Pour prétendre faire atterrir un avion de ligne en toute quiétude ,il est plus qu’impérieux d’être non seulement un pilote chevronné ou expérimenté , mais surtout il est nécessaire d’être un commandant de bord consciencieux soucieux de sauvegarder la vie de centaines de passagers sous sa responsabilité .
Un État n’est certes pas un avion à piloter ou un navire à conduire, mais sa gouvernance est plus périlleuse et plus complexe que toutes ces machines ,car diriger un peuple, administrer des citoyens nécessitent de la part du ‘’commandant de bord’’ , du ‘’capitaine de navire’’ ou pour être moins métaphorique du Président de la République non seulement des qualités techniques hors pair, mais surtout des qualités humaines extraordinaires. Gouverner des hommes n’est pas une mince affaire, ce n’est pas à la portée de n’importe qui. Cela nécessite une bonne dose de compétence, une grande connaissance de l’humain, un sens élevé de l’écoute et du dialogue, un profond sentiment de responsabilité, un patriotisme à toute épreuve, une grande capacité d’adaptation et d’anticipation pour ne pas conduire ses administrés dans le gouffre.
De la même manière qu’il est impensable , hasardeux voire suicidaire de faire décoller un avion ,sans compétence de pilotage, sans s’assurer de choisir un personnel compétent, sans procéder aux vérifications techniques nécessaires, sans faire le plein de kérosène, sans avoir un plan de vol clair, sans rappeler aux passagers les mesures de sécurités nécessaires; de même , il est inimaginable de prétendre diriger un État sans avoir une feuille de route claire, sans s’entourer de collaborateurs compétents et consciencieux, sans mettre sur pied des mecanismes de contrôles et de sanction adéquats, sans dire à ses administrés la direction à prendre et la destination salutaire à laquelle vous comptez les mener.
Pourtant, à observer le Sénégal, on a comme l’impression de voir un avion sans pilote au point que tous les signaux de détresse sont au rouge. Le moins que l’on puisse dire pour peu qu’on soit objectif, c’est que notre République est très mal gouvernée. Le pays tel un navire sans gouvernail est entrain de chavirer vers des eaux troubles inconnues.
Pour preuve, on assiste à une pléthore de Ministères aux fonctions et prérogatives imprécises. À cela s’ajoute une valse de Premiers Ministres, en moins de cinq ans ,le régime actuel a changé trois fois de chef de gouvernement, procéder à des remaniements réguliers et à des nominations aux postes de direction non maîtrisées . Cela contribue à favoriser le tâtonnement dans les prises de décisions et à donner l’impression qu’on n’a pas une vision claire de là où on veut mener le pays.
Pratiquement tous les secteurs névralgiques de notre pays sont en quasi déliquescence : l’éducation, la santé, l’agriculture,la justice, la sécurité, l’hydraulique, l’environnement, les finances sont dans un état piteux au point que le front social s’embrase.
L’État, tel un pompier surpris par les flammes incandescentes, tente d’éteindre le ‘’feu social’’ avec ‘’des sceaux d’eau’’ insignifiantes ou des mesures circonstancielles de fortune. Il semble en termes clairs rafistoler ou colmater les brèches ‘’sociales’’ béantes résultant d’un déficit de planification évident. Ainsi pour surseoir à la longue grève des enseignants ,pourtant prévisible puisque les accords qui ont été signés depuis 2014 avec les syndicats d’enseignants n’ont pas été respectés, l’État a joué au dilatoire au point qu’on soit à deux doigts de l’année blanche avant que la Première Dame n’intervienne de mamaniè inopportune ou bizarrement « en bonne samaritaine » pour sauver les meubles avant son époux ne se décide d’augmenter l’indemnité de logement des ‘’soldats su savoir’’ .De même pour parer aux manquex d’eau des mois durant, l’Etat comme à son habitude opte pour des actions ponctuelles telles construire des forages en pleine ville ou ériger des bornes fontaines publiques .Cela dénote d’un manque de vision politique notoire et d’un ameuteurisme criard de la part de nos autorités.
Toutes les années pratiquement les étudiants s’agitent pour réclamer leurs maigres bourses lesquelles constituent pour beaucoup d’entre eux l’unique moyen de subsistance alors que le budget alloué pour cette occasion est déjà voté. Pour qu’on puisse rétablir les étudiants dans leur droit, il faut souvent qu’ils versent dans la violence ou qu’un des leurs rendent l’âme que ce fut le cas du malheureux Fallou Séne faucher par une balle à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est seulement à la suite de cet événement tragique qui a suscité l’émoi, la consternation et l’indignation sociale que l’État à l’image d ‘’ un médecin après la mort’’ à essayer d’apaiser la colère populaire et estudiantine en donnant à la famille de la victime de l’argent et quelques cadeaux et en augmentant la bourse des étudiants.
De la même manière, il a fallu qu’il y ait des victimes au niveau de l’autoroute à péage pour que les autorités se décident enfin d’installer des éclairages. On se souvient surtout de la cohue occasionnée par le non retrait des cartes d’électeurs lors des dernières élections législatives au point que pour permettre à certains citoyens mécontents de s’acquitter de leur droits, le Président de la République avait signé un décret illico presto leur autorisant de voter avec leurs récépissés. Cette façon improvisée de traiter les affaires du pays est récurrente dans le régime actuel.
On se souvient encore du malheureux épisode de la panne du tuyau de Keur Momar Sarr plongeant Dakar dans une sévère pénurie d’eau au point que le chef de l’État habillé en treillis militaire s’était rendu sur place pour résoudre le problème, il a fallu importer les matériaux de rechange de France et faire appel à un technicien venant de l’Hexagone dare dare pour réparer les dégâts.
C’est le même système de gouvernance par ‘’takalé’’ ou par colmatage qu’on a vécu dans la commercialisation de l’arachide, c’est toujours au dernier moment que les agriculteurs meurtris par des intermédiaires véreux sont payés après avoir souffert de martyrs des longues périodes de soudures.La construction de l’arène nationale sur le site de la technopole étant une zone marécageuse servant de bassin versant pour Pikine et ses environs pour faire plaisir au monde de la lutte est à mettre sur le compte d’une gestion fondée par l’urgence électorale et non la pertinence , car tous les spécialistes de l’environnement savent que cette infrastructure va complétement exacerbés les inondations dans les lieux
L’administration des ressources pétrolières ne déroge pas à cette règle de gouvernance différée, car il a fallu que des opposants à l’image d’Ousmane Sonko agitent le cocotier de la gestion plus que nébuleuse de nos ressources minières pour que le gouvernement appelle à une concertation sur la question alors que des contrats importants engageant le devenir de notre pays sont déjà signés. Autant dire qu’on assiste à véritable pilotage a vue laquelle avait déjà commencé quand le ‘’Programme Yonnu Yokuté’’ pour lequel le candidat Macky Sall a été élu s’est subitement mué en ‘’plan Sénégal émergent’’ lequel semble accordé la priorité aux infrastructures acquises grâce à un endettement abyssal que rembourseront péniblement les générations futures.
Certes un pays, pour se développer à besoin de routes, d’aéroports, de trains etc.., mais encore faudrait-il que les secteurs de base qui fondent le développement à savoir l’éducation, la santé et l’agriculture soient la rampe de lancement d’une émergence durable. Une gouvernance clairvoyante ne saurait ignorer que c’est grâce à un peuple bien éduqué, bien formé, bien portant et bien nourri que l’essor pourrait advenir. Il ne faudra donc pas mettre la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire inverser l’ordre de préséance du développement, car toute émergence durable doit être fait par et pour le peuple.
Ciré Aw
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