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Le Bon Gouvernement Et La Vertu Publique Et Politique

Les paradigmes de la science politique anglo-saxonne, notamment américaine, insistent fréquemment sur la vertu politique et publique,  celle-ci étant, aux yeux de certains doctrinaires et des pères fondateurs, les caractéristiques du bon gouvernement. Cette réflexion n’est pas nouvelle. Elle est même ancienne si l’on se réfère aux travaux de Socrate, Platon, Cicéron, etc. On retrouve aussi ces principes dans les conclusions des assises nationales et au niveau de la Charte de gouvernance démocratique, dans la Charte de Mandé, la révolution torodo de Thierno Sileymane Baal, etc. 

Qu’est-ce qu’est le bon gouvernement ? Surprise : « c’est celui qui nous enseigne à gouverner nous-mêmes », nous donne le sens des responsabilités, de l’auto-responsabilité, respecte notre droit de le contrôler… Hérésie, diront-ils, ceux-là formés autrement et qui n’y ont pas intérêt. Car, figurez-vous, chez nous, on voit souvent ces gouvernements négliger la maturité citoyenne et la discipline comme enjeux fondamentaux de gouvernance. 

Jugez-en vous-mêmes : le désordre dans nos rues, les occupations irrégulières de la voie publique, des débats politiques peu porteurs et créateurs de valeur ajoutée, la surveillance par les audits, les investigations, les évaluations de politiques, projets et programmes affaiblie, les promotions rapides à l’emporte-pièce qui naquirent au cours de ces années 2000 perturbant tout un système de gestion des hommes et des talents, etc. A cet égard, la constitution, les lois et les règlements, bien qu’utiles, ne suffisent pas pour combler les défaillances d’un système déjà corrompu. En effet, il faut des leaders engagés à mériter les responsabilités confiées, à honorer la nation et leurs mandants, prêts à assumer un leadership qui pousse le peuple à la maturité, à la discipline et à se prendre en charge. 

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Au 19ème siècle, Henry Ward Becker rappelle un tel impératif en soutenant « qu’il n’y a pas de liberté pour des hommes qui ne savent pas se gouverner eux-mêmes. » Lisez les programmes politiques proposés ; à quelques rares exceptions, vous n’y trouverez rien de tout cela. Se gouverner, en toute responsabilité, et vivre dans un pays doté d’un gouvernement responsable et courageux supposent que la vertu publique et l’éthique soient largement disséminées. 

La vertu publique ne peut exister sans la vertu privée, comme le rappelle John Adams, la nôtre, celle des citoyens, des entrepreneurs, des policiers, contrôleurs, juges, etc. Les deux constituent ainsi les leviers d’impulsion des changements éthiques et moraux et de la liberté créatrice de valeurs et de richesses. Mais faut-il encore avoir des dirigeants qui acceptent que le pouvoir leur est délégué et qu’ils ont cet impératif d’en rendre compte. Un peu comme écrivait Thomas Jefferson, « aucun gouvernement ne peut être vertueux et bon qu’à condition d’être soumis au contrôle des gens, d’un peuple libre dont l’esprit a été nourri par la vertu, qui a été éduqué et formé à ce qui est normal ou anormal, à ce qui est juste et équitable et qui a été dissuadé des vices. »

Faut-il encore que le gouvernement et ses ministres aient ces qualités et cette volonté ! Faut-il aussi que le peuple souverain exige ces vertus comme critères, notamment à l’occasion du vote et en cours d’exercice des mandats. Ce n’est donc que lorsque cette vertu atteint un stade avancé que la liberté des autres devient un levier de contrôle des citoyens sur les gouvernants, que l’on respecte la méritocratie et la créativité des gens.

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Sans doute, connaissez-vous Goethe, cet écrivain allemand qui se posa la question suivante : « Quel est le bon gouvernement ? Le meilleur ? C’est celui qui enseigne au peuple à se gouverner … Mais, pour cela, il faut un gouvernement et un peuple guidés par la vertu publique et la vertu morale, des élites qui comprennent que ni la plus sage des constitutions ou la plus sage des lois ne  peut garantir la liberté et le bonheur des gens corrompus. 

C’est tout un programme…

Abdou Karim Gueye est membre du Conseil National du parti Alliance pour la Citoyenneté et le Travail, il a été Inspecteur général d’Etat pendant près de trente ans et ancien Directeur général de l’Ecole Nationale  d’Administration et de Magistrature du Sénégal.

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