La participation des peuples colonisés à l’effort de guerre pendant la deuxième guerre mondiale en hommes, en matières premières, en argent, en denrées et autres avait sans nul doute suscité chez ces derniers un éveil de conscience et un sentiment anticolonialiste.
Ainsi, des mouvements en faveur de l’indépendance vont-ils naître et se développer dans les colonies.
L’Union française vit le jour le 13 octobre 1946 et modifia le statut des colonies qui deviennent des Territoires ou Départements d’outre-mer.
Beaucoup de réformes se succéderont les unes aux autres pour l’affirmation d’une nouvelle autonomie des anciennes colonies.
Le processus aboutira le 17 janvier 1959 à la création de la Fédération du Mali entre le Sénégal et le Soudan français, laquelle va éclater le 20 août 1960 pour donner naissance à la République du Sénégal.
Au plan politique c’était l’ère de l’autonomie de notre pays.
Mais si on interroge l’histoire du Sénégal indépendant, il serait légitime, eu égard aux différentes péripéties que nous avons connues jusqu’à présent, de se poser la question de savoir si cette indépendance n’est encore qu’une vue de l’esprit.
L’autonomie politique est-elle possible sans une autonomie économique préalable ?
Le sort des colonisés a-t-il connu une amélioration après les indépendances ?
Fama, personnage de l’œuvre Les Soleils des indépendances de Ahmadou Kourouma, publiée en 1968, ne répondrait pas par l’affirmative, lui qui se demandait à quand la fin des indépendances après avoir vu son commerce ruiné par cette ère dont le « soleil », au lieu d’éclairer nos états naissants semble s’éclipser de jour en jour.
Avec le régime du Président Abdou DIOUF, l’Etat qui n’avait pas les moyens de sa politique a été obligé de faire la politique de ses moyens en acceptant le diktat du FMI et de la Banque avec les Plans d’Ajustement structurel.
L’avènement de la première alternance en 2000 avait donné un brin d’espoir avec le Président Abdoulaye WADE plus enclin à se départir de l’influence étrangère, particulièrement celle de la France, en diversifiant le partenariat économique avec des pays comme la Chine, la Corée ou le monde arabe.
Toutefois ces efforts pourraient être annihilés par l’attitude du Président Macky SALL qui, bien que né après les indépendances, semble paradoxalement traîner encore le complexe du colonisé trahi par son lapsus, au sens freudien du terme, c’est-à-dire une erreur verbale apparaissant comme une manifestation inconsciente sur l’affaire du « dessert » servi aux tirailleurs sénégalais par nos « amis » français. Vouloir le considérer comme un signe de « respect » témoignerait de sa méprise de l’histoire de la colonisation.
D’abord les tirailleurs sénégalais étaient le terme qui permettait de désigner les troupes d’infanterie coloniale recrutées dans toute l’Afrique noire. Le terme « sénégalais » leur est donné simplement parce que le premier régiment a été créé au Sénégal.
Ensuite peut-on parler de « respect » en référence à la colonisation, si on sait les raisons qui avaient poussé les Occidentaux à nous coloniser ?
Ne parlait-on pas de « mission civilisatrice » envers des peuples dénués de toute culture et de toute civilisation mais qui cachait mal une ambition de faire main basse sur nos ressources naturelles ?
Césaire ne disait-il pas que « colonisation = chosification » ?
Ne serait-il pas saugrenu de parler de « respect » dans ce contexte ?
Aussi, dès son accession à la magistrature suprême, le Président a-t-il réservé sa première visite officielle à la France scellant ainsi son acte d’allégeance vis-à-vis de l’ancienne métropole.
Celle-ci détient aujourd’hui une très grande partie de l’économie de notre pays avec de grandes filiales comme Total, Eiffage, SENAC, Auchan etc. qui ont une main mise dans les différents domaines d’activités de notre pays.
Au moment où des pays plus développés comme le Nigéria hésitent encore à signer les Accords de partenariat économique(APE), notre pays a accepté ces accords de libre- échange avec l’Union européenne(UE) qui voit désormais ses produits entrer librement dans le marché sénégalais.
La conséquence c’est que ces Accords de partenariat économique risquent de se muer en « Accords de pendaison économique » parce que les entreprises sénégalaises auront du mal à faire face à la concurrence déloyale de l’Europe dont l’agriculture est fortement subventionnée, ce qui n’est pas le cas de nos pays.
Fatalement, l’exemple de Auchan est là très patent, beaucoup de nos entreprises intervenant dans la chaine de distribution risquent de mettre la clé sous le paillasson parce que incapables de supporter la concurrence d’une puissante filiale qui est prête à faire du dumping sur ses produits et miser sur le temps pour mettre au pas nos entreprises locales.
Toute la chaine de distribution, de l’usine jusqu’au vendeur de détail, risque d’en subir les contrecoups.
Un recentrage est donc impératif pour protéger nos entreprises encore très fébriles d’une condamnation à mort dont les conséquences seront désastreuses pour toute la société sénégalaise.
Ce recentrage devrait avoir pour pilier le « Guem sa bopp » qui semble avoir pignon sur rue mais qui ne devrait pas se résumer en des slogans creux. Il devra puiser profondément dans notre patrimoine immatériel pour s’adosser à des valeurs bien de chez nous comme le Jom, la Kersa, le sutura, le Jàppal ma jàpp, le mun qui constitueraient le ciment d’une nouvelle société gage de réussite et d’indépendance, laquelle ne pourrait tolérer la simple idée d’ériger « une place de l’Europe » dans une ville aussi symbolique que Gorée avec sa mythique maison des esclaves.
Cela passera inéluctablement par une gestion rationnelle et optimale de nos ressources naturelles qui doivent être mobilisées dans l’intérêt exclusif des Sénégalaises et des Sénégalais.
Tous unis pour un Sénégal indépendant !
Pour l’émergence on verra après !
Fait à Dakar le 07 juin 2018
El Hadji Abdou WADE dit Mara.