Pauvres pays africains… Déjà passablement embourbés dans des crises multiples et multiformes dont les causes structurelles mériteraient une approche plus rigoureuse pour fonder un consensus fort sur les voies et les moyens de les juguler, les pays africains, et plus particulièrement notre Sénégal, sont livrés au cannibalisme des réseaux dits sociaux. Au vu des dégâts considérables que les nouveaux outils de diffusion de la parole commencent à causer sur les équilibres… sociaux (!) ancestraux de notre nation, il est impératif de refuser la fatalité et de rebâtir des digues, inexpugnables, pour protéger le cœur de notre «commun vouloir de vivre ensemble». En effet, les outrances verbales, commises naguère sous le sceau de l’anonymat, osent désormais s’afficher, en direct et à l’image, et veulent s’incruster dans la normalité.
Ces dérives… verbales, en attendant mieux (?), n’épargnent plus aucun secteur. Du profane au… sacré ! Aucune personnalité politique, religieuse ou coutumière, quels que soient son âge et son honorabilité, n’est plus à l’abri d’agressions verbales de bas étages venant de personnages inconnus au panthéon des bâtisseurs du Sénégal. A quelque échelon que ce soit. Le fait nouveau étant que certains de ces «illuminés» vont jusqu’à s’attaquer aux croyances les plus sacrées des différentes composantes de notre Nation. En réalité, ces prétendus «Don Quichotte» des temps modernes surfent sur l’actualité pour se tailler une «renommée», en s’attaquant à ceux qui ont plusieurs longueurs d’avance sur eux en termes de réalisation de leurs propres vies. C’est, en fait, la lumière de ceux qu’ils attaquent, qui les sort de la pénombre. Car ces tristes individus ne s’attaquent qu’à des personnes connues pour tirer profit de leur aura. Plus la cible est visible, plus l’attaque sera perfide et inattendue. Plus l’insulte sera indécente, plus elle suscitera l’indignation des uns et, hélas, la curiosité lubrique des autres. Effet buzz assuré, comme on le dit maintenant. Promotion de la bêtise et de la méchanceté gratuite… ou presque. Il se dit en effet que certains insulteurs publics seraient sponsorisés…. Allez savoir par qui !
La question qui se pose désormais à nous tous est la suivante : pourquoi nous regardons et surtout… pourquoi nous partageons certaines «pépites» en termes de déchéance de la nature humaine ? Pourquoi nous donnons une audience à des voix qui devraient rester inaudibles ? Car en vérité, certains Sénégalais, de plus en plus nombreux, semblent avoir une tendance à se délecter du malheur des autres. En dépit des apparences, souvent trompeuses, nos concitoyens consomment sans retenue les ragots les plus invraisemblables et diffusent, à la vitesse du son, les pires médisances pourtant qualifiées de péchés… capitaux dans tous les prêches !
Que nous arrive-t-il donc ? A moins de nous accorder définitivement sur le fait que la majorité des Sénégalais ne sont plus conformes aux valeurs spirituelles et religieuses, mais aussi traditionnelles et coutumières qui ont fait la gloire de nos résistants ainsi que le prestige de nos guides religieux. En tout état de cause, il va falloir secouer vigoureusement la torpeur collective ! Il va falloir se dresser, en un sursaut salvateur, et faire face au processus avancé de délitement du socle fondateur de notre nation. Nous valons mieux ! J’ose encore l’espérer…
Les médias traditionnels devraient ouvrir leurs antennes à des débats en profondeur sur la crise des valeurs qui tend à la destruction de notre tissu social. Je dis bien débats et non querelles de bornes fontaines, comme on en voit tant sur certaines chaînes. Les voix qui portent, devraient mesurer leur responsabilité et l’assumer. Car, même l’émergence chantée sous tous les toits perdrait son sens dans le contexte d’un pays moralement et culturellement détruit.
Au premier rang des facteurs aggravants de la crise actuelle, l’oisiveté. Il faut en effet beaucoup de temps, et rien à l’horizon, pour consommer tout ce qui se diffuse sur les réseaux sociaux. Second facteur, l’éducation ou plutôt le manque d’éducation et d’instruction, notamment en la matière, toute nouvelle convenons-en, d’utilisation des nouvelles techniques de communication (Ntic). D’usage très simple, voire simpliste pour la plupart des applications sur téléphone mobile, ces outils se transforment en armes de… destruction massive entre certaines mains. Des discours violents, indigents et incendiaires fusent de partout et des lignes de fractures commencent à se dessiner. Il va falloir y mettre le holà avant l’irréparable. Le khalife général des mourides a bien fait de tracer une ligne rouge à ne pas dépasser. Le khalife général des tidianes a également lancé un appel à la sérénité, en rappelant le respect dû à toutes les confessions ainsi qu’à toutes les croyances. Ils sont dans leur rôle. L’église catholique, par la voix de l’Archevêque de Dakar, a tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme. D’autres voix s’élèvent, par-ci par-là, qui attestent que le malaise est latent. Il reste à consolider ce cadrage par l’engagement de tous les patriotes sincères à préserver l’essentiel. Plus encore, il va falloir élaborer une stratégie nationale d’éducation et d’apprentissage à l’utilisation des Ntic, mais aussi à la répression des délits qui pourraient en découler.
Et pourtant ! Que de possibilités s’offrent à nous pour résorber plusieurs gaps dans tous les secteurs de l’activité humaine grâce aux nouvelles technologies ! Tenez, rien que pour le secteur éducatif, les possibilités de se former en ligne et même d’accéder à des diplômes sont infinies. Les Mooc (Massive open online course) ou Formation en ligne ouverte à tous (Flot), appelée aussi Cours en ligne ouvert et massif (Clom), sont des types de formation à distance capables d’accueillir, en même temps et selon des localisations géographiques différentes, un grand nombre de participants. L’offre en formations y est diverse. Elle est pointue. Même les retraités désireux de changer, ou de bonifier leur profil, peuvent y trouver leur bonheur. Face à l’engorgement de nos universités et à la pauvreté de nos bibliothèques, les étudiants peuvent y compléter les cours reçus en amphi par des cours en ligne sur des sujets abordés en classe. Il suffit d’un accès à internet et d’avoir une ferme volonté à progresser, le désir ardent de se former.
Au demeurant, un autre des intérêts des réseaux sociaux est leur utilité en termes de veille démocratique et citoyenne : Plusieurs exactions commises, notamment par des services «d’ordre», ont pu être portées à l’attention des autorités et des organisations en charge du respect des droits humains. Cela va dans le bon sens. Des faits de corruption et de mauvaise gouvernance ont pu être dénoncés. Il faut simplement encadrer tout cela, pour ne pas ouvrir la porte à des manipulations de toutes sortes, en corsant les sanctions en cas de malfaisance avérée.
Tout cela pour dire que les dimensions positives et utiles à nos pays doivent prendre le pas sur la médiocrité ambiante et ses dérives. Eduquons nos peuples. Montrons aux jeunes les possibilités infinies qu’ils pourraient tirer des Ntic et des réseaux sociaux pour se réaliser et contribuer au développement de notre pays.
Amadou Tidiane WONE
Réseaux… asociaux ? (Par Amadou Tidiane WONE) | .
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