On ne se donne pas très souvent, sous nos tropiques, la peine de nous interroger sur la forte déliquescence de nos services sociaux de base et autres services publics de santé et d’éducation. Or, un tel exercice devrait nous interpeller à tout moment en ce sens qu’il n’y aura pas de développement tant qu’on n’aura pas des hommes bien formés, bien éduqués et en bonne santé. Voilà les fondamentaux qui doivent présider à toute bonne politique ! Mais en Afrique, on aime les slogans et le folklore qui s’y attache.
Ces slogans bien ciselés, déclamés sur tous les tons et du genre : « émergence et autres sucettes du même acabit » ne seront que du vent tant qu’on n’aura pas réglé la question préalable de l’éducation et de la formation. Ce ne sont pas les belles incantations qui vont changer le cours des choses d’un coup de baguette magique dans nos pays.
Et d’un bout à l’autre du continent africain, sinon à de rares exceptions prés, le tableau que présentent ces secteurs stratégiques est partout chaotique. Et cela par la faute de nos dirigeants politiques dont les préoccupations fondamentales sont très souvent aux antipodes de celles des populations les plus défavorisées. Seulement, les discours populistes qu’ils tiennent peuvent faire illusion, mais rapportés à l’aune de leurs faits et gestes, on se rend vite compte qu’il y a maldonne. Ce qui m’amène à cette réflexion qui m’a toujours taraudé l’esprit : les chefs d’Etats africains se donnent-ils toujours la peine de cogiter sur le jugement que l’histoire aura à porter sur leurs faits et gestes ?
Quels changements qualificatifs ?
Des indépendances à nos jours, il serait extrêmement difficile pour un observateur un tant soit peu honnête, de citer dix chefs d’Etats africains qui ont su apporter sur la longue durée des changements qualitatifs au destin de leur peuple en réglant définitivement les questions liées à la pauvreté, à l’école et à la santé. Alors la bonne question qui se pose est dès lors : à quoi servent-ils vraiment, ces gens qui nous dirigent ? Ont-ils toujours conscience de l’importance stratégique de leur fonction ? La question reste posée au regard de leur bilan maigrichon. Lequel bilan questionné à l’aune de leur praxis, m’amène à vouloir en savoir un peu plus sur la terminologie, « jugement de l’histoire ». Voila ce qu’en dit le net : « En effet, quand on dit que l’histoire jugera, on la compare à une sorte de tribunal, chargé de sanctionner les mauvaises actions et de récompenser les bonnes. »
Cette explication renseigne sur le fait que tous les actes posés ici bas seront soumis un jour à la sanction positive ou négative. Et dans cette confrontation avec l’histoire que nous aurons tous, celle de nos chefs d’Etats revêt la plus grande importance en ce sens qu’ils sont investis d’une mission qui relève d’un véritable sacerdoce.
Au fait, nos chefs d’Etat peuvent réussir car l’Afrique est riche : « Selon une étude de juin 2010, les experts du McKinsey Global Institute (MGI) estiment que le continent africain est assis sur un potentiel minier unique dans le monde: 10% des réserves mondiales de pétrole, 40% des réserves mondiales d’or, 80% du chrome et 90% du groupe des métaux du platine. Au total, 30% des ressources minérales du monde ont élu domicile en Afrique. »
Quid du potentiel du continent ?
Avec un tel potentiel, le continent africain ne devrait pas être à la traîne. Si elle fait figure de continent-paria, la faute en incombe uniquement à ses élites politiques qui restent pour la plupart de grands sybarites. Ici l’idée fixe qui domine, c’est comment s’accaparer des ressources publiques pour assouvir sa soif de biens de luxe.
Ces « performances » qui nous distinguent dans le concert des nations ont été admirablement bien analysées par le philosophe-anthropologue, Pierre Bamony (PB). Dans son livre, l’Afrique si riche est pourtant si pauvre ?, PB démontre avec la rigueur du scientifique le pourquoi de notre descente aux enfers. Il privilégie dans son explication la thèse internaliste, autrement dit, les mobiles endogènes comme sources de refus du développement. L’analyse situe définitivement la responsabilité de l’élite africaine intellectuelle et politique dans la production de la pauvreté et le maintien des peuples dans les conditions de misère les plus inimaginables.
Poursuivant la radioscopie des sociétés africaines fortement malmenées par une gouvernance qui jure d’avec toute rationalité, PB livre les clés qui continuent encore d’enfoncer le continent africain dans la misère : «Quel que soit le secteur considéré du développement (culture, éducation, santé, agriculture, économie), on assiste partout à l’incurie notoire des élites des peuples africains noirs du continent, absolument aveuglés par la course au pouvoir, la recherche des prestiges du palais, et très enclins à s’approprier les richesses publiques pour une consommation immédiate incontrôlée. ».
Ce diagnostic posé par un esprit lucide et perspicace est révélateur des multiples maux dont souffrent les sociétés africaines. Et partout dans ce continent, la politique dans sa version la plus hideuse s’est infiltrée dans toutes les institutions et a fini de les parasiter pour en faire des coquilles vides livrées à tous les prédateurs.
Cet aspect des choses a été bien campé par Amir Abdoulazeez, président de la fondation pour de nouvelles initiatives (FBI) : « Les dirigeants africains volent des millions et des milliards de dollars de fonds publics pour les investir dans les économies européennes. Combien de dirigeants d’autres continents volent les fonds publics pour les investir en Afrique ? »
Cette sentence en dit long sur la kleptomanie de nos élites politiques. Et pour mieux s’en convaincre, nous allons convoquer des faits réels qui ont eu pour cadre un pays appelé Sénégal et cité naguère comme un modèle de démocratie. Je dois préciser que ce qui est dit de ce pays, n’est pas fondamentalement différent de ce qu’on peut observer dans d’autres parties du continent à quelques variantes prés.
El les fonds publics volés?
Au Sénégal, le bradage des ressources publiques ne date pas d’aujourd’hui. Qui n’a pas entendu sous la gouvernance Diouf, le fameux compte K2, le pillage du bateau grec dans les eaux du port de Dakar ? Et Diouf lui-même est monté au créneau lors d’une université d’été du parti socialiste pour demander à ses camarades de rapatrier les milliards qu’ils ont gagnés « Honnêtement » (C’est moi qui ai mis les guillemets).
Après Diouf, venons-en à la gouvernance Wade. Elle fut émaillée de scandales en tous genres. Et quelqu’un s’est permis de parler « d’embouteillages de scandales » tellement le mal était profond. C’est avec Wade qu’on a connu le fameux protocole de Rebeuss. Des milliards partis en fumée ! Et Wade lui-même de dire à la face du monde qu’il a créé des milliardaires.
Avec son départ du pouvoir, nous croyions tous que les choses allaient changer radicalement. Que nenni ! Et le drame dans tout cela, on finit même par se demander quelle est cette malédiction qui nous tombe dessus pour que nous puissions baigner en permanence dans la médiocrité la plus sordide.
Jugez-en avec le nouveau pouvoir incarné par Macky Sall et qui avait suscité beaucoup d’espoir. Là aussi, c’est toujours le règne des politiciens –fonctionnaires qui ont finit par capturer l’Etat à leurs seuls et uniques profits en se servant sans aucune retenue.
Ces politiciens-fonctionnaires continuent de coûter cher au contribuable sénégalais sous la gouvernance Macky Sall. Logés pour la plupart dans des institutions inutiles et budgétivores au moment où les structures de santé et d’éducation se meurent. Des milliards sont jetés par la fenêtre avec des machins du genre, Haut Conseil des Collectivités Locales, Conseil Economique et Social et Environnemental et tutti quanti.
L’Exécutif vampirise tout !
Et cette gouvernance estampillée APR qu’on nous a vendue sous le label flatteur et plein de promesse de « gouvernance sobre et vertueuse » a déçu plus d’un. N’a-t-on pas entendu leur chef suprême clamer à la face du monde ces propos qui font froid au dos dans un pays de droit : « J’ai mis le coude sur certains dossiers. » !
Cette sortie qui continue de faire des vagues en dit long sur le déséquilibre entre les différents pouvoirs censés se contrôler. Ici l’Exécutif vampirise tous les autres pouvoirs, d’où la persistance de ces conflits à relents politiciens qui n’en finissent jamais. Ces querelles de « petits » nègres habitués aux chamailleries, nous tirent inexorablement vers le bas en mobilisant nos intelligences et nos énergies 24h/24. Résultat des courses, on s’enfonce chaque jour dans les abysses du sous développement.
Ce contexte décortiqué avec en toile de fond des réalités incompatibles avec tout progrès social ne dépare pas totalement de celles qu’on observe dans la majorité des pays africains. C’est cela la triste réalité du continent africain.
Je termine par cette supplique adressée à tous les dirigeants africains d’aujourd’hui et de demain : faites en sorte que vos noms soient accrochés à une étoile qui brillera pour l’éternité dans le firmament du ciel africain pour défier le temps et l’espace parce que se conjuguant avec l’Histoire, la Grande Histoire.
Puisse l’« esprit Thomas Sankara, Dia Mamadou » souffler dans les cœurs et les esprits pour y installer les socles de valeur qui ont fait la renommée de ces deux grands hommes d’Etat. Cet esprit là qui continue à galvaniser les jeunesses africaines pourrait créer les conditions de l’avènement d’une Afrique plus juste, plus humaine, plus respectée de par le monde par sa praxis chevillée à un humanisme charriant les valeurs de tolérance et de démocratie véritable.
Pour ce faire : rompez définitivement avec la mal gouvernance : elle tue à petit feu vos peuples !