose spirituelle qui s’ est installée dans l’esprit de certains d’ entre eux, lutter contre l’imitation servile…

Le Salafisme est une doctrine viscéralement contre la laïcité, puisqu’il vise l’ implantation de la charia partout dans le monde et profondément contre l’ Islam confrérique,qu’il considère comme shirk c’ est à dire associationniste .

D’ ailleurs, l’ un d’ eux, dans un livre intitulé « lumière sur le Sénégal » écrit : La réalisation d’ une société Sénégalaise Islamique passe par la disparition des confréries et la connexion du Sénégal à l’ Islam mondialisé.

Certains d’entre eux sont proches des frères musulmans Égyptiens, alors que d’ autres sont d’ obédience Saoudienne.

La population Sénégalaise est constituée à plus de 90 pour cent de musulmans et sont tous issus des confréries ( Mourides, Tidjianes, Khadres , Layennes,..) jus-qu’ à ce que nous assistâmes à cette sorte de schisme. Des Sénégalais, dont les parents et les ancêtres sont issus de ces confréries décident de rompre avec la tradition pour épouser un autre Islam, venu d’ ailleurs.

Ils sont souvent arabisants , et ont parfois fait leurs humanités dans les pays arabes ( Egypte, Mauritanie, Libye, Arabie Saoudite). D’ ailleurs, pour les fêtes religieuses, comme l’ Aid el fitr et el Kebir , la fête de la Korité et celle de la Tabaskie, ils se réfèrent à l’ Arabie Saoudite plutôt qu’ aux Capitales religieuses du Sénégal comme les autres, et donc ne partagent pas les mêmes jours de célébration. En tant qu’ arabisants, ils se prétendent victimes de discrimination de la part de la majorité francophone et nourrissent souvent un profond ressentiment envers eux et sont reconnaissables à leur code vestimentaire, des tenues traditionnelles mais au pantalon qui arrive à mi mollets, une barbe plus ou moins fournie et parfois teinte au henné .Cependant, c’ est au niveau de l’ idéologie et du projet sociétal qu’ ils se démarquent complètement du reste de la société. En effet, nous l’ avons déjà dit, ils sont viscéralement contre la laïcité considérée comme un héritage colonial et l’ Islam confrérique considéré comme syncrétique et à la gloire du fondateur et non de Dieu.

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En vérité, cette connexion laïcité/ colonisation , traduit une méconnaissance et une ignorance totale de notre histoire. .

La laïcité, qui repose sur trois valeurs, la liberté de conscience,la séparation des pouvoirs religieux et politique et l’ égalité devant la loi ne nous a pas été imposée par la France. Bien au contraire.

Depuis le moyen age, les pays Européens ont été sous le joug de l’Eglise Catholique . La première tentative de séparation eut lieu en 1122 avec le concordat de Horsm entre le Pape Calixte 2 et Henry 5 .La séparation entre l’ Eglise et l’ Etat sera décidée lors de la révolution de 1789 et consacrée par la loi de 1905.

Au Sénégal par contre, la laïcité fait partie de notre cosmogonie et de notre ontologie. Elle n’ a jamais été décrétée. Tous les royaumes qui se sont succèdés sur notre territoire , le Djollof, le walo , le Cayor, le Sine et le Saloum… ont respecté cette laïcité, même si bien sûr, on ne lui donnait pas cette appellation. A quelques exceptions prés, comme El hadj Omar Tall de l’empire du Fouta qui imposa un état théocratique en se lançant dans le djihad ou Maba Diakhou Ba , son disciple qui dirigea le Badibou, province vassale du Saloum, la religion n’ a jamais été un problème d’ état. La cohabitation fraternelle a toujours été la règle entre les religions ( Musulmane, Chrétienne et Animiste).

C’ est ainsi que Mame Mor Anta Saly et Khali Madiakhaté Kala , deux érudits musulmans ont été juges dans la cour des Thiédos du Cayor, et que le Mouridisme a pu s’ étendre en cercles concentriques même dans le Sine et le Saloum dirigés par des séréres qui croyaient au Dieu Rog. C’ est cette cohésion confessionnelle qui permit à Senghor le chrétien, de battre Lamine Gueye le musulman, lors des élections législatives de 1951, avant de devenir le premier président du Sénégal indépendant. Un dialogue interconfessionnel avec des passerelles entre les religions. Il en est ainsi quand un musulman porte des gris gris ou se fait lire l’ avenir comme un animiste ou quand on partage le mouton de la Tabaskie et le ngalax de la fête de Pâque . Et parfois aussi des ponts, quand dans une même famille ,on retrouve des parents de confessions religieuses différentes . C’est de cette laïcité dont le Sénégal a hérité en tant qu’ état et qui nous a valu cette paix sociale dans une Afrique meurtrie par les conflits politiques et religieuses.

Si ces 90 pour cent de musulmans ont toujours été soulevés, c’ est uniquement pour magnifier cette exception Sénégalaise. Aujourd’hui, que les tenants de cet Islam venu d’ ailleurs le brandisse pour justifier le droit à un état régi par la charia, est une aberration et une insulte à notre histoire et notre model de société.

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Si ces Salafistes ont jusque là échoué à déstabiliser notre pays comme ils l’ ont fait ailleurs, ce n’ est pas parce que comme certains veulent le faire croire, qu’ils ont rencontré un état fort, c’est faux. C’ est uniquement parce que leur idéologie n’ a rencontré qu’un écho extrêmement faible de la part des Sénégalais eux aussi viscéralement attachés a leurs confréries. C’ est l’ Islam confrérique qui sert de rempart , d’ obstacle rédhibitoire à l’ expansion Salafiste au Sénégal. En tout cas jusque là.

L’ Islam confrérique est un Islam Soufi c’ est à dire qui prône une spiritualité sous l’ égide d’un guide spirituel.

Et les deux Islams sont diamétralement opposés

L’ Islam confrérique est un Islam de dialogue,social et pacifique.

L’ Islam Salafiste est politique, contestataire et violent.

L’ Islam confrérique a une base appelée capitale religieuse( Touba, Tivaouane, Yoff) qui sert de repère ,enracine les fidèles et permet des rencontres annuelles ( Magal, Gamou..) .

L’ Islam Salafiste est centrefigique et expansionniste car la terre entière est sa base puisqu’il cherche à imposer la charia partout. C’ est ce qu’ils appellent l’ Islam mondial. Ce qui fait que le Salafiste n’ a pas d’ attache territorial.Il peut aller vivre sa charia ou mourir en Libye, Afghanistan,Nigéria ou Mali s’il le juge nécessaire. Comme il peut aussi faire exploser des bombes dans son propre pays sans aucun regret, comme cela s’ est passé en France. La notion de patriotisme lui est étranger.

L’ Islam confrérique ne connait pas de notions, tels le martyr ou djihad ,sauf pour parler de djihad contre ses propres pulsions et désirs .

L’ Islam Salafiste promet le titre de martyr ou Shàhada à tous ceux qui meurent au nom de l’ Islam, d’ où les nombreux candidats au djihad.

Rien de ce qui s’ est dit ne permet, ni sur le plan historique, social ou sociétal, que des individus dussent-ils Sénégalais prétendent que notre pays doit être régi par la charia. Par la violence ou le dialogue, comme le voudrait imam Ndao. Cependant, force est de reconnaître que les monstres sont là, tapis dans l’ombre et attendant l’ occasion pour frapper. Nous savons d’où viendra le danger. Il s’ agit de ne pas attendre et de prendre des mesures préventives par le biais des renseignements généraux et dissuasives par celui de la justice à l’ endroit de ceux qui, en foulant du pied nos valeurs de paix, de concorde et de convivialité, nous ont prouvé qu’ils ne sont plus de nous, mais juste parmi nous.

 

Serigne Mbacké Ndiaye

Ecrivain

serignembackendiaye897@gmail.com

Djihadistes sénégalais: Cherchez le dénominateur commun .

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