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L’emprisonnement De Ousmane Sonko : Leçons D’un Homme Politique Portant La Croix Et La Bannière Pour Changer Un Système Injuste

Avec l’emprisonnement de Ousmane Sonko à la suite d’une litanie de charges contre lui, la machine de l’instrumentalisation juridique, mise en branle depuis belle lurette, semble bien de facto atteindre son objectif ultime. Face à l’avalanche d’accusations de tout genre et de tout ordre, l’homme n’a jamais courbé l’échine ou perdu foi en son projet, pour lequel il a tout fait pour le vendre aux Sénégalais. Même en prison aujourd’hui, l’homme inspire respect et gagne par sa cohérence avec ses principes, sa témérité, sa ténacité, sa persévérance et sa foi en Dieu.

Le tout dernier message adressé au Peuple sénégalais avant son incarcération est un signal fort résumant pour l’essentiel, le calme intérieur d’un homme qui place toute sa confiance en Dieu, cette source intarissable de consolation d’où il tire et tirera toute sa force dans la solitude carcérale : «Chers compatriotes, je viens d’être injustement placé sous mandat de dépôt. J’ai toujours placé ma confiance en Dieu. Si le Peuple sénégalais, pour qui je me suis toujours battu, abdique et décide de me laisser entre les mains du régime de Macky Sall, je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine.»

Ainsi, son dernier message ci-dessus adressé au Peuple sénégalais n’est-il pas le résidu d’un contrat fort de confiance avec son Peuple ? Y exprime-t-il son inquiétude pour une potentielle rupture de ce contrat de confiance avec son Peuple ? Que faut-il comprendre de la récente cascatelle d’évènements qui ont précipité son emprisonnement ?

A travers cette modeste contribution, nous allons d’abord essayer de répondre à ces questions par un bref rappel de l’homme et de son message, avant d’analyser les causes profondes de la dissolution de son parti et de son emprisonnement, pour enfin lui adresser un court message de soutien moral que nous espérons bien qu’il lira.

1-Un bref rappel sur l’homme et son message

Ceux qui sont destinés à devenir grands sont caractérisés par la patience, ils sont forgés par les épreuves. Leurs racines se fortifient dans le secret. Le silence les construit et ils apprennent dans l’humilité, souvent même dans l’humiliation. Mais quand vient leur temps, ils sortent non pas comme des lionceaux mais comme des lions. Cette sagesse bien africaine que nous avions dédiée à Ousmane Sonko lors de son premier accrochage avec la Justice sénégalaise, est d’autant plus vraie et pleine de sens qu’il est en prison aujourd’hui. Cette sagesse s’applique, à bien des égards, aux multiples dimensions et qualités de l’homme, Sonko. Ainsi, pris entre le marteau de la prison et l’enclume d’un régime dictatorial qui a tout fait pour lui barrer la route vers le Palais présidentiel, l’homme entre désormais dans la cour de très grands hommes d’Afrique comme Nelson Mandela et Kwame Nkrumah qui ont consacré toutes leur vie à lutter pour l’équité et la justice sociale dans une société égalitaire.

Du jeune étudiant à Gaston Berger, en passant par l’élève à l’Ena, à l’inspecteur des Impôts et domaines du Sénégal, l’homme peut s’enorgueillir d’une brillante carrière professionnelle. Certes son ancienne fonction d’inspecteur des Impôts et domaines fut une position stratégique qui pouvait lui procurer de l’argent, beaucoup de villas et de la notoriété. Au contraire, conscient du degré de responsabilité de ses actes devant son Seigneur dans toute gestion nébuleuse, accablé par le poids du Jugement dernier où rien, ne serait-ce qu’un atome de bien ou de mal, n’échappe à la vigilance divine, l’homme a très tôt compris qu’il n’a seulement un corps à nourrir et à entretenir, mais aussi il a une âme à contrôler face aux appâts épicuriens du monde sensible. Si certains peuvent dire que Sonko inspire respect par sa cohérence et son franc-parler rare chez les politiciens, nombreux sont aussi ceux-là qui parleront simplement de sa crainte révérencielle et sa confiance en Dieu qui auraient placé l’homme au-dessus du lot des politiciens.

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En tout état de cause, l’histoire de la marche de l’humanité nous enseigne que les qualités de droiture et d’éthique ont toujours été des forces vitales face auxquelles le ballonnet et le canon sont toujours restés impuissants. Des prophètes jusqu’aux saints hommes, l’histoire de la marche du monde foisonne d’exemples d’histoires d’hommes et de femmes, pétris d’éthique et de droiture, qui ont remporté des batailles décisives face aux tyrans malgré leurs armements. Face aux privations, calomnies et humiliations auxquelles Sonko est assujetti tous les jours, l’homme comprend bien que sa droiture et son éthique restent les seuls vrais gages de triomphe. Par voie de conséquence, l’homme se forge dans les épreuves quotidiennes qui plongent leurs profondes racines dans le silence profond de la foi en Dieu où il se fortifie dans l’humilité malgré toutes les humiliations auxquelles il est soumis quotidiennement, y compris un emprisonnement qui viole toutes les règles de Droit et de décence humaine.

Telle une bougie qui se consume en silence, les qualités de droiture et d’éthique de Sonko répandent la lumière sur les contreperformances de certains politiciens sénégalais tapis dans l’ombre de leurs propres intérêts personnels, au détriment de l’intérêt général du pays. De ce point de vue, l’homme gêne et ses actions citoyennes subvertissent les cœurs sombres de péchés nourris par les mamelles de l’usure et du vol systémique des deniers publics. Sa gestion sobre et vertueuse dans sa longue carrière professionnelle au niveau des Impôts et domaines est un modèle rare, pour ne pas dire une spécificité sénégalaise, dans une société sénégalaise où la fonction occupée fait souvent office d’enrichissements illicites rapides, de règlements de comptes politiques contre ceux ou celles qui naviguent à contre-courant de leurs idéologies.

Aujourd’hui, en mettant en prison Ousmane Sonko, le gouvernement de Macky Sall pense l’isoler de son peuple, mais l’homme et son projet restent/ront toujours une épée de Damoclès au-dessus de toute tête qui aura à briguer le mandat de Présidence en 2024 et au-delà. Il sera très difficile de se passer de la candidature de Sonko à la prochaine élection présidentielle de février 2024.

2- L’homme, le Peuple sénégalais et le projet

Face à la réalité du destin de prisonnier politique, le moment du doute s’installa chez l’homme, comme tout autre homme. Dans les secondes et minutes qui suivirent, il voulut s’assurer que la sincérité de la confiance qui le liait au Peuple sénégalais par le biais du projet reste toujours valable en ces termes : «Si le Peuple sénégalais, pour qui je me suis toujours battu, abdique et décide de me laisser entre les mains du régime de Macky Sall, je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine.» Comme s’il sentit venir la trahison d’un Peuple pour qui il a dévoué corps et âme pour l’éveiller, l’homme, comme tout être humain, aurait dû sentir ce moment de solitude et de trahison. Or, il n’en est rien car tout compte fait, l’avalanche de manifestations qui secouent les régions à la suite de son emprisonnement auront révélé que l’amour et le respect que le Peuple nourrit à son égard ne sauraient être trahis, mais que cet amour bute contre des forces occultes profondément ancrées dans un système que son entrée en politique en révèle les tares de la dégradation avancée de mœurs qui remonte au temps des années 1960. Ainsi, cette dégradation peut-elle être analysée à plusieurs niveaux dont nous allons en prendre trois pour analyser les causes profondes qui auraient contribué de façon significative à la dissolution du parti Pastef et l’emprisonnement de son leader.

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2-1. La cause politique

La coalition contre-nature entre pouvoir et anciens partis politiques, les appels au dialogue dont le seul but est d’isoler le partiPastef, les visites nocturnes dites de «courtoisie» sont l’apanage d’un système de politique puant issu des partis politiques comme le Parti démocratique sénégalais (Pds) et le Parti socialiste (Ps) dont les plus jeunes leaders n’ont pas mis de nouvelles idées pour faire bouger les lignes. Or, le piège du dialogue politique tendu par Macky Sall, au crépuscule de sa vie politique, à ces jeunes leaders de parti, y compris certains chefs religieux et coutumiers qui ont accepté de convoler en justes noces politiques avec Macky, est l’une des causes politiques principales qui ont contribué indirectement à la dissolution du parti Pastef et facilité l’emprisonnement de Ousmane Sonko. En revanche, cette nouvelle façon de procéder autrement non seulement constitue une menace pour la France, mais elle est aussi une menace pour ceux et celles qui ont détourné des milliards dans un contexte de marasme économique et pauvreté sans précédent. L’em­prisonnement de Sonko devrait être le contraire de ce qui arrive dans un Etat de Droit, une démocratie digne de ce nom.

2-2. La cause confrérique

Le silence des marabouts sur les harcèlements et privations commis à l’encontre de Sonko a fini par convaincre l’écrasante majorité des Sénégalais que la plupart des confréries sont un système de lobby qui se sert de leurs disciples via des organisations, des cérémonies religieuses, sans les servir. De Touba à Tivaouane, les chefs de confréries se sont emmurés dans un silence total qui trahit leurs responsabilités de simples bergers qui doivent s’occuper de leurs troupeaux dont certains égarés croupissent encore dans les geôles de Macky Sall. Tout citoyen a le droit de se demander quels péchés auraient bien commis ces marabouts confrériques pour se voiler la face sur des injustices répétitives contre un homme droit ? Ironie du sort, certains d’entre ces marabouts sortent du silence quand il s’agit de faire travailler leurs disciples dans leurs champs ou leur demander de l’argent autour des projets de construction de mosquées, de centres religieux et que sais-je encore. Personne, à quelques exceptions près, n’a élevé la voix pour arrêter l’injustice et les exactions qu’un individu, en l’occurrence Ousmane Sonko, a subies pour avoir simplement osé dire la vérité sur la gestion de son pays. En définitive, leur silence assourdissant a grandement contribué à la dissolution du parti Pastef et à l’emprisonnement de Ousmane Sonko, et l’histoire les tiendra pour responsables.

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2-3. La cause socio-culturelle

Ce délabrement aigu des mœurs se mesure à l’écart entre le faire et le dire. Autrement dit, l’individu sénégalais est tellement ancré dans le maslaha, le kersa et le sutura qu’il/elle pose des actes quotidiens qui sont aux antipodes de la réalité de ces concepts énumèrés ci-dessus. Bref, une hypocrisie presque généralisée inscrite dans notre culture de maslaha où la bouche qui vous parle, les oreilles qui vous écoutent, les yeux qui vous regardent deviendront dans d’autres circonstances la bouche qui déverse du mal sur votre dos, les oreilles qui vont déformer vos propos en d’autres circonstances et les yeux qui se transforment en témoins oculaires du seul mal qu’ils ont vu. Et pourtant, ce sont ces mêmes individus qui prient quotidiennement à la mosquée, donnent l’aumône, se rendent au pèlerinage aux lieux saints de l’islam.

La vague de trahison dans le parti Pastef depuis sa création jusqu’à nos jours démontre à suffisance que la plupart des Sénégalais sont mus plus par leurs intérêts personnels que l’intérêt général du pays. Or, une adhésion sincère à un parti politique se mesure aux différents risques et périls que l’individu endosse, si nécessaire. Pour l’amour de son pays, Ousmane Sonko a porté la croix et la bannière de son projet pour entrer en prison. On a beau emprisonner Ousmane Sonko, mais son idéologie politique s’est déjà emparée des masses. On a beau dissoudre le parti Pastef, il est déjà devenu une puissante force matérielle au Sénégal et presque dans toute la sous-région.

Compte tenu de ce qu’il a enduré pour son pays, l’homme a bien réussi à échapper à la prison de la conscience alors que ceux et celles qui l’ont mis injustement en prison vivent dans la prison de leur conscience, et ils y demeureront pour toujours comme l’a si bien dit Victor Hugo : «Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Etre libre, rien n’est plus grave ; la liberté est pesante, et toutes les chaînes qu’elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience» (Hugo, Actes et Paroles, 1875-1876).

Une fois patriote, on le restera pour toujours !

Dr Moustapha FALL

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