Depuis sa création, l’UGB s’est voulue élitiste. Il fallait avoir une moyenne de 13 pour y être orienté. Il y avait beaucoup d’appelés mais peu d’élus tellement que la sélection s’y faisait d’une manière rigoureuse et totalement impartiale. Une fois recruté, l’étudiant était dans des conditions qui sont meilleures quand dans beaucoup d’écoles privées de ce pays. Les enseignants qui avaient à faire à un nombre réduit d’étudiants dispensaient une formation classique mais avec une approche révolutionnaires fondée sur une pédagogie participative et novatrice. De l’autre côté, il y avait une vie sociale apaisée. On vivait à deux par chambre et les restaurants universitaires servaient une nourriture saine. Ces dispositions n’étaient pas vaines. L’UGB rayonnait partout dans le monde. Les organismes onusiens et internationaux s’arrachaient les sortants de Sanar. Dans les concours nationaux, c’était toujours un étudiant de l’UGB qui sortait major. Cela peut se vérifier aujourd’hui encore facilement. Cependant Sanar a perdu de sa superbe et de ce qui faisait sa singularité exceptionnelle. L’UGB se meurt à petit feu et son agonie ne date pas d’hier.
Tout a commencé en 2007 quand les remous se multiplient à l’Université cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar. Le gouvernement d’alors avait à cœur de désamorcer la bombe UCAD qui n’en pouvait plus d’accueillir de nouveaux bacheliers. Il fallait trouver une solution en mettant fin aux caprices de la seconde université du pays qui tenait encore beaucoup à son statut d’institution d’excellence. Le ministre de tutelle d’alors, Moustapha Sourang, milite pour un accroissement considérable du nombre d’étudiants admis à l’UGB. A ce moment précis, l’Etat du Sénégal a fait le choix de mettre fin à la belle histoire de «creuset de l’excellence » de l’UGB. Il fallait désengorger l’Ucad, les centres universitaires régionaux n’étant pas encore parfaitement fonctionnels, l’UGB était la bonne affaire.
Il fallait quelqu’un pour porter ce projet, le président Wade porte son choix sur le professeur Mary Teuw Niane. Un mathématicien émérite, pointilleux mais surtout très ambitieux. C’est sans grande difficulté que le président Wade va lui vendre son projet. Tout de suite on va entendre parler de « montée en puissance ». L’Ugb s’engage à accueillir encore plus de nouveaux bacheliers contre la promesse de l’Etat de suivre avec des moyens d’accompagnement notamment la construction de nouveaux amphis, de nouvelles salles de cours et surtout de nouveaux logements pour les étudiants. Malheureusement, ces moyens ne suivront qu’à compte-goutte.
Et pourtant, l’Ugb va remplir sa part du contrat. De quatre unités de formation et de recherches (Ufr), l’université va passer à huit en un temps record. Le nombre d’étudiants passe du simple au double sans qu’il y ait une véritable évolution des infrastructures. Et déjà en 2009, on commençait à se sentir à l’étroit dans le campus universitaire. La construction puis la livraison du village M n’a été qu’une goutte dans l’océan. Désormais, vivre à deux dans une chambre était quasi impossible, dans les deux restaurants, il fallait faire une longue queue pour manger. En un temps record, le climat serein qui caractérisait l’Ugb a disparu. Ce qui s’est très vite répercuté sur les résultats pédagogiques.
Ce nombre pléthorique d’étudiants mettait tout le monde à fleur de peau : le personnel enseignant comme celui administratif. Le moindre mouvement d’humeur des étudiants fait peur à l’administration. Au point de pousser le recteur en 2010 à autoriser l’entrée dans le campus des forces de l’ordre. Ce fut le début d’une longue croisade entre étudiants et autorités universitaire. Cela a instauré un climat de méfiance et de tension permanente. Aujourd’hui des années glorieuses de l’Ugb, il ne reste que des souvenirs. L’Etat a précipité la décadence de cette université qui a pourtant tant donné à ce pays. Il n’est peut-être pas trop tard. Cependant, il faudrait d’abord savoir ce que nous voulons vraiment pour l’Ugb : en faire de nouveau un creuset d’excellence au service de la nation ou un dépotoir de nouveaux bacheliers à l’avenir condamné ?
Le limogeage du recteur et du directeur du centre des œuvres universitaires (Crous) va peut-être apaiser la situation mais ça ne va pas pour autant régler le problème. Il faut prendre des mesures structurelles, accepter de consentir d’énormes sacrifices pour rendre à l’UGB son lustre d’antan.
Mbaye THIAM
Ancien Etudiant à l’UGB
Promo Sanar 15
UGB: De la montée en puissance à la descente aux enfers .