La Journée mondiale de l’environnement (Jme) est dédiée, cette année, à la lutte contre la pollution plastique. Cette dernière qui constitue l’une des pollutions visuelles les plus agressives est omniprésente dans la majorité des villes africaines. Elle est principalement due à une défaillance du système de collecte des déchets dans nos villes.
Comment en est-on arrivé à une telle situation ?
Bien que les matières plastiques soient considérées comme des matériaux modernes, elles ont une histoire d’un siècle et demi. Le développement industriel du caoutchouc a débuté en 1839 avec la découverte du procédé de vulcanisation dont l’une des premières applications ont été la fabrication de pneus. Par la suite, il a été découvert le celluloïd qui est considéré comme la première matière plastique commercialisée. Depuis, la synthèse de nouvelles macromolécules n’a jamais cessé, adaptant l’offre aux applications les plus diverses et gagnant ainsi de nouvelles parts de marchés sur les matériaux dits traditionnels, tels que le bois, le verre, le métal. On peut dire que ce sont dans les années 30, avec la découverte de thermoplastiques (les thermoplastiques qui, sous l’action de la chaleur, fondent et reprennent leur rigidité en refroidissant) et thermodurcissables, que le plastique a pris de l’essor.
L’emballage représente le premier secteur d’application des matières plastiques avec 39 % de part. Les déchets des emballages plastiques dont le volume ne cesse de croître posent, aujourd’hui, un sérieux problème environnemental du fait de leur grande stabilité. Ils se retrouvent souvent dans la nature où ils peuvent y rester des dizaines d’années avant de se dégrader sous l’action du soleil (la photo-dégradation des plastiques) et/ou des micro-organismes présents dans la nature (la biodégradation des plastiques).
Traitement et valorisation des déchets plastique
Cependant, il existe plusieurs solutions de traitement et de valorisation de ces déchets plastiques, mais aucune d’elles ne parait définitive à l’heure actuelle et aucune ne relève du découpage historique des disciplines scientifiques. On peut citer les trois plus importantes :
Le stockage en décharge est un palliatif pour les déchets plastiques collectés, mais reste inefficace pour les plastiques disséminés, tels que les sachets plastiques, les bouteilles en plastique.
L’incinération est intéressante, car elle restitue de l’énergie, le pouvoir calorifique des plastiques étant identique à celui du fioul et du charbon. Ce sont donc des matières combustibles tout à fait intéressantes, sous réserve de la mise en œuvre d’équipements spécifiques au traitement des fumées dégagées. En effet, la combustion des plastiques produit du gaz carbonique, des poussières et des résidus, voire des produits toxiques qui sont nocifs aussi bien pour la santé de l’homme que pour l’environnement.
Cette valorisation énergétique des plastiques est particulièrement intéressante pour les cimenteries qui devraient répondre aux normes environnementales.
Le recyclage est potentiellement intéressant mais :
– il exige, d’une part, une certaine organisation : la collecte (récupérateurs), la préparation (lavage, tri, broyage), la transformation (régénération par re-granulation) et, enfin, le recyclage (fabrication de nouveaux produits). Toutes ces étapes sont génératrices d’emplois ; ce qui peut contribuer à la réduction de la pauvreté, donc à un développement durable, tout en préservant l’environnement.
– d’autre part, il a toujours été pensé qu’il conduisait à des produits inférieurs. Aujourd’hui, l’état de la recherche permet de mettre sur le marché des produits de grande qualité tout simplement en ajoutant dans la formulation des agents stabilisants. Ces derniers (de type antioxydants, Hindered Amines light Stabilizers, Hals, anti-Uv) jouent un rôle protecteur contre son vieillissement et la perte des propriétés physiques et chimiques.
On peut citer des exemples de recyclage en Afrique comme la confection des sandales, de sacs et d’autres objets pratiques à partir de plastiques recyclés, la fabrication de pavés et de bordures, dans les Btp (Bâtiments & travaux publics) l’incorporation de déchets de polyéthylène (Pe) dans l’asphalte permettant d’empêcher la formation d’ornières… On pourrait aller plus loin en confectionnant des bornes signalétiques, des poubelles et bien d’autres utilités en mettant à contribution les résultats actuels de la recherche. En effet, dans notre capitale, il y a une absence criant de poubelles pour les populations ; de même, lorsqu’on se rend à l’intérieur, il y a une absence totale d’indication ; ce qui ne facilite pas le déplacement aussi bien des populations locales que des touristes qui souhaitent visiter le Sénégal des profondeurs.
A l’Institut des métiers de l’environnement et de la métrologie (Imem), nous avons mis au point un concept utilisant des pneus usés et des déchets plastiques (mbouss) pour réaliser des aménagements urbains. Ces derniers sont visibles sur les bosquets du Rectorat de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), du jardin de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie de l’Ucad et des jardins de Cambérène. Sur le premier site, il a été recyclé 3600 pneus usés, 3,6 m3 de déchets plastiques ; sur le second, 1062 pneus usés et 1,5 m3 de déchets plastiques et, enfin, sur le troisième, 1200 pneus usés et 2 m3 de déchets plastiques.
Ce concept, développé sur toute l’étendue du territoire, permettrait de faire du Sénégal un pays avec « zéro déchet plastique » disséminé dans la nature (origine de la pollution visuelle), de créer des emplois, de lutter contre le paludisme, car ce sont dans les pneus usés abandonnés dans la nature que les moustiques se reproduisent pendant l’hivernage, de lutter contre le réchauffement climatique, parce que les populations auraient tendance à brûler les déchets plastiques qui, lors de leur combustion, émettent beaucoup de gaz à effet de serre.
Loi interdisant les plastiques : quel bilan ?
Par la loi n° 2015/09 du 04 mai 2015 qui est entrée en vigueur le lundi 4 janvier 2016, l’Etat du Sénégal avait promulgué une loi interdisant l’usage de sachets plastiques à faible micronage (moins de 80 microns) pour principalement lutter contre les sachets plastiques disséminés dans la nature. Selon la loi, sont interdits la production, l’importation, la détention en vue de la mise en vente ou la distribution à titre gratuit des sachets plastiques d’une épaisseur inférieure à 80 microns.
Cette interdiction devait amener les citoyens à un changement de comportement… A l’heure du bilan, on peut dire que la pollution plastique est toujours là et les populations n’ont guère changé de comportement, car malgré la non-gratuité des sacs en plastique dans les magasins, on en use et en abuse. On note cependant la présence de sacs en papier dans les grandes surfaces même si la production de sacs en papier nécessite la coupe d’arbres et l’utilisation de volumes d’eau importants : le premier étant un outil de lutte contre le réchauffement climatique alors que l’eau devient une denrée rare…
Pourquoi ne pas revenir à nos habitudes d’antan où les femmes faisaient leur marché avec des paniers ou des calebasses? Dans chaque maison de l’époque, il y avait un sac en toile de jute qui servait pour les courses qu’on utilisait un millier de fois…
Pr Adams TIDJANI
PhD en Physique Nucléaire,
PhD en Photochimie des Polymères
Imem/Ucad