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Non, La Peine De Mort N’est Pas Dissuasive

Non, La Peine De Mort N’est Pas Dissuasive

Le débat sur le retour de la peine de mort est, depuis quelques temps, relancé dans la classe politique sénégalaise. Politiciens surfant sur l’émoi suscité au sein de la population par une série de faits divers macabres et parlementaires faisant le commerce de la peur et de la surenchère rivalisent d’ardeur sur le sujet.

L’un d’entre eux a exhumé l’exposé des motifs de la suppression de la peine de mort du corpus juridique sénégalais en 1981. « L’exposé des motifs disait simplement que le Sénégal n’est pas un pays de violence et donc doit supprimer la peine de mort » a-t-il affirmé avant de donner son argument massue à savoir qu’aujourd’hui le pays connaît une vague de violences avec des enfants et des femmes qu’on tue ce qui militerait pour le retour de la peine capitale. Ses arguments sont à peu de choses près les mêmes que ceux de ses autres collègues investis dans le même créneau qu’ils croient porteur en suffrages et en popularité. 

Un autre de ces arguments que l’on entend et lit est la suivante : « La peine de mort ne signifie pas tuer demain qui tue aujourd’hui. Des procédures seront prévues, l’accusé aura droit à un avocat et s’il est condamné, il aura encore la possibilité de bénéficier d’une grâce du président de la République ».

En disant cela, l’on passe, à mon avis, trop rapidement sur les arguments militant contre la peine de mort qui – que les pro peine de mort se rassurent – ne se limitent pas au caricatural « nous ne sommes pas une société violente ».

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Il est utile de rappeler ceci : la peine de mort, dans les pays du monde où elle est pratiquée, n’a pas d’incidence prouvée sur le recul de la criminalité. Il n’y a pas d’effet induit avec d’un côté moins de crimes dans les pays où elle s’applique et plus dans les pays où elle a été abolie. Les études sérieuses qui montrent le caractère non dissuasif de la peine capitale – contrairement à celles qui alimentent la propagande d’une partie de la droite dure et de l’extrême droite occidentale – sont légion. Voir quelques recensions d’études : 

https://www.google.sn/urlsa=t&source=web&rct=j&url=https://www.amnesty.o…

http://www.alterjustice.org/dossiers/articles/161010-non-efficacite-pein…

http://m.leparisien.fr/flash-actualite-monde/la-peine-de-mort-pas-dissua…

http://www.fiacat.org/la-peine-de-mort-un-traitement-cruel-inhumain-ou-d…

http://www.lefigaro.fr/international/2014/04/29/01003-20140429ARTFIG0015…)

L’autre chose à souligner, et non des moindres, est que dans nos systèmes juridiques viciés,  seront surtout exécutés  ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un excellent avocat et beaucoup moins ceux qui peuvent supporter les honoraires d’un ténor du barreau. Tout comme actuellement, la sociologie de nos prisons montre que la majorité des détenus sont issus de milieux défavorisés et parfois le fait de ne pas avoir les moyens pour s’assurer une bonne défense milite grandement en faveur de leur condamnation. Aux États-Unis, les afro-américains constituent la communauté qui emprunte le plus le couloir de la mort. Les raisons liées au milieu d’origine et aux moyens de défense y sont pour beaucoup.

Aussi, dans les États où la peine de mort est abolie, il y a des chances de rattraper en partie une erreur de la justice en libérant le détenu dont l’innocence a été finalement prouvée après des procédures ayant duré des années. Dans les États où elle est appliquée, l’histoire a montré qu’il n’est pas rare que l’on exécute des innocents rendant ainsi l’erreur irréparable et la sentence irréversible. L’Arabie Saoudite est un autre exemple de pays où la peine de mort est appliquée prioritairement aux plus démunis et qui plus est avec un système tellement cloisonné que l’équité de la justice y relève du fantasme.

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Avec la peine de mort, nous ajouterions à l’arbitraire d’un système judiciaire imparfait et dont l’imperfection se manifeste essentiellement aux dépens des plus faibles, le risque du meurtre d’innocents et non plus seulement leur emprisonnement.

Une question se posera aussi à ceux qui veulent le retour de la peine capitale : comment exécute-t-on les condamnés ? Va-t-on les fusiller, les décapiter ou essayer au moins de leur offrir une mort digne et moins douloureuse avec, par exemple, une méthode comme l’injection létale qui elle même, on l’a déjà vu, peut s’avérer atroce lorsque la machine déraille ? Si la réponse va dans le sens de la recherche d’un moyen d’offrir en toute humanité aux condamnés, qui gardent leur dignité d’hommes et de femmes quoi qu’ils aient pu faire, une mort décente, se posera la question de l’allocation des moyens.

Une étude américaine (voir https : //www.nouvelobs.com/monde/20110622.OBS5676/etats-unis-le-cout-de-la-peine-…) montre que l’exécution des condamnés a un coût plus élevé que leur réclusion à perpétuité. Ainsi chez nous, pour chaque machine à injection, chaque produit acheté, chaque salle aménagée, l’argent qu’on mettrait aurait pu servir à construire ou réfectionner une salle de classe, acheter des livres, ériger une bibliothèque bref éduquer au lieu de tuer car les meurtres rituels dont parlent les nouveaux promoteurs de la peine de mort relèvent souvent d’un manque d’éducation et de culture. Il s’agit d’un obscurantisme qui, sur le long terme, a plus de chances d’être vaincu par la dissémination du savoir à tous que par le meurtre de quelques uns.

Il monte dans ce pays, en particulier dans sa classe politique majorité et opposition confondues, un conservatisme sous-jacent qui surfe sur les peurs des citoyens pour leur proposer de supposées solutions miracles comme la peine capitale au lieu de s’attaquer à la racine de la décadence de toute société qu’est la relégation au second plan du combat pour une éducation de qualité et de la bataille inhérente pour construire des êtres pétris de culture et peu vulnérables à l’obscurantisme. Dire que pour rendre le droit complet, absolu, parfait, il faudrait juste tuer parfois et avec un mépris total pour les études sur la question montrant que la solution proposée ne fait reculer la criminalité nulle part, est un déni de réalité au mieux, un populisme de bas étage au pire.

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Surfer sur les angoisses pour conquérir un électorat ou se positionner dans l’espace public est plus facile et peut être plus rémunérateur en termes d’avancée d’un projet politique. Éviter les raccourcis et s’attaquer à la racine du mal est une tâche plus difficile, plus ingrate. C’est pourtant le projet de société le plus pérenne.

rdemba@seneplus.com

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