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Quand Macky AprÈs 1+1 = 1, Revient À 1+1 = 2

Le 30 mars 2012, après les « vu … » et « considérant … », en sa séance du 30 mars 2012, le Conseil constitutionnel de 5 membres proclame :

Article premier :

Macky Sall est élu président de la République du Sénégal

Et de 1

Le 5 mars 2019, le Conseil constitutionnel de 7 membres après les « vu … » et « considérant … », proclame :

Article premier :

Monsieur Macky Sall est élu président de la République du Sénégal

Avant la proclamation officielle des résultats, le dimanche soir des élections, le Premier ministre Boune A. Dionne s’exclame :

 « Sur la base des résultats que nous avons compilés, il faut féliciter le président Macky Sall pour sa réélection avec un minimum de 57 pour cent des voix ».

En langue française, ‘’réélection’’ a un seul sens : élu pour la seconde fois.

Et de 2

Arithmétique à l’APR. Logique et absurde

Par la suite à l’APR, sentant la fin prochaine, on soutient mordicus que le premier mandat et le deuxième mandat ne font que 1. Ce qui dans leur drôle d’arithmétique donne : 1 + 1 = 1.

L’arithmétique est une branche de la mathématique correspondant à la science des nombres. Elle découle de la logique qui enseigne de ne pas tenir des propos insensés. Le contraire de la logique est l’absurde. Par bonheur, l’absurde ne tue pas. Sinon ce serait l’hécatombe dans les rangs de l’APR.

Il est vrai qu’en politique, il est toujours pénible de quitter les délices du pouvoir. Ce qui a prévalu à l’APR, c’est le syndrome « peur du changement » si Macky Sall quitte le pouvoir. Alors, adieu logements confortables de fonction, voitures de luxe, carburant gratuit, passeports diplomatiques …etc. Bonjour logements banals, voitures ne démarrant qu’à la poussée, carburant cher, cars rapides et autobus, visas Schengen… Surtout pour les mains propres exempts de détournement.

Choses constitutionnelles

  1. La Constitution du Sénégal de 2001 (toujours en vigueur) en son article 27 dit :

La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.

Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou constitutionnelle.

 

(2)En France, le 23 juillet 2008, le gouvernement publie la loi constitutionnelle faisant toilettage de la Constitution gaulliste de 1958. En son article 6 elle dit :

« Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.

Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

  1. Au Sénégal, la Commission nationale de réforme des institutions (décembre 2013) dit : 

 « Le président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans. Il ne peut être réélu qu’une seule fois.

  1. Toujours au Sénégal, une Loi constitutionnelle du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution de 2001, en son article 27 déclare :

« La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs »

Dans chacune de ces quatre dispositions, le contenu est le même, mais la formulation diffère. C’est dans le texte français de révision constitutionnelle de 2008 qu’on trouve l’expression « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » qui se retrouve dans la Loi constitutionnelle sénégalaise de 2016.

Une question s’impose à l’auteur de la Loi constitutionnelle du Sénégal 2016 : C’est quoi le « copier – coller » ?

Bref. C’est le même dispositif constitutionnel qui régit la France et le Sénégal. En France aucun apprenti sorcier ‘’expert constitutionnaliste’’ n’ose se livrer à des contorsions abracadabresques pour en inférer que l’actuel président Macron a droit à une troisième candidature.

Certains ici ont dit qu’il faut attendre l’avis du Conseil constitutionnel, comme si c’était une référence absolument infaillible et crédible. Les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas les meilleurs juristes du pays. Ils ne sont imbus d’aucune science infuse. Leur autorité ne découle que d’une nomination par l’exécutif. Depuis Abdou à ce jour, a-t-on vu un Conseil constitutionnel prendre une décision non conforme à la volonté d’un président de la République ? Il en est de même pour certains membres du judiciaire.

Les juristes de ce pays devraient avoir du respect pour l’emblème posé devant cette université (Ucad) où la plupart d’entre eux ont reçu leur formation : « Lux Mea Lex » (La lumière est ma loi). Cette lumière n’est rien d’autre que la raison, la vérité et la justice. Certains de ceux qui ont été formés dans ce Droit pur, une fois hors du campus universitaire l’ont perverti dans le champ politique à des fins de promotion et d’enrichissement rapide.

C’est aussi de la logique que découle le Droit. Si la loi transgresse la logique et le Droit, elle devient source de problèmes. Comme le Sénégal en fait la tragique expérience depuis 2021.

Charles Aznavour de retour : Il faut savoir…

Cela dit, devant tout ce tohubohu relatif à l’élection présidentielle 2024, ceux de ma génération d’étudiants du début des années 60 n’ont pas pu s’empêcher de penser à cette chanson du Français d’origine arménienne Charles Aznavour qu’ils aimaient fredonner en pensant à Senghor :

« Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi, sans s’accrocher l’air pitoyable, et partir sans faire de bruit. Il faut savoir cacher sa peine sous le masque de tous les jours et retenir les cris de haine qui sont les derniers mots d’amour. Il faut savoir rester de glace et taire un cœur qui meurt déjà. Il faut savoir garder la face ».

Chanson d’amour, mais aussi chanson à forts relents politiques. Ironie de l’histoire. Aznavour a entonné cette chanson pour la première fois en 1961. C’est la même année que Macky Sall est venu au monde dans ce beau Sénégal.  Il s’est peut-être inconsciemment inspiré des paroles sages de cette chanson en renonçant à se présenter une troisième fois. Se faisant, il s’est conformé en technicien qu’il est, à la logique 1 + 1 = 2, conforme à la Constitution. Quitter la table, et sans bruits ! Ce qui reste à ceux qui persistent dans le 1 + 1 = 1 est de faire appel de cette décision de leur chef. Mais auprès de quelle instance ?

Macky Sall un champion de la démocratie en Afrique ?

Dès le lendemain de la décision de Macky Sall, qu’est-ce qu’on n’a pas lu dans la presse bien-pensante en dithyrambes : « Macky au panthéon des grands du monde », « Macky la mention très honorable », « Macky, quelle grandeur ! », « Macky par la grande porte » … Les mêmes auraient applaudi s’il avait décidé de se représenter.

Macky aurait même donné une leçon à toute l’Afrique. Voyons alors ce qui se passe, rien que dans notre sous-région d’Afrique de l’Ouest. Le mandat présidentiel y est fixé pour une durée de quatre, cinq ou six ans selon les pays, renouvelable une seule fois. La disposition constitutionnelle est rigoureusement respectée, sans tergiversations.

Bénin : Mathieu Kérékou, Yayi Boni, Patrice Talon, actuel président

Cap Vert :  António Mascarenhas Monteiro, Pedro Pires, Jorge Carlos Fonseca, José Maria Neves, actuel président.

Ghana : Jerry Rawlings, John Atta-Mills (décédé en présidence), John Kufuor, Nana Akufo-Addo, actuel président. 

Libéria : Ellen Johnson Sirleaf, George Weah, actuel président.

Niger : Mahamadou Issoufou, Mohamed Bazoum, actuel président

Nigeria : Olusegun Obasanjo, Goodluck Jonathan, Muhammadu Buhari, Bola Tinubu, élu en mai 2023.

Sierra Leone : Ahmad Tejan Kabbah, Ernest Bal Koroma, Julius Maada Bio, actuel président.

Dans chacun de ces pays le président ayant bouclé ses deux mandats a, sans se présenter, organisé l’élection présidentielle de façon transparente. Son successeur actuellement en exercice fera de même car la démocratie y est solidement ancrée maintenant.

Ici même au Sénégal, Senghor a quitté volontairement le pouvoir alors qu’aucun texte ne l’y contraignait. Dans tous ces pays d’Afrique de l’Ouest, tous les premiers présidents ont exercé le pouvoir sur une durée de 10 à 20 ans. On a tendance à ne retenir que cela, en plus des coups d’Etat dont le Burkina Faso détient le record. Et on oublie que depuis les années 1980 et 1990 la démocratie a commencé à s’installer solidement.

Ce n’est qu’après des tergiversations sur une durée de plus de deux ans que Macky a jeté l’éponge. La réputation de démocratie exemplaire du Sénégal lui provient surtout de sa situation exceptionnelle d’absence de coup d’Etat et non de son fonctionnement politique interne. Actuellement le Sénégal est loin d’être le modèle de démocratie sur le continent, à moins de prendre en comparaison le Cameroun de Paul Biya, le Congo de Sassou Nguesso, la Guinée Equatoriale de Teodoro Nguema…

Conseil à Macky

Ce que Macky peut faire de mieux au Sénégal après sa déclaration de non-candidature, c’est : déplorer tous ces morts et blessés, mener enfin des enquêtes sur les tirs à balles réelles, libérer ces jeunes militants manifestants qui n’ont fait qu’exprimer un droit constitutionnel, en les triant des voyous pillards. C’est le président en exercice qui à chaque jour de l’an sort de prison des dizaines de délinquants qui vont reprendre du service. Ceux qui n’ont rien pillé ne peuvent être que des prisonniers politiques. Les pillards qui existent dans tous les pays sont des professionnels des émeutes, qui n’attendent que des manifestations pour une raison ou une autre pour entrer en action. On en a vu récemment en France lorsqu’un jeune a été tué par un policier. On en a vu aux Etats-Unis lors de l’assassinat de l’Afro-américain George Floyd par un policier. Les chaînes de télévision CNN, BBC ont montré des Américains blancs, latinos, noirs, piller de grands magasins pour remplir leurs voitures d’appareils électroménagers, téléviseurs, magnétoscopes, ordinateurs … etc.

La seule manière de les juguler est d’éviter l’élément déclencheur qui provient toujours d’un ministère de l’Intérieur et qui leur permet d’entrer en action. Dans ces deux cas de France et des Etats-Unis, le procureur est intervenu pour dire que rien ne justifiait l’usage d’arme à feu et le policier coupable a été écroué. Mais au Sénégal le procureur reste muet dans les mêmes circonstances.

Le sang a assez coulé dans le pays du fait d’événements politiques depuis trois ans. Une dernière grande mesure salutaire qui permettra à Macky Sall de vraiment sortir par la grande porte, d’entrer dans l’histoire, est de permettre à tous ceux qui veulent être candidats à la présidentielle de 2024 de le faire, et d’organiser à la régulière les élections. Ce qui sera une première dans l’histoire politique du Sénégal. Un président qui, sans se présenter, organise à la loyale une élection présidentielle. Ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a fait.

Ne pas le faire, c’est faire renaître les violences avec leurs conséquences imprévisibles, ternir son blason après tous les compliments qui lui ont été adressés de l’extérieur. Ce serait comme ce joueur de rugby qui après avoir réussi un essai magnifique rate la transformation du tir entre les poteaux.

 







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