Faudrait-il désespérer de nous ? Nous, sénégalais, qui sommes si apathiques face au bourreau qui applique ses supplices sans répit. Le très long règne de Macky Sall (le calvaire est toujours interminable) est une suite infernale de maladresses, de vilenies et de déceptions. Il n’y a aucune lueur qui étincelle. On en est arrivés à regretter celui qu’il voue, aujourd’hui, aux gémonies ; celui sans qui, il serait toujours en train de se morfondre dans une vie sans grand relief, son prédécesseur Abdoulaye Wade. La participation remarquable de ce dernier, lors des dernières élections législatives, est moins une célébration d’une icône de retour sur la terre de ses prouesses qu’un malaise social, un rejet d’une politique de pourrissement que Macky Sall, pâle copie du maître, déroule sous nos yeux.
Mais, le plus dramatique dans ce récit d’abjections est l’attitude des Sénégalais qui ne saurait être assimilée à de la patience. C’est de la désinvolture, de la passivité coupable. Le temps où il fallait attendre tranquillement les élections pour sanctionner est révolu d’autant que celle qui se profile à l’horizon est déjà vidée de son sens. Le peuple doit constituer une force « dégauchisseuse », pour ne pas dire coercitive, afin de créer un espace et un temps d’opposition avec des individualités marquantes qui en tirent une légitimité. Aucun leader politique ne peut gagner un combat, légitime qu’il soit, sans une prise de conscience collective des enjeux de l’heure. Et l’enjeu majeur, c’est notre destinée que nous avons associée, depuis 2012, à celle d’individus dont les cœurs sont peu accessibles à la compassion autrement ils auraient fait davantage preuve de retenue face aux souffrances et désillusions du peuple dont ils sont les auteurs inconsidérés.
Il est donc temps de se foutre en rogne, de montrer à ce régime d’une consternante incompétence qui détient le vrai pouvoir. Il est temps de sauver notre justice douteuse, notre école en lambeaux, notre économie aux mains d’une bande de pillards étrangers dont Macky Sall est le bon nègre samaritain, de soigner nos malades laissés à eux-mêmes alors que « Monsieur la honte » du temple de Thémis fait le plus petit de ses bilans médicaux en France. Il est temps de mettre fin à ce spectacle affligeant de femmes et de jeunes cherchant inlassablement le liquide précieux dans les rues de la capitale transformée en un foutoir de gémissements. Il est temps, au Sénégal, pays « émergent » avec une croissance de 7% (riez avec moi), que les populations mangent à leur faim et boivent à satiété. Et cela, aucun leader politique, qu’il se nomme Abdoulaye Wade ou Barack Obama, ne peut mener ces combats légitimes sans une adhésion populaire. Il faut oser, ensemble, engager la lutte de la survie pour mettre fin à ce présent accablant. Personne ne le fera à la place des Sénégalais, principales victimes de ce régime carentiel.
La semaine dernière, je vous parlais d’un ouvrage collectif intitulé « Sen njaxas » publié par huit jeunes Sénégalais qui se posent des questions légitimes sur le présent et le devenir de leur pays dont l’horizon est embrumé par Macky Sall et ses godillots. J’y ai dégotté ces mots et images qui corroborent mon propos : « la pauvreté est une tragédie dont le héros naïf est ce peuple célébrant ses bourreaux. Nous abusons de la complaisance du destin. La société sénégalaise n’est pas prête à emprunter l’allée épineuse de son rendez-vous avec l’émergence, pour être dans la tendance.
Le politique ne fait que s’engouffrer dans cette brèche pour accéder à des privilèges et les défendre avec une insatiable avidité… Les « transhumants » politiques ne débarquent pas dans des prairies plus vertes avec un cheptel. Ils sont escortés et célébrés par des Sénégalais qu’ils y paissent. La cohorte indignée poussant des cris d’orfraie est souvent celle-là qui s’apitoie sur sa propre infortune : celle d’avoir été moins bien servie. Le problème est moins dans l’absence d’une conscience politique des Sénégalais que dans leur inconséquence, leur désinvolture, le vice « congénital » auquel ils cèdent sous le couvert des « grandes vertus » léguées par les aïeux… ». Mettons fin, ensemble, au supplice. Que le couperet de la guillotine s’abatte sur qui croyait pouvoir, éternellement, se jouer de son peuple. Sans vergogne et sans cœur.
Bara Diouf