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Hommes Politiques, Svp, Thierno Souleymane Baal Vous Regarde

Le Sénégal a connu la révolution démocratique avant la France (1789) et les Etats- Unis (1787). En 1776, le Sénégal connut la révolution démocratique, il fut l’œuvre de Thierno Souleymane Baal. Il renversa la dynastie peule des deeniyanké et mit fin au régime Ceddo (monarchie absolue). Il instaura la charia, abolit l’esclavage, mit fin au régime de caste et les castrés deviennent des toroodos en apprenant l’islam. Il mit en place une constitution de 7 articles qui parlent du souverain :

  • 1. Tout souverain, qui ne respecte plus ses engagements envers le peuple et dont vous voyez la fortune s’accroître, détrônez-le et confisquez ses biens.
  • 2. Combattez-le et expulsez-le s’il s’entête.
  • 3. Veillez bien à ce que le pouvoir ne soit pas transformé en une royauté où seuls les fils succèdent à leur père.
  • 4. Le souverain peut être choisi dans n’importe quelle tribu.
  • 5. Choisissez toujours un homme savant et travailleur.
  • 6. Il ne faudra jamais limiter le choix à une seule et même tribu.
  • 7. Fondez-vous toujours sur le critère de l’aptitude (la compétence).

Ce sermon avait été violé par l’élite toroodo qui avait pris le pouvoir des années plus tard. Elle avait institutionnalisé autour du sang la transmission du savoir et du pouvoir en violation manifeste du sermon de Thierno Souleymane Baal. Aujourd’hui cette constitution de l’Almamy Thierno Souleymane Baal, qui résiste encore au temps est violée par notre élite politique. Elle la foule du pied et a installé le Sénégal dans une gestion clientéliste et partisane.

Après le 23 juin 2011, les Sénégalais croyaient qu’on allait directement vers la rupture et que le président Macky Sall remplacerait le président Abdoulaye Wade. Aujourd’hui le président Macky Sall n’a pas remplacé le président Abdoulaye Wade, il lui a plutôt succédé comme Abdou Diouf avait succédé à Senghor.

Le verbe remplacer est différent du verbe succéder. Senghor (BDS) avait remplacé Lamine Guèye (SFIO) en 1951, Abdoulaye Wade avait remplacé Abdou Diouf en 2000, Charles de Gaulle avait remplacé Pierre Pflimlin en 1958. Roosevelt avait remplacé Hower en 1932, Deng Xiao Ping avait remplacé Mao en 1978, Mitterrand avait remplacé Valéry Giscard d’Estaing en 1981, Gerhard Schröder avait remplacé Helmut Kohl en 1998, Mohammed VI avait remplacé son père Assane II en 1999, Mélés Jénawi avait remplacé Mengistu en 1991. Remplacer un président veut dire apporter des ruptures par rapport à ce qui se faisait avant et amorcer des transformations. Remplacer un président exige de la grandeur.

La grandeur d’un président exige deux qualités : un génie politique et un génie économique pour transformer la nation. Deux présidents ont marqué la France : le Général de Gaulle et François Mitterrand.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le génie politique de De Gaulle avait mobilisé toute une nation et lui avait permis de participer grandement à la victoire des Alliés. À la fin des années 50 (en 1958). Il reprit les rênes du pouvoir et son génie économique lui permit d’apporter les ruptures qui permirent de relancer l’économie française victime de la guerre d’Algérie. En effet, en 1957 le déficit français explosa à cause de la guerre d’Algérie et des promesses sociales de Guy Mollet. Le spectre de la banqueroute plana. En 1958, De Gaulle revient au pouvoir et grâce à son génie économique impose un plan. Il commença par dévaluer la monnaie (-18 %) pour relancer les entreprises et s’attaqua à l’inflation par la désindexation des produits agricoles et par la rigueur budgétaire. Les effets se firent sentir : l’inflation passa de 15 à 3,3 %, la dévaluation dopa les exportations et la France profita même d’une croissance de 7 % l’année.

Le génie politique de Mitterrand a eu raison de 23 ans de système gaulliste. Le premier juin 1958, son collègue socialiste Pierre Pflimlin est démis, Mitterrand se positionna et refusa de participer à un gouvernement à moins de le diriger. Il refusa de voter la confiance à Charles de Gaulle et en septembre 1958, il appela à voter non au référendum sur la constitution proposée par Charles de Gaulle.

En 1965, il commença à prôner la rupture et à affronter de Gaulle, le mit en ballotage et perdit au second tour avec un score de 45,51 %. En 1969 il ne se présenta pas à cause du manque de soutien de son collègue socialiste Guy Mollet (SFIO). En 1974, Valéry Giscard d’Estaing qui avait remplacé entretemps Pompidou le battait mais Mitterrand obtient 49,19 % au second tour. En mai 1981, il battait Valéry Giscard d’Estaing avec 51,76 % des suffrages exprimés et devenait président de la République après 23 ans de combat du gaullisme (1958-1981). Il avait toujours cru en lui et au modèle socialiste.

En Allemagne, à partir de 1998, Gerhard Schröder avait pris son courage à deux mains et avait apporté les ruptures dont le pays avait besoin. Il entreprit des réformes pour moderniser l’État providence. En 2003, il lança contre l’avis des syndicats une batterie de réformes (appelées agenda 2010) qui vont dynamiter le modèle social allemand : baisse drastique des allocations chômage, développement des temps partiels et des petits boulots payés 400 euros par mois, assouplissement des licenciements dans les petites entreprises, coupes claires dans les systèmes de retraite et importantes baisses d’impôts pour les entreprises. Ses réformes se révéleront payantes : le coût du travail diminuera rapidement ce qui permit à l’Allemagne de booster sa compétitivité et de relancer durablement sa croissance.

La Chine a connu deux grands présidents, Mao et Deng Xiao Ping. Mao était doté d’un génie politique extraordinaire. Il s’était battu pour la rupture pour imposer au Guomintang ses idées. Mao allait se battre avec le puissant Guomintang et ce combat avec ses frères ennemis le poussa à se lancer dans une marche de 12 000 km où il perdit plus de 90 000 hommes lors de combats avec ses rivaux chinois. Quand le Japon envahit la Chine en juin 1937, Mao convainquit le Guomintang d’arrêter les combats, de se rassembler et de chasser les Japonais. Après avoir chassé les Japonais, Mao se retourna contre ses frères, les écarta et proclama la République populaire de Chine en octobre 1949.

Deng Xiao Ping était d’un génie extraordinaire. À la mort de Mao en 1976, une guerre de positionnement éclata entre les membres dirigeants du parti communiste chinois (épisode de la bande des quatre). Deng voulait apporter des ruptures mais il se heurta aux conservateurs. Après un dur combat, il s’empara du pouvoir en 1978 et commença à apporter des ruptures en cassant le système de Mao (programme des 4 bonds en avant mis en œuvre entre 1958 et 1960). Il démantela les brigades agricoles de Mao et fit rentrer les jeunes dans les universités. L’actuel chef d’État Mr Xi Jinping, Mao l’avait affecté dans la brigade agricole de la province de Shaansi pendant 7 ans (15 ans à 22 ans). Durant ses réformes Deng Xiao Ping l’amena à l’université de Tsinghua de 1975 à 1979 en génie des procédés. Aujourd’hui, il est devenu le président de la Chine, Deng était un vrai visionnaire.

En décembre 1978, il lança son programme économique appelé les 4 modernisations (industrie, agriculture, science et technique, défense nationale) et mit en place la notion d’économie socialiste de marché basée sur la propriété privée en réponse à la propriété collective de Mao. Il est le père de la Chine moderne, ses réformes ont fait de la Chine ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

La Malaisie avait connu Mahathir qui en pleine crise asiatique en 1997 avait refusé l’aide du FMI et de la BM et les avait virés du pays. Il mit en place des ruptures à travers le plan Wawasan 2020 (vision 2020), bâti sur le nationalisme corporatif (tissu économique local) et non sur les idées du FMI ou de la Banque Mondiale. Il relança l’économie et obtint en 2000 une croissance de 8,1 % supérieure à celle des autres dragons qui avaient accepté l’aide du FMI et de la BM.

Le Sénégal a eu le président Mamadou Dia un génie politique et économique, qui s’était défait de Lamine Guèye (SFIO), avait déjoué les plans de Modibo Keita et avait mis en place très tôt les transformations politiques et économiques qui devaient mettre le Sénégal au lendemain de l’indépendance sur la route du développement. Le Sénégal a eu aussi le président Abdoulaye Wade un génie politique qui avait défié le président Senghor et s’était défait du président Abdou Diouf. Le président Wade n’avait pas succédé à au président Abdou Diouf mais il l’avait vraiment remplacé. A partir de 2000 il allait commencer à apporter les ruptures nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des Sénégalais.

En effet, le dispositif des documents de réduction de la pauvreté avait été mis en place en 1999 par la Banque mondiale et le FMI et concrétisé par des stratégies pays. Le Sénégal avait connu DSRP1 (2003-2005), DSRP2 (2006-2010). Le président Wade savait que ces stratégies n’étaient pas suffisantes pour transformer structurellement l’économie. Il réfléchit et mit en place la stratégie de croissance accélérée (SCA) avec l’objectif de rendre opérationnel l’axe création de richesses des DSRP. La SCA devait soutenir les efforts déjà entamés dans le cadre des DSRP en vue d’atteindre l’émergence. La stratégie du président Wade s’appuie sur la conduite des réformes portant sur les déterminants microéconomiques ou structurels de la compétitivité c’est-à-dire sur les facteurs qui ont un effet direct ou indirect sur la création et l’exploitation d’une entreprise.

En quelque sorte le président Wade centralise tout sur l’entreprise (moteur de tout développement) et veut lui créer les conditions de son épanouissement. Et pour créer ces conditions d’épanouissement de l’entreprise, le président Wade prône la mise en place d’un environnement des affaires de classe internationale et la promotion de grappes de croissance à haut potentiel d’emplois et de richesses (territorialisation des grappes de croissance).

Cette stratégie du président Wade avait deux objectifs : améliorer la structure de la croissance qualitativement pour la rendre plus efficace dans la lutte contre la pauvreté (climat des affaires) et diversifier ses sources pour la pérenniser et la sécuriser (grappes de croissance). Enfin, toute cette stratégie doit être basée sur la construction d’infrastructures qui devraient être réalisées dans l’intérêt de la transformation économique. Le président Wade a déjà tracé la voie qui mènera le Sénégal vers l’émergence. Les président Mamadou Dia et Abdoulaye Wade marqueront le Sénégal à jamais de par leur génie.

Aujourd’hui au Sénégal nous avons un président qui s’appelle Macky Sall. En sortant du premier tour en 2012, le candidat Macky Sall n’était pas dans une position de force qu’offrent les urnes (petit pourcentage). Après sa victoire finale, il n’avait pas pu s’appuyer sur un grand parti politique : c’est dans ces conditions que le génie politique apparaît. Mais Macky Sall n’est ni un président savant (il importe ou sous traite ses stratégies : PSE, PUDC), ni un populiste qui attire les foules, ni un révolutionnaire de la trempe des leaders que sont De Gaulle, Abdoulaye Wade, Deng Xiao Ping ou Mohathir. C’est un président qui n’a pas confiance en lui, qui est à l’aise dans l’embrigadement et le débauchage des opposants mais aussi dans le partage du pouvoir avec ses alliés. Ces aspects peuvent être utiles pour conserver le pouvoir mais ils ne peuvent pas faire de vous un grand président, un président apte à amorcer les ruptures nécessaires à la nation, des ruptures qui resteront gravées à jamais dans la mémoire des Sénégalais. Le président Macky Sall n’aura ni la stature du président Mamadou Dia ou du président Senghor ni l’aura du président Wade. Il est proche du président Abdou Diouf, des personnes froides, la menace à la bouche, éloignées des œuvres de l’esprit (sans grandes idées) qui sont là pour continuer l’œuvre politique du mentor et pas pour apporter des ruptures.

Les promesses faites entre les deux tours de la présidentielle ont été vite oubliées et les ruptures que l’on attendait après le 23 juin 2011 n’ont pas été mises à jour aujourd’hui.

Aujourd’hui les membres de la famille présidentielle envahissent les postes ministériels et autres postes publiques à cause de l’omnipotence présidentielle. Dans un pays sans Premier ministre fort où le président décide de tout, il n’est pas souhaitable que des membres de sa famille soient associés à la gestion des affaires publiques.

L’article 176 de la constitution française du 22 aout 1795 interdisait déjà, aux descendants, ascendants en ligne directe, frères, oncles, neveux et alliés aux mêmes degrés d’être simultanément membres d’une même administration. L’article disait : « L’ascendant et le descendant en ligne directe, les frères, l’oncle et le neveu et les alliés aux mêmes degrés, ne peuvent simultanément être membres de la même administration, ni s’y succéder qu’après un intervalle de deux ans ». Les assises nationales avaient décidé de proscrire l’entrée des enfants du président de la République dans le gouvernement. Hier c’était le fils mais aujourd’hui c’est le frère, la belle-famille, les cousins, etc. Il est urgent d’aller plus loin, au-delà de la recommandation des assises nationales. Il est urgent de redéfinir la gouvernance publique, d’identifier toutes les situations qui peuvent occasionner des conflits d’intérêts entre les personnes chargées d’accomplir des missions de services publics et mettre fin à tous ces conflits.

La Cour des comptes et l’Inspection générale d’État réalisent chaque année des audits qui font la une des différents quotidiens. Mais ces audits qui révèlent des malversations financières n’aboutissent à rien à cause de l’omnipotence présidentielle car toutes ces personnes épinglées sont nommées directement par le président de la République et d’ailleurs comme il le dit certains dossiers sont bloqués par lui.

Le Sénégal doit mettre en place des codes de conduite et charte de déontologie dans tous les services de l’État et dans les entreprises publiques. Aujourd’hui les valeurs de probité, d’intégrité, d’impartialité et d’objectivité doivent guider le service public.

Les projets de rupture sont importants dans la vie des nations. Ils permettent des transformations qui se ressentent dans la vie des institutions publiques et privées mais aussi dans la vie des populations. Le Sénégal est toujours en attente de ces ruptures depuis le 23 juin 2011.

 

El Hadji Mansour Samb

Economiste-Ecrivain

Responsable Pole Economie et Prospective

Cellule des Cadres du parti Rewmi

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