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Le Fouta tôro : Une Localité Embastillée Par Une Oligarchie Politico-sociale

Le Fouta tôro : Une Localité Embastillée Par Une Oligarchie Politico-sociale

On dit souvent que le monde rural sénégalais en général, le Fouta Tôro en particulier, a toujours plébiscité le parti au pouvoir. De Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, cette partie du nord du Sénégal a vu les Présidents sortants, candidats du/des parti (s) au pouvoir, y enregistrer leurs plus gros scores, toutes élections confondues.

Les leaders politiques de cette zone interviennent essentiellement dans la prise en charge officieuse et subjective des préoccupations ponctuelles d’une certaine frange de la population : achats d’ordonnances, de sacs de riz, de fournitures scolaires, contributions aux cérémonies traditionnelles et religieuses, etc.

Ces actions, en principe destinées au social, sont viciées par des pratiques peu orthodoxes parce que débouchant sur du chantage qui consiste à obliger les bénéficiaires à sacrifier leur dignité et leur liberté d’expression au profil de gens véreux et sans scrupule, capables d’étaler au grand jour tout soutien à l’endroit d’un citoyen dont le seul tort est d’afficher son indépendance d’esprit, malgré sa situation de démuni.

Il suffit de considérer les conditions spectaculaires dans lesquelles ces «aides» sont octroyées pour s’en convaincre. En effet, pour un kilo de riz, un litre d’huile, un paquet de sucre ou un billet de deux mille de nos pauvres Cfa, les honnêtes et paisibles citoyens sont obligés de faire le pied de grue pendant des heures, sous un soleil de plomb, devant le domicile de «moussiè-le-maire» ou du «seef de wilaas».

Par ailleurs, il convient d’ajouter les photos et vidéos prises lors de ces spectacles de distribution «d’aides», dont le seul but est d’exhiber ces images sur les réseaux sociaux.

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Les deniers publics sont donc confisqués par une classe politique et une poignée de familles de «gros os» et de féodaux attardés qui confondent naissance et mérite. Ainsi, la grande masse, constituée de citoyens très «ordinaires», est maintenue dans la précarité la plus totale par un système oligarchique et dynastique, installée à la faveur des contingences sociohistoriques et politico-économiques aussi complexes que nébuleuses.

Dans cette perspective, l’écrasante majorité des Foutankés évoluent dans des conditions de pauvreté et de misère extrêmes, dont les conséquences sont incommensurables. En plus de cela, l’hostilité climatique et ce que l’on a faussement appelé émigration et qui, en réalité, est un véritable exode des fils de ce terroir, contribuent à rendre cette zone morose et presque invivable.

Le Fouta, jadis appelé Namandirou – pays de l’abondance – est devenu le plus grand désert humain, conséquence du voyage «forcé» – souvent sans retour – des bras valides, à la recherche d’un eldorado hypothétique, au prix de leur vie et de leur dignité.

Ce sont ces derniers, plus connus sous l’appellation de «francenaaɓe», qui se privent de presque tout pour nourrir les familles laissées au pays, construire des infrastructures sanitaires et scolaires dans leurs villages d’origine et prendre en charge leurs besoins quotidiens dans les pays d’accueil.

Malgré leurs efforts titanesques, presque surhumains, le Fouta offre au reste du Sénégal un tableau dramatique, désolant, qui mérite un plan d’urgence spécial, voire une véritable opération de sauvetage.

Jusqu’à nos jours au Fouta – dans le monde rural en général -, des femmes en couche décèdent sur des charrettes ou sous des hangars servant d’arrêt de véhicules de transport en commun, où l’on peut rester des heures interminables sans entendre le moindre ronronnement d’un moteur.

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Des enfants malades meurent dans des conditions dramatiques, faute de structures sanitaires spécialisées. Que dire des personnes âgées, naturellement fragiles, que la maladie rend encore beaucoup plus vulnérable ?

Dans cette partie du territoire sénégalais, des personnes de tous âges, faute de moyens, souffrent sans aucun soin, dans la solitude de leur case.

Pendant ce temps, les nouveaux riches locaux, véritables toupies politiques et affairistes assermentés, profitant des privilèges de fonctions très souvent politiciennes, élisent domicile dans les quartiers les plus huppés de la capitale et se réservent des moments de loisirs pour défiler dans leurs villages d’origine, où ils sont accueillis comme des seigneurs.

Un fonctionnaire (salarié) très riche ne se voit que sous les tropiques, où les Républiques très souvent sont «monarchisées».

A ce niveau, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a vraiment de la matière.

Le comble atteint son paroxysme lorsque ces populations spoliées, maintenues dans l’obscurantisme, l’ignorance et la misère la plus tenace, n’arrivent pas à admettre que cet enrichissement nébuleux est anormal. En général, elles pensent qu’un directeur, un ministre ou n’importe quel cadre doit logiquement être riche.

Pis encore, les gens qui cherchent à les conscientiser, à les sensibiliser sont très vite classés dans la catégorie des mécontents et des jaloux.

Décidément, ces termes sont devenus classiques de nos jours.

Pour enfoncer le clou, d’aucuns ne se privent pas de les taxer de mécréants qui vont à l’encontre de la volonté divine.

A la longue, bon nombre de ces patriotes, défenseurs désintéressés des masses laborieuses, las d’être diabolisés, finissent par céder à la dictature sociale et contribuer à gonfler davantage les scores fleuves des tenants du pouvoir.

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C’est quand même plaisant d’entendre des «seydi, seydi» qui fusent d’un peu partout lorsque l’on pointe le bout du nez devant une foule impressionnée.

Mais c’est encore pire de supporter d’être constamment ignoré lors des cérémonies familiales et religieuses.

Nous sommes avant tout des humains et chacun a des limites objectives.

Heureusement, il existe de tout temps des femmes et des hommes de conviction qui n’ont pas peur de la solitude et du dénigrement, tant qu’ils luttent pour des principes.

Aujourd’hui encore, plus que jadis, la situation reste préoccupante. Le travail des vrais patriotes est affaibli par le manque de moyens, mais surtout par les effets pervers de cette hydre dynastique qui ne recule devant rien pour conserver le plus longtemps possible ses privilèges terrestres et bassement matériels.

C’est sans doute sur ce système aussi ancien que le règne des Dia ogo et des Manna que compte son Excellence pour décréter que le Fouta, précisément Matam, est une zone acquise, avant même la campagne électorale.

Cela veut dire en termes simples que lui, le très prochain candidat Macky Sall, n’a besoin de proposer aux populations de cette zone une quelconque offre pour solliciter leur suffrage.

Il ignore sans doute que, malgré son optimisme béat, que ce n’est pas du tout donné d’avance.

Monsieur le président de l’Apr, le Fouta n’est le titre foncier de personne.

Dr. Amadou SOW

Maître de conférences Ucad

Pastef Commune de Méri

Cellule des cadres du Pastef

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