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Etudiants Du Sénégal, Pourriez-vous Réclamer Vos Droits Sans Violence ?

Etudiants Du Sénégal, Pourriez-vous Réclamer Vos Droits Sans Violence ?

«Foo fekk nit kuy yàq, lamuy yàq moomuko ! Bu fekkee ni moo ko moom, kon ab dof la !»

J’ai vu avec une grande tristesse l’ampleur des dégâts à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Ugb), suite aux terribles évènements du 15 mai 2018. Je n’ai jamais été étudiant dans une université sénégalaise. Seul mon fils aîné a fréquenté l’Ucad. Il est devenu professeur de philosophie à l’Université de Montréal. A l’époque, je lui interdisais formellement de participer à des manifestations estudiantines violentes… En effet, toute confrontation entre des éléments armés au nom de la loi et des citoyens désarmés ou mal armés se termine souvent par la fuite ou la mort dans les rangs de ceux qui sont désarmés ou mal armés. Voilà pourquoi il me plaît de souvent rappeler cette pertinente citation que le vénérable Cheikh Ahmadou Bamba (Rta) nous a léguée : (Dem xare daw, walla dem xare dee, fooko fekk ndam amu fa). «Aller à la guerre et prendre la fuite ou y perdre la vie ne sont pas signes de victoire.» Voilà pourquoi Serigne Touba a toujours pardonné à ses tortionnaires colonisateurs. Il n’a jamais prôné la violence. Il n’a jamais demandé à quiconque de le venger.

J’ai été horrifié par la violence de la contestation estudiantine qui a eu lieu le 15 mai 2018 et qui a mis à feu et à sang Saint-Louis du Sénégal, ville de paix, de teraanga et d’élégance dans le langage et dans le comportement quotidien. Cette belle ville n’a jamais connu une manifestation estudiantine d’une telle ampleur et d’une telle barbarie avec un mort, tant de blessés et de dégâts matériels. En ma qualité de natif de la ville, je peux affirmer que la mort de l’étudiant Fallou Sène a profondément affecté les Saint-louisiens. En effet, depuis la création du lycée Faidherbe, premier lycée créé par la France hors de son propre territoire en 1884, les élèves ont toujours manifesté à Saint-Louis, mais jamais ils n’ont versé dans la violence aveugle et insensée, au point de perdre un des leurs dans une bataille fratricide, comme ce fut le cas le 15 mai 2018.

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Les manifestants de l’Ugb ont détruit des biens qui leur appartenaient, des biens qui appartenaient au Peuple sénégalais. Ils ont brûlé le rectorat, les archives, la direction du Crous, le mobilier, les documents de l’Agence comptable payeur, les restaurants et j’en passe. En un mot, tous les centres névralgiques de l’Ugb ont été mis à sac. Le patrimoine documentaire de l’Ugb a été détruit, engendrant ainsi des conséquences catastrophiques sans limite pour cette université de référence qui a toujours fait la fierté de notre pays, de Saint-Louis du Sénégal en particulier. En vérité, je n’ai jamais vu une manifestation estudiantine aussi brutale et aussi insensée. Je n’attendais pas de nos enfants, la future élite de mon pays, des actes aussi absurdes. J’ai longuement cherché à comprendre, mais je ne suis pas parvenu à trouver des raisons suffisantes pour justifier ce qui s’est passé à l’Ugb en termes de violence et de destruction massive de biens publics.

Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai jamais été étudiant dans une université sénégalaise, mais je l’ai tout de même été à Georgetown University (Wahington Dc) et à Virginia Polytechnic Institute and State University, plus connue sous le diminutif de Virginia Tech (Blacksburg, Virginia, Usa). A l’époque, en ma qualité de président de l’African student’s association, j’ai participé à des manifestations estudiantines dans ces universités de renom et dans d’autres à travers les Etats-Unis. Quelle que pouvait être la légitimité de leurs revendications, les étudiants de ces universités excluaient toute forme de violence. A Virginia Tech, en cas de nécessité de mobilisation, les étudiants sonnaient le rassemblement au Parc Drillfield, un immense espace gazonné qui a la taille de deux terrains de football. Une fois les manifestants réunis, leur mécontentement s’exprimait d’abord par un vacarme infernal, avec un concert de trompettes, de sifflets, de haut-parleurs et de klaxons de toutes sortes, le tout accompagné d’une forêt de pancartes et de banderoles avec divers slogans revendicatifs. Quand le rassemblement atteignait son paroxysme, les leaders du mouvement estudiantin prenaient successivement la parole devant un parterre de journalistes avec leurs équipements de prise de sons et d’images. Une fois le message fort délivré, les étudiants continuaient la manifestation dans le bruit et le tintamarre, mais dans une ambiance bon enfant, sans injure ni violence aucune. Le lendemain du rassemblement, toutes les composantes de la presse américaine rendaient compte de la manifestation en mettant l’accent sur les revendications légitimes. Jamais je n’ai été témoin de démolition de biens publics ou privés dans une université aux Etats-Unis. Jamais je n’ai été témoin de casse et de mise à feu des biens publics. Jamais je n’ai été témoin de revendications exigeant le limogeage d’une autorité étatique ou du président d’une Université. Ces étudiants, différents des nôtres, avaient simplement compris que de telles exigences de leur part seraient manifestement exagérées et irrecevables.

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S’il m’était permis de donner des conseils, j’aurais vivement recommandé au gouvernement du Sénégal de procéder de toute urgence à une réforme des conditions d’attribution, de gestion et de paiement des bourses et aides octroyées aux étudiants.

Je recommanderais aux étudiants de trouver d’autres formes de lutte et de protestation, excluant toute forme de violence, qu’elle soit physique ou verbale. Je convierais les étudiants à arrêter de se faire justice en jetant des pierres à des innocents et en démolissant les biens publics et privés. Qu’ils apprennent à obtempérer aux sommations et aux interdits, au lieu de défier et d’attaquer les Forces de l’ordre ! Qu’ils se souviennent de ce que j’ai écrit quelque part dans un roman : «La grève est un acte démocratique détestable, car elle fait toujours des victimes innocentes.»

Je rappellerais aux étudiants de mon pays ces sages paroles de wolof Ndiaye : «Foo fekk nit kuy yàq, lamuy yàq moomuko ! Bu fekkee ni moo ko moom, kon ab dof la !» (Quiconque démolit des biens n’en est pas le propriétaire. S’il en était le propriétaire, il peut alors être considéré comme un déséquilibré !). Je voudrais inviter les étudiants qui, ne l’oublions pas, sont nos enfants, notre espoir, à refuser d’être assimilés à cet adage parce qu’ils sont dotés d’intelligence et de raison. C’est pour cela qu’ils sont à l’université. Nous les aimons tous, nous les aimons bien. Ils sont appelés à diriger notre cher pays, à l’image du Président Macky Sall, lui-même ancien étudiant de l’Ucad. J’invite donc la jeunesse estudiantine à tourner définitivement le dos à la violence et à s’armer des qualités suivantes : Jàmm (la paix), Jàng (étudier), Jom (sens de l’honneur) et Jub (la droiture).

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Pour terminer, je voudrais recommander aux éléments des Forces de l’ordre d’éviter, autant que faire se peut, l’usage disproportionné de la force et des moyens de défense et de maintien de l’ordre. Qu’ils gardent toujours leur sang-froid et leur sérénité ! Sur le théâtre d’opérations, qu’ils ne se laissent jamais dominer par la colère et la panique ! Qu’ils comprennent qu’ils ont pour mission régalienne majeure la protection de leurs compatriotes ! Ils doivent donc éviter de les réprimer, de les brimer ou de tirer sur eux, quand bien même la loi leur accorde la faveur de la légitime défense, quand leurs vies sont en danger.

Qu’Allah (Swt) protège le Sénégal contre les tragédies de la violence et continue de gratifier notre Peuple de ses innombrables bienfaits !

Moumar GUÈYE

Écrivain

Grand-Croix de l’Ordre du Mérite

moumar@orange.sn

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